Alors ça fait déjà une semaine ou presque que je te parle de ce cours de préparation à l'accouchement.
Mais que s'est-il donc passé pendant ces deux-heures qui mérite un tel teasing, te demandes-tu donc ?
Pas grand chose à vrai dire.
Si ce n'est que l'homme a manqué dans un premier temps s'enfuir, puis s'évanouir, puis être massacré par moi même...
Et pas une seule paire de couilles. Ou alors bien planquées dans les utérus en question mais donc d'aucun secours pour mon gaillard paniqué.
Heureusement, par la suite, deux autres gars se sont pointés. Le premier, Fayçal, un grand brun ténébreux et le second, Walter, hollandais de son état et fervent opposant à la péridurale comme on le verra plus tard.
Le tour de table une fois fait, on est entrés direct dans le vif du sujet avec la première question d'une primipare très renseignée: "Est-il vrai qu'en massant régulièrement son périnée, on prévient les déchirures entre le vagin et l'anus ?".
Là, tu imagines que l'homme a changé de couleur et a frôlé le malaise vagal. Ensuite je pense qu'il a été légèrement excité rapport que la sage-femme, jeune et jolie, a montré, geste à l'appui et jambes écartées comment en effet prévenir l'épisiotomie en massant délicatement cinq minutes par jour avec une bonne vieille huile d'olive la portion de périnée qui se situe à l'arrière du vagin. En précisant qu'il fallait, pour que ce soit efficace, enfoncer deux doigts dans la vulve et que le mieux c'était encore que ce soit le partenaire qui s'en charge.
A ce stade là, Fayçal était quant à lui en hyperventilation avançée.
Depuis, l'homme me poursuit avec sa bouteille d'huile d'olive avec un air lubrique qui paniquerait même Brigitte Lahaie.
Je peux te dire que plus jamais je bouffe une tomate mozarella.
Après, le portable de mon cher et tendre s'est mis à claironner comme un con en plein exposé sur l'engagement du bébé et cours sur la poussée. Non content de mettre deux heures à le trouver, il n'a rien trouvé de mieux que de décrocher et de sortir précipitamment pour raconter, hilare, à son pote Jef, où il se trouvait.
Par contre pour ce qui est de s'éloigner de la porte, ça, il a pas eu l'idée.
Ce qui m'a fait vivre deux longues et douloureuses minutes pendant lesquelles on a tous profité des gloussements de celui qui parait-il est le père de mes enfants - mais rien n'est moins sûr quand j'y pense -, sur le mode: "Ouais c'est l'enfer, que des gonzesses en cloque qui racontent des horreurs, là on en est à la poussée, c'est glamour je te dis pas, un conseil, refuse systématiquement d'aller à ce genre de conneries, parce qu'après pour qu'un jour t'arrive à nouveau à bander, t'as du boulot, ah ah ah...".
Ah Ah Ah.
J'ai fini par sortir, pour conseiller amicalement à Jean-Marie Bigard de se barrer avec son téléphone histoire que je ne meure pas d'humiliation.
Je te dis pas la maitrise de moi même dont j'ai eu besoin pour ne pas lui casser la gueule en le traitant de tout un tas de noms pas amicaux pour le coup. Et ça uniquement parce qu'au contraire de lui, je SAVAIS que de l'autre côté de la cloison, c'était comme si on y était.
Voilà. Ensuite, il est revenu et je peux te dire qu'il a plus moufté, d'autant que si les utérus sur pattes avaient pu le tuer d'un seul regard elles l'auraient fait. Terminés les coups d'oeil envieux du début lancés au seul mâle assez courageux pour se pointer. Le masque était tombé. Finalement, le leur ne venait pas, mais au moins elles pouvaient garder leur dignité.
En même temps, le mien, il n'a pas levé la main quand la sage-femme a demandé qui était contre la péridurale.
Au contraire de Walter.
Que j'ai pris en grippe direct, t'imagines.
Genre lui il savait. Que par exemple, le fait de souffrir ça t'aide à accueillir ton enfant. Et aussi que le travail du coup il se fait plus vite. Et patati et patata. A mon avis, Walter, à la moindre carrie il pleure sa mère. Mais nous, on peut accepter d'être écartelées sans anesthésie.
Sa femme aquiescait, fière de son mari si brave. Mais elle a demandé douze fois si elle aurait mal.
Ben oui ma cocotte. Mais t'auras qu'à te venger sur Walter. A mon avis ça soulage.
Bref, après un débat philosophico-prise de chou sur pour ou contre la péri - perso je n'ai pas d'avis tranché, je ne supporte juste pas qu'on m'explique que si je choisis de ne pas avoir mal je suis d'emblée une mauvaise mère, après chacun fait comme il voudra - on a fini par une séance de relaxation.
Là encore, l'homme s'est distingué en se couchant de tout son long, mobilisant une douzaine d'oreillers alors que Fayçal - en état de choc depuis le dessin au tableau des grandes et petites lèvres qui s'effacent lors de la dilatation - et Walter s'étaient assis discrètement au côté de leur épouse.
"Ben quoi, si tu veux que je me relaxe, faut que je sois bien, non ?", qu'il m'a dit après que je lui ai administré mon regard n°13, celui qui en gros signifie "t'as décidé de me tuer aujourd'hui ? J'ai fait quelque chose de mal, c'est ça ? Quoi qu'il arrive tu peux te brosser pour un quelconque rapport sexuel d'ici les vingt prochaines années".
Oui, en effet, un regard, ça peut en dire long. T'as pas idée.
Pour finir, il s'est redressé d'un coup au moment où la sage-femme a annoncé qu'on allait faire une promenade dans notre corps histoire de bien sentir toute la souplesse de notre périnée.
Voilà, depuis tout va bien entre nous sauf qu'il y a des mots qu'on ne prononce plus à la maison.
Comme vinaigrette, genre.