Le premier nutritionniste que j'ai vu à 15 ans m'avait prévenue d'emblée: "C'est toute ta vie qu'il faudra faire attention, c'est comme ça, il ne faut pas croire que ce régime va durer deux mois. Si tu recommences ensuite à manger n'importe comment, tu reprendras tout ton poids".
Le verdict était tombé, au rayon diète, j'avais pris perpète.
Au fil des ans, les médecins rencontrés ont tous renchéri. "Il faudra faire ATTENTION tout le temps".
Faire ATTENTION.
Je crois avoir prononcé ces quelques mots des dizaines de milliers de fois. "ça va, j'arrive à me maintenir, je fais attention". "Si je fais attention, les kilos ne reviennent pas". Ouh là là, j'ai regrossi, il faut absolument que je fasse attention".
Évidemment, la variante négative aussi marche très bien: "Je n'ai pas fait très attention ces derniers temps, c'est la cata niveau poids". Etc.
Il m'a fallu ma rencontre avec le docteur Zermati pour comprendre que justement, faire attention, c'est le mal. C'est ce contrôle permanent, cette impression d'avoir pris 20 ans derrière les barreaux du nutritivement correct qui déchaîne systématiquement mes compulsions dès que je baisse ma garde.
Avec cette thérapie, c'est la première fois que je ne ressens pas cette condamnation à durée indéterminée, que je ne guette pas la "fin" du régime, que je ne me pose pas la question de la fatidique "stabilisation".
Tout simplement parce qu'il n'y aura pas de stabilisation. Pour la bonne raison qu'il n'y a pas de régime.
On me demande souvent ces derniers temps, ici ou dans la real life, comment je vais faire "après".
Je réponds qu'il n'y a pas d'après. Il y a au fl du temps je l'espère, la banalisation d'un mode de vie alimentaire décomplexé.
Ok, dit comme ça on dirait du Frédéric Lefebvre.
Mais je suis on ne peut plus catégorique, je peux vivre les années qui me restent en mangeant comme ça. Ce qui n'a jamais été le cas lors des expériences précédentes, pendant lesquelles, au choix, je pesais chaque tranche de pain, faisais cuire au petit déjeuner des soit-disant pancakes ultra-protéinés au gout subtil de Smecta, ou cuisais 40g et pas un de plus de haricots verts agrémentés d'une demi-cuiller à café d'huile de colza. Miam.
Cette année, J'ai passé les fêtes en dégustant du foie gras, du saumon fumé ou du fondant chocolat marrons, une des choses que je préfère au monde. J'ai également jeuné un bon nombre de soirs ou de midi, sans me forcer, tout simplement parce que ma panse était pleine. Résultat, pour la first time of my life, j'ai perdu un kilo et même un peu plus durant ces deux semaines.
Alors oui, je peux continuer ad vitam, parce que rien ne me sera plus jamais interdit et que je n'ai pas prononcé une seule fois la désormais phrase proscrite: "non merci, j'essaie de faire attention".
En revanche, à ma grande surprise, j'ai à plusieurs reprises refusé truffes, chocolats ou autres papillotes parce que non merci, je n'ai plus faim. Et c'est mon dernier mot Jean-Pierre.
Edit: Ces bonbons étaient vendus à la fête foraine du Grand Palais, et même pas j'ai été tentée. Dingue.