Quatre mois.
Elle a eu quatre mois le 5 décembre dernier. Et dans quelques jours, trois semaines tout au plus, il sera temps de la laisser, de repartir travailler. Oubliés tous mes grands principes, à la benne mon féminisme, au placard mon autonomie financière, je ne veux pas la quitter, je veux rester le nez dans son cou pour l'éternité.
Non, ne me le dites pas.
Je le sais.
D'ailleurs, même si je ne le savais pas, l'iroquoise se chargerait de me le faire comprendre. Elle franchit en effet les étapes de l'adaptation chez la nounou avec bravitude et serait à mon avis déjà en train de parcourir le monde si elle pouvait tenir debout sur ses cuisseaux qu'elle a charnus.
Très.
Charnus.
Et oui, on pense que sa petite dernière nous fera le cadeau de grandir doucement et pan, on récolte ce qu'on s'aime, une petite helmut charpentée comme Muriel Robin et louchant déjà sur le gâteau au chocolat - ou le saucisson d'ailleurs - avant même de passer par la case compote.
Voilà, l'iroquoise a poussé comme un champignon, elle prend un biberon par jour sans grand enthousiasme mais avec le pragmatisme des gourmands. Elle explose dans le six mois, a probablement dépassé les 7 kilos, perd une cinquantaine de cheveux par jour et arbore une tonsure derrière digne du cul d'un chimpanzé mais reste hirsute. Elle fait mine de se noyer lorsqu'on lui nettoie le visage, déteste qu'on lui mette de la crème sur les joues et a tellement de plis dans le cou que régulièrement il faut la badigeonner d'éosine, rapport à la culture de champignons qui s'y trouve.
Elle bave constamment, comme un chien devant un morceau de sucre et après avoir enfin trouvé son pouce et être parvenue à coordonner ses mouvements pour le mettre ET LE GARDER dans sa bouche, elle semble finalement trouver son index très à son goût. Toute la famille prie pour que l'expérimentation s'interrompe ici et qu'elle n'arrête finalement pas son choix sur le majeur.
Ok, on a bien compris qu'à priori ce ne serait pas la candidate idéale pour le bal des débutantes mais bon, si on pouvait tout de même rester convenable, hein....
A part ça, elle rit comme un pinson quand on la prend à bout de bras et hurle dès qu'on la pose quelque part. Elle a fait de son père un toutou sans défense qui pourra bientôt rivaliser avec Rafaël Nadal niveau biceps gauche hypertrophié.
Ses ongles sont toujours noirs mais ses mains ne sentent plus le fromage. Et je n'aurais jamais cru ça mais ça me manque.
Elle aime regarder la télévision et taper sur l'ordinateur, elle ne s'endort que dans les bras - de son père, donc -, se réveille encore une fois par nuit et ne souhaite manifestement pas avoir d'horaires bien définis dans la journée.
Son papa l'a très clairement entendue prononcer "dodo", son premier mot bien sûr et quant à moi je jurerais qu'elle acquiesce en dodelinant de la tête lorsque je lui demande si elle a faim.
Bref, elle est adorable, exceptionnelle, unique et insupportable, tout dépend de l'heure qu'il est, du temps qu'il fait, de la lune ou des marées.
Et moi, donc, je suis officiellement opposée à l'idée, un jour, de la quitter.
Et ne venez pas me dire que ce sera bon pour elle. Ou pour moi.
Non, ne me le dites pas.
Parce que même si je le sais, c'est un supplice de l'envisager.