Certains d'entre vous m'ont demandé la nouvelle intitulée Sally. Comme je n'ai pas de temps aujourd'hui pour poster, je me dis que ça pourrait vous faire plaisir que je vous la mette en ligne. Je précise que cette nouvelle avait été écrite sur mon ancien blog et est inspirée d'un texte que j'avais écrit en 1ère et qui d'ailleurs avait truamatisé ma mère. On la comprend. Les enfants sont formidables, me dis-je aujourd'hui...
Voici donc le premier épisode, et si cela vous intéresse, je fais comme la dernière fois, je vous indique où lire la suite...
(petite précision: l'image n'a pas grand chose à voir et en même temps si, je crois. Et puis j'aime MissTic qui se trouve être ma voisine ou presque...)
Dix fois que Sally entre dans la cuisine et ressort. Il est 15 heures et la faim la tenaille. Enfin la faim... Plutôt l'envie de manger. Comme tous les mercredis après-midi, l'ennui et l'oisiveté aidant, Sally n'a que ça en tête. Jusque là, elle a résisté. Pour combien de temps ? Elle peut déjà sentir le carré de chocolat convoité fondre dans sa bouche et le jus sucré couler dans sa gorge. Le bien-être qui s'empare alors d'elle est indescritptible. L'espace d'un instant, plus de bruit, plus de peur. Elle s'oublie et devient elle-même ce chocolat en fusion. Lorsque sa salive redevient fade et sans saveur, le charme d'interrompt. Et la descente est aussi dûre que l'extase était bonne. La culpabilité s'immisce, pernicieuse et vicieuse, dans chaque parcelle de son corps. Une seule façon de la chasser: reprendre un autre carré.
Mais aujourd'hui, Sally voudrait arrêter ça. Faire autre chose. Faire quelque chose. Oublier cette boule qui pèse au creux de son ventre. Elle a dix-sept ans et elle pourrait en avoir 80 tant elle n'attend rien des années à venir. Si seulement tout pouvait être moins gris, si seulement elles n'étaient pas que deux dans cet appartement. Elle, et sa mère. Sa mère sans sourire.
Sally se sent aimée, ça oui, bien sûr. En tous cas, elle n'a jamais manqué de rien. Sa mère a toujours été là. Elle l'a probablement cajolée petite, l'a soignée lorsqu'elle était malade, peut-être bercée les nuits d'insomnie. Enfin, c'est ce que Sally veut absolument croire. Parce que depuis qu'elle est en âge de se souvenir, sa mère est surtout triste. Le bruit la dérange, la musique la heurte. Il y a une raideur en elle que Sally n'a jamais pu expliquer. Sur un plan strictement matériel, c'est une bonne mère. Pour le reste... Surtout, depuis que Sally a eu ses règles, que ses seins ont poussé et qu'elle quitte petit à petit le monde de l'enfance, la réserve de sa mère s'est transformée en une distance gênée. Pas question de parler de choses intimes. Encore moins des garçons. Et forcément, toute conversation ayant trait de près ou de loin au sexe est à bannir. Tabou, défense d'entrer.
Pourtant, Sally, le sexe, elle y pense. Autant qu'aux sucreries. C'est dire. Du matin au soir, du soir au matin. Elle rêve des garçons, ceux de sa classe qui ne la regardent pas, ceux des séries télé dont elle s'abreuve à ses heures perdues. Elle s'invente des histoires dans lesquelles les hommes se meurent d'amour pour elle. Depuis peu, elle a également appris comment se procurer le plaisir que ces amants imaginaires ne lui donnent malheureusement pas. Au début, elle se masturbait le soir, pour s'endormir. Et puis ensuite, elle l'a fait plus souvent, dès que la boule commence à serrer trop fort ses entrailles.
Un soir, sa mère est entrée sans prévenir dans sa chambre. Elle était sur son lit, tellement concentrée sur cette vague qui montait, qu'il lui a fallu quelques secondes pour réaliser qu'elle n'était plus seule. Sa mère s'est figée, la regardant avec un dégoût auquel se mélait une telle douleur que Sally fut tétanisée d'effroi. Sans un mot, elle a tourné les talons , refermé la porte et n'a plus jamais évoqué la chose. Depuis, les silences sont encore plus étouffants. Ce qui n'empêche pas Sally de passer des heures à se carresser. Pendant ce temps là au moins, elle ne pense pas à manger.
A suivre...