Parfois, souvent, dans les commentaires ou même dans la vraie vie, on me pose cette question: "mais comment fais-tu, pour tout gérer, ta vie de famille, ton boulot, ton blog, ton mari, ta carrière de photographe ?"
Si la plupart du temps, je ne vais pas vous mentir, ce type de remarque me flatte énormément - euphémisme -, je me sens parfois un peu gênée.
Parce qu'au risque de briser un mythe, la vérité, c'est que je gère... mal.
J'entends par là que non, le temps n'est pas extensible, non je n'ai pas le don d'ubiquité et re et triple non, je ne suis pas particulièrement bien organisée, du genre à faire des rétroplanning ou des cahier avec des codes couleurs pour les choses urgentes à faire. Au contraire de ma copine Mimi, pour moi l'incarnation de la femme organisée, j'entends.
Alors quoi ?
Alors il y a des arbitrages. Et ça me coûte de l'admettre, mais forcément, certains souffrent de ces arbitrages. Les premiers, ce sont mes enfants. Que je vois peu et souvent mal. Comme un tas de mères qui travaillent, hein, attention, ce billet n'est pas un mur virtuel de lamentations, juste une nécessaire mise au point.
Donc, mes enfants ne sont pas, au quotidien, toujours ma priorité. (attention, la phrase précédente n'est pas hyper facile à écrire pour moi et devrait me coûter quelques heures chez un professionnel). J'en veux pour exemple cette fameuse journée ministérielle (pendant laquelle je n'ai pas renversé de coca sur quelque maroquin qui soit, merci au passage de vous en être inquiétés). Ce même jour, ma fille avait une sortie de classe, LA sortie de l'année, à laquelle elle m'avait supplié de venir. Même que si je ne venais pas, on serait obligé d'annuler ladite journée, en raison d'un nombre insuffisant de parents accompagnateurs.
Pour accéder à cette demande, il aurait fallu poser une journée de congés - qui se font rares à cette époque de l'année - ou pire, simuler une gastro ou que sais-je pour pouvoir m'absenter.
Au final, j'ai opté pour le départ à 5h45 en avion, alors que je déteste 1) me lever à l'aube, 2) prendre l'avion. Pourquoi ? Parce qu'en ce moment, situation critique au niveau du boulot de l'homme oblige, je n'ai pas vraiment intérêt à me distinguer pour cause d'excès de maternité. Mais aussi, soyons honnête, parce que ce type de déplacement est excitant, qu'il s'annonçait intéressant et que dans le métier que j'exerce, c'est le genre d'opportunité qu'on ne refuse pas. Le pire, c'est que bien sûr, j'ai culpabilisé et même hésité. Mais qu'il y a de fortes chances que si cela se représentait, je ferais le même choix (pas super sûre de la concordance des temps s'agissant de cette dernière phrase).
Parfois, je vous rassure, c'est probablement le boulot qui pâtit. Parce que nécessairement, de temps en temps, j'arbitre dans l'autre sens. Mais je dois bien me rendre à l'évidence, c'est tout de même beaucoup plus rare.
Souvent, aussi, c'est le churros, qui râle. Parce qu'un blog, même si ce n'est pas flagrant, ça prend du temps. Et comme de 9h à 20h c'est the regular job et que de 20h à 21h30, c'est le temps du repas et du coucher des nains, il reste la tranche 22h - 23h30 environ. Un jour, je me souviens, il a eu cette phrase qui a tourné longtemps dans ma tête: "Pourquoi as-tu besoin de mettre un écran en permanence entre toi et le reste du monde ?". Est-ce besoin de préciser que ce n'était pas vraiment dénué de tout reproche ?
J'ajoute, pour couronner le tout, que je suis inapte à tout ce qui touche de près ou de loin à des tâches ménagères (prises en charge par le churros et une femme de ménage que j'ai l'immense chance de pouvoir me payer) et que je suis toujours à deux doigts d'une condamnation par le fisc, pour retards ou erreurs de paiements divers et variés.
Bref, le sens de ce billet, c'était juste de dire que selon moi, personne et surtout pas moi n'a la solution. A l'heure des bilans, quand mes enfants seront en âge de me faire des reproches - et quelque chose me dit que ça approche -, nul doute qu'ils auront de la matière. Alors, bien sûr, je saurai me défendre, argumenter, expliquer que certaines de ces choses qui leur ont volé leur maman leur ont également profité. Mais il faudra bien également admettre que oui, j'aurais pu être différente, j'aurais pu les choisir, eux, plus souvent. Et même sans attendre le jugement dernier, il ne se passe pas un jour sans que mon coeur saigne à l'idée d'être une maman à temps partiel. Il me suffit de compter le nombre d'heures que passe number three avec sa nounou et de le comparer avec mon temps de présence pour avoir envie de donner ma démission dans l'instant.
Et les soirs où je rentre plus tôt et que la même number three m'accueille avec un lapidaire "non, pas maman, veux papa...", autant vous dire que toutes ces conneries sur la qualité du temps passé qui prévaut sur la quantité, ça ne vaut pas tripette.
On pourrait penser que d'être aussi consciente de tout ça pourrait me pousser à changer. Sauf que ce n'est pas si simple, qu'on avance comme on peut, qu'on se bat contre ses angoisses à sa façon, et qu'une des miennes s'appelle le chômage. D'autres vont passer beaucoup de temps à avoir peur d'être quittées, d'autres encore à se rendre le plus disponibles possible pour leurs enfants, parce que c'est peut-être ça qui leur a manqué plus jeunes.
Moi je vis dans la terreur de perdre mon indépendance financière, c'est une névrose comme une autre, qui en vaut certaines, j'imagine. Je vis aussi dans le perpétuel besoin d'écrire ces choses là, de les partager avec une nuée d'inconnu(e)s qui sont devenu(e)s des acteurs à part entière de ma vie. Parfois, à bien y penser, je me dis que ça aussi c'est une sacrée psychose. Mais je sais aussi que c'est devenu un facteur d'équilibre et que vous, derrière votre écran, vous m'êtes indispensables.
Voilà, je ne cherche pas à me faire absoudre de mes péchés, ni à me justifier. Simplement à remettre les choses à leur place : non, je ne suis pas une sorte de femme vishnou qui aurait trouvé comment tout faire bien. Je suis comme tout un chacun, je fais des choix. Contestables et regrettables parfois, ou admirables et appréciables à d'autres moments.
Ni pire ni meilleure que vous, en somme...