Quand on se retrouve avec mes cousines, qu'on se soit vues il y a dix jours ou deux ans, c'est le même joyeux bordel: non mais c'est dingue ce que tu as maigri // tu te souviens, quand tu mangeais la moutarde à même le pot, c'était dingue, il n'y avait que toi pour faire un truc pareil // et l'avion, tu y arrives, toi, maintenant, parce que moi c'est l'enfer // tu sais que je change de boulot, ça me fiche une trouille, pas sûre d'y arriver // et à Montpellier, la vie, c'est bien ? // Je ne pourrais pas vivre à Paris, je ne sais pas comment tu fais // et tu vas l'allaiter longtemps, tu penses ? // Je suis enceinte // On se sépare // C'est génial // C'est atroce // Je ne me supporte pas, là, regarde mes seins, ils sont énormes // j'ai arrêté de fumer, mais j'ai quand même apporté des clopes à l'eucalyptus // J'ai pris 20 kilos // Mais si, on peut boire un verre de vin quand on allaite, arrête, quand même ! // Cette robe est superbe, je t'assure // Et ton mec, il va comment ? // Il te ressemble, ton fils, c'est fou // il a les yeux bleus, moi, trois enfants et pas un seul avec les yeux bleus, mes gênes sont récessifs // par contre niveau culotte de cheval, ils se sont bien accrochés, les salauds // mère nature la truie // Et ta mère, ça va ? // 40 ans dans un an, j'en suis malade // Tu en fais dix de moins // Menteuse, mais redis-le moi quand même // On est connes non ? // Tu veux un autre enfant toi ?...
Et ça jusqu'à l'infini, toujours plus ou moins les mêmes conversations, la même évidence, les mêmes promesses de se voir à Paris, Lyon ou Briançon, promesses qu'on ne tiendra pas, parce que la vie fait que c'est comme ça, qu'on a nos vies, qu'on est des dindes, aussi. Et puis peut-être que tout simplement, savoir que quoi qu'il arrive, quelle que soit la distance entre nous, qu'importe le nombre d'années sans nouvelles, il suffira de deux dixièmes de secondes pour reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée, n'incite pas à l'effort. Je crois que c'est peut-être cet aspect là que je préfère, ces bavardages suspendus qui demandent qu'à redémarrer.
Je les ai regardées lors de ce week-end express à Maraveire. Et je les ai trouvées magnifiques, mes cousines: Emilie, Stéphanie, Laurence, Prisca, Charlotte, Andréa, Naïma... J'aurais voulu leur demander la permission de les mettre sur ce blog, parce que toutes ont ce quelque chose de lumineux qui fait qu'aucune photo n'est loupée quand elles sont dessus. Mais, alors que je sais qu'elles me lisent pour certaines d'entre elles, je n'ai pas osé poser la question. Alors voici des petits bouts de mes cousines, des détails, des boucles de cheveux, l'arrondi d'une épaule, la blancheur d'un sourire, la bretelle d'un maillot. Je les aime d'être des sacrées chieuses, des qui parlent fort, qui envoient bouler leur mec quand il abuse, des qui osent dire que non, la maternité ne fait pas tout, des qui veulent tout, le boulot, le soleil, l'amour, les marmots, le cul, aussi.
Edit: Ce billet, je l'ai écrit aussi en pensant aussi à Céline et Clotilde, qui nous manquent sur la plage, qui nous manquent autour de la table, qui nous manquent quand on trinque ou quand on regarde nos enfants.