Je n'y pense plus.
Quasiment plus.
Que ce soit le matin, à midi ou le soir, je ne me demande plus ce que je vais manger et en quelle quantité. A la fin d'un repas, je ne me refais presque plus jamais le film de ce que j'ai avalé, histoire de vérifier que je ne me suis pas laissée aller.
La semaine dernière, apéro avec des copains, grosse razzia sur les Tucs, légère compulsion sur le jamon venu directement d'Espagne et puis... et puis rien, le reste ne me faisait plus envie, j'ai passé mon tour, sans difficulté.
Je ne me lève plus jamais avec le sentiment frustrant de savoir que je vais devoir faire attention. De fait, depuis des semaines, je ne dis plus que je fais attention. Certains jours, pas un aliment de couleur verte ou rouge ne franchit mon palais. Le lendemain ou la semaine suivante, je me régale d'épinards frais passés à la poele.
Et mon poids dans tout ça ? Il reste stable. Depuis trois mois environ, je n'ai rien perdu, rien pris non plus, ou alors pas assez longtemps pour que je m'en rende compte. Je me pèse encore tous les jours, j'aimerais arrêter, pour l'instant je n'en suis pas là. Je fume toujours, trop, mais pas bien plus que lorsque j'ai commencé Zermati.
Je ne maigris plus, donc, depuis un petit bout de temps, et pourtant il n'y a jamais eu autant de monde me faisant remarquer ma perte de poids. Comme si les derniers grammes envolés étaient ceux qui faisaient la différence. Comme si le regard de mon entourage avait mis du temps à s'adapter à mes nouveaux contours.
Autre constat de plus en plus évident, les principes zermatiens ont gagné toute la famille. Ma fille aînée, brindille s'il en est et appétit d'oiseau, ne s'entend plus jamais dire qu'elle n'a rien mangé et que c'est n'importe quoi. Plus jamais forcée à finir une assiette ou goûter, au moins, les courgettes. Elle ne mange pas mieux qu'avant mais les repas ne se terminent plus en version alimentaire de Festen. Je vois bien que chez elle tout ça n'est pas très serein et je me doute que je n'y suis pas pour rien. A force de parler, elle a fini un jour par vider son sac, avouant sa terreur de grossir, sa conviction d'être énorme. Gros coup de poing dans mon ventre, culpabilité décuplée. Mais depuis qu'elle s'est confiée, je la surprends moins souvent en train de compter ses côtes dans la glace. Elle a par ailleurs cet été dégusté des glaces - qu'elle adore et dont elle se privait ostensiblement - avec un plaisir manifeste. A la fin des vacances, je lui ai fait remarquer qu'elle n'avait pas pris un gramme, c'était évident, alors qu'elle avait pour une fois lâché du lest. "Ce que tu manges quand tu as faim ne te fera jamais grossir". Je crois qu'elle l'a entendu, même si je suis lucide, elle trainera sa propre valise à vie...
Mon fils, vorace comme douze, moins affuté que sa soeur mais loin d'être enrobé, apprend quant à lui à manger plus lentement, histoire de ne plus se resservir trois fois par repas. Il a par ailleurs complètement laissé tomber le goûter, il n'a jamais été porté sur la chose, et à force de me voir renoncer à un repas faute d'appétit, fait pareil. A part ça, pas grand chose à signaler, depuis qu'il est né cet enfant zermate sans le savoir.
Enfin, number three, si elle savait d'où vient la formidable liberté almentaire dont elle jouit aujourd'hui, allumerait un cierge par jour pour le docteur Z. Il n'y a plus jamais de crise à table pour la simple et bonne raison que si ce qu'il y a dans son assiette ne la branche pas, je n'insiste pas. Pas question pour autant de la priver de dessert, j'ai également intégré qu'il n'y avait pas mieux pour sacraliser le sucré. Pas de haricots, tu es sûre ? Ok, va chercher ton yahourt. Et ta compote. Le fait est que souvent, le soir, elle se contente de ça et que ça n'a pas l'air de nuire à son énergie (si seulement). Idem pour les bonbons, dont elle est comme qui dirait totalement dingue. Après m'être battue cet été pour qu'elle apprenne à n'en manger que cinq (chiffre arbitrairement fixé par moi même), j'ai finalement lâché du lest et accepté de lui donner le paquet, histoire de voir jusqu'à combien elle pouvait aller. A la façon dont elle s'était jusqu'alors roulée par terre en bavant de colère une fois le 5e et dernier crocodile avalé, j'avais parié sur le fusillage du paquet de vingt. Résultat: à sept, elle a délaissé la chose, manifestement écoeurée.
Quand j'ai réalisé que je m'étais, la veille, gaché une heure de vacances pour DEUX crocodiles en plus, j'ai eu comme une révélation. Attention, je ne lui colle pas des paquets haribos dans les mains tous les jours. Mais quand il y en a, je la laisse gérer. Et pour l'instant, elle ne s'est pas transformée en tagada pink géante.
Voilà, ça faisait un moment qu'on me demandait ce qu'il en était des enfants, je dois dire que le mot qui résumerait assez bien la situation est le suivant: apaisement.
Pourvu que ça dure...