"Je ne suis pas féministe mais...", "c'est bon, le temps des féministes hargneuses, c'est fini, calme toi", "Allez, remets ton soutif, on n'est plus dans les années 70"...
Je ne sais pas vous mais ces derniers temps j'entends très - trop - souvent ce genre de réflexions. Comme si maintenant, il fallait s'excuser avant d'avouer un peu honteuse qu'on est féministe ou comme si ce mot était devenu un juron.
Ok, il existe des féministes hystériques qui cultivent une haine de tout être pourvu d'un sabre laser, à la limite du pathologique. Ok, ces dernières n'ont pas redoré le blason de l'anti-sexisme.
Il n'empêche que lorsque j'entends des femmes de ma génération ou même plus jeunes m'expliquer que tous ces combats sont terminés et d'arrière garde, et bien je suis fumasse. Fumasse parce qu'on a le droit de voter que depuis 1946. Fumasse parce que ma grand-mère devait avoir l'autorisation de son mari pour travailler. Fumasse parce qu'à compétence égale, les salaires des femmes et des hommes ne sont pas près d'être égaux. Fumasse enfin parce que sorties de nos petites frontières européennes, il existe des contrées - pas si éloignées - où la femme est encore considérée comme un sous-homme.
Alors voilà, moi je le dis haut et fort, je suis féministe. Sans le "mais". J'imagine qu'aux yeux de pures et dures, je ne le suis pas assez ou pas comme il faut. Mais je n'en ai cure, mon féminisme à moi il me va.
Mon idée du féminisme, en quelques mots, le voilà. D'abord, ce ne sont pas que des droits mais aussi des devoirs. Le droit de travailler par exemple, pour moi, c'est aussi un devoir. Attention, je ne suis pas en train de jeter l'opprobre sur les femmes au foyer. Mais en ce qui me concerne, dépendre financièrement de mon homme, ce n'est pas envisageable.
Pourquoi ? Parce qu'il n'y a aucune raison, c'est tout. D'autant qu'en plus je suis une souillon doublée d'une faignasse et que les travaux ménagers, c'est zéro pointé. Alors jamais je ne pourrais compenser mon inactivité par une maison bien tenue. En plus, j'adore mes enfants mais voilà, ce n'est pas un scoop, avec eux tous les jours, 24h/24, je m'ennuie. C'est dit.
Parce que par exemple, quand je craque comme une écolière devant des love bottes que je ne mettrai en tout et pour tout que deux heures dans ma vie sous peine d'asphyxie de la cheville, et bien la seule personne qui puisse me blamer, c'est moi même.
Aussi parce qu'on ne sait pas ce que la vie nous réserve et que je veux pouvoir choisir. Choisir de pouvoir partir. Ou de ne rester que pour de bonnes raisons. Et si c'est lui qui part, savoir que ce sera dur mais possible de me relever.
Outre cet élément financier capital, le féminisme c'est tout simplement pouvoir dire non à mon homme lorsque je n'ai pas envie de m'agiter sous la couette. Refuser de faire un enfant. Décider de ne pas le garder. Etre chef d'une équipe d'hommes. Ou de femmes. Et puis aussi m'habiller comme une cagole pour le rendre fou. Le rendre fou et lui faire l'amour. Sans pudeur ni manières.
Et puis le féminisme, c'est aussi une grosse pincée de mauvaise foi. Aimer qu'on me tienne la porte même si c'est macho. Trouver évident qu'il porte ma valise tout en refusant qu'il me demande des comptes sur ma dernière soirée en célibataire. Etre soudain très fragile et considérer que lui, en face, ne peut être que très fort. Réaliser finalement que le fort n'est pas toujours celui qu'on croit. Savoir se faire douce et aimante quand c'est son tour d'être plus faible.
Etre féministe, c'est enfin élever sa fille en la persuadant que rien ne lui sera interdit sous prétexte qu'elle est une femme. Etre féministe, c'est aussi faire grandir son fils en lui apprenant à ne pas avoir peur des femmes.
Voilà, c'est mon féminisme à moi, sans "mais" et sans honte. Je le tiens de ma mère. Mais aussi de mon père. Oui, de mes parents qui m'ont élevée dans la certitude d'être avant tout un être humain. Grace à eux, je ne me suis jamais demandé si être une fille pouvait être un handicap. Grace à eux j'avance dans la vie avec cette certitude que l'homme est mon égal. Un égal différent mais ô combien aimable.