Comme vous avez pu vous en rendre compte, le wifi ne courait pas les rues à l'ile de ré, tout au moins pas dans un périmètre assez proche pour me motiver. Ne désarmant pas et légèrement angoissée à l'idée d'être déconnectée de l'internet mondial durant une semaine, j'ai tenté l'installation de la clé 3G.
Résultat: Clé 3G: 1 Caro: 0
Donc pas de blogging au bord de la piscine, dommage, je trouvais ça délicieusement romantique comme image, un peu comme celle consistant à revenir sur cette île en hiver, enroulée dans un plaid pour écrire ce fameux roman que tout le monde attend.
Il y aurait un feu de cheminée, un tapis en poil de bête, du vent dans les pins et de longues balades sur une plage abandonnée. Je serais mystérieuse et intriguerais tous les braves gens du cru qui m'appelleraient « l'écrivaine ». Le soir, mue par la fièvre créatrice, je noircirais des pages et des pages. On dirait de moi plus tard que mes mots m'avaient été inspirés par la mer déchainée et les parcs à huitres. (pour la dernière partie de cette phrase notez que je ne suis pas très sûre).
Au terme de cet exil, j'enverrais une liasse de feuilles racontant une histoire d'une folle originalité à deux éditeurs, Gallimard et Acte sud, parce que voilà, je marche à l'instinct. Ils me rappelleraient dans l'heure ou presque, m'offrant des ponts d'or pour me publier, sûrs d'avoir trouvé la nouvelle Darieussec, avec juste ce qu'il faut de Gavalda à l'intérieur. Celui à qui j'aurais dit non (je ne sais pas encore lequel j'avoue que je suis déchirée à l'idée de faire ce choix) se jetterait de désespoir du haut de l'église saint-sulpice.
Hélas, donc, rien de tout ça n'a pu se produire, étant donné que je cherche encore le code PUK de ma clé 3G comme une poule enragée.
Inutile de me rétorquer qu'on peut écrire sans connexion internet et que Balzac n'avait quand à lui ni ADSL, ni Wifi, je suis une femme de mon temps, c'est tout.
A part ça, si j'ai été battue à plate couture par la technologie moderne, ma belle-mère a quant à elle gagné haut la main son match contre mon équilibre alimentaire. C'est avec un acharnement devant lequel je ne peux que m'incliner, qu'elle a en effet entrepris de saper un an de thérapie zermatienne, à coups de « ressers-toi », « tu n'as rien mangé », « sois GENTILLE, tu ne vas tout de même pas me faire JETER ces langoustines ». Elle n'a reculé devant rien, invoquant les petits enfants qui meurent de faim (15 ans qu'on ne me l'avait pas faite), le confit qui n'est pas gras, le sopalin dans lequel elle avait des heures durant épongé les patates frites pour qu'elle soient légères, la quantité de sucre divisée par deux dans le fondant et le chocolat noir qui c'est connu ne fait pas grossir. Ne parlons pas du sorbet au citron vert réputé pour ses vertus amincissantes ni de la cigarette russe, qui, mangée avec le dit sorbet, « fait tout glisser ».
Si le premier jour j'ai résisté crânement, expliquant à ma belle-mère interloquée que mon corps n'était pas une poubelle (autant tenter d'expliquer la physique quantique aux candidats de Secret story) ou mastiquant cinq bonnes minutes chaque bouchée histoire de la priver du plaisir de me resservir trois fois durant le repas, j'ai assez rapidement capitulé. Comment faire comprendre à quelqu'un qui applaudit mes enfants à chaque assiette terminée que lécher les plats n'est pas une performance méritant d'être saluée ?
Histoire de ne pas tomber littéralement malade (au troisième jour mon oesophage a entamé une grève du zèle qui restera dans les anales) (non, cette phrase ci-avant n'est pas sexuellement déviante), j'ai feinté du mieux que j'ai pu. Notamment en fourguant à chaque allée et venue de ma geolière dans la cuisine le reste de mon assiette à mon fils. Qui à la fin de la semaine ne rentrait plus dans aucun de ses jeans.
C'est moche, je sais, de sacrifier le machin sur l'autel de mon zermatage, mais on ne fait pas une guerre sans casser des oeufs. Il n'aura qu'à rajouter ça à la longue liste des griefs qu'il ne manquera pas d'énumérer plus tard devant son quelqu'un à lui.
J'ai l'air de rigoler comme ça mais plus sérieusement, cette semaine était, et je le savais en partant, une mise à l'épreuve comme je n'en avais encore jamais eue depuis le début de ma thérapie avec Zermati.
La leçon que j'en tire, c'est que je vais reprendre rendez-vous avec le bon docteur dès le mois de septembre. Parce qu'il m'est difficile de prétendre avoir passé le test haut la main. Je n'ai cessé de ressasser en pensée les aliments avalés dans la journée, de me flageller d'avoir repris du confit, de me lamenter d'avoir prix douze kilos et de maudire le churros, celui-ci étant par définition responsable de ma détresse.
Je rappelle qu'on était chez sa mère.
J'ai même été à deux doigts d'aller me peser tout habillée dans une pharmacie, au risque de voir s'afficher un chiffre forcément nettement supérieur à celui de ma balance corrompue. Et ça au vu et au su de toute l'Ile de Ré J'ai renoncé au dernier moment, faut dire qu'il fallait payer pour s'humilier, y'a des limites à ma connerie, même si elle sont assez longues à atteindre.
Bref, je peux vous dire que toutes les belles phrases de Zermati, sur la régulation, sur le fait que reprendre deux ou trois kilos ne va pas me tuer, sur le caractère exceptionnel de cette semaine, sur la nécessité de se faire confiance et j'en passe, j'avais beau me les répéter comme des mantras, ça me passait à dix kilomètres au dessus du citron.
Ah ça, je peux fanfaronner dans mon slim taille 38 (une erreur d'étiquetage à priori, j'ai depuis essayé d'autres pantalons dans cette taille - qui représente pour n'importe quelle routarde du régime l'idéal absolu - dans lesquels pas une de mes cuisses n'entrait, ni même la moitié d'ailleurs), je suis très très loin d'être sortie d'affaire si je ne suis pas capable de passer une semaine, une minuscule semaine, totalement détendue du string devant la bouillabaisse de belle maman.
A part ça, l'île de ré est encore plus belle que dans mes souvenirs. Je crois que le village que j'y préfère est celui de La Flotte. Et en vrac : j'ai mangé une glace caramel beurre salé de la Martinière sans aucune culpabilité (menteuse) // il manque tout de même dans cet endroit d'un peu de gens de couleur ou dont les enfants ne s'appelleraient ni Auguste, ni Henri ni Domitille // j'ai assisté à une distribution de bonbon haribos au Bois plage qui m'a fait redouter une éventuelle famine dans nos contrées tellement les Jean-Mathias ou Marie-Gontrance peuvent hélas se transformer en harpies décérébrées pour deux paquets de tagada pink // j'ai vu la très douce et jolie Zoé Sheppard au salon du livre du même Bois plage, entourée de jeunes et de moins jeunes célébrités littéraires // j'ai loupé Marjoliemaman mais j'ai, par un hasard incroyable bu un verre avec la Dom des ménagères et son charmant mari // j'ai admiré les marais salants // pris un thé avec Rose, un matin, en terrasse, pendant que les grands s'enquillaient les 247 marches du phare des baleines // replongé avec consternation dans le processus de la propreté qui suppose qu'un pot soit toujours à portée de main au risque de chagrins inconsolables parce que « pipi et tata dans la vature » // dégusté les Chroniques du plateau Mont-Royal de Michel Tremblay // fêté les deux ans d'Helmut en mangeant du homard et un fraisier qui tue // et enfin, bu des ti-punch concocté par ma belle-mère qui ne pousse pas qu'à bouffer, rendons à César ce qui lui appartient.
Je vous laisse avec quelques photos, pour info je ne maitrise pas super bien mon nouvel objectif et je trouve que sur la majorité de mes photos (prises en mode automatique) les couleurs sont très sombres, mes enfants qui ont des cheveux certes châtains semblent être bruns foncés. Au cas où quelqu'un aurait une explication, quoi.
ça c'est quand j'ai vu Zoé/la bureautière
ça c'est Zoé que je trouve plus à l'aise quand elle est à côté du beau David Foekinos
là c'est PPD avec tous ses nouveaux cheveux et qui a l'air d'adorer d'être là
Là c'est l'homme dont le livre testament est sorti le jour de la mort de Seguin. Quand ça veut pas...
là c'est juste parce que je croyais qu'il était mort et qu'à priori non, ce qui est donc comme une sorte de résurrection à mes yeux.