Il y a deux ans, Anne-Marie Revol, journaliste à France 2, a perdu ses deux petites filles, Paloma et Pénélope, 2 et 3 ans, dans un incendie. Elle et son mari revenaient de Grèce où ils avaient passé une semaine en amoureux pendant que les parents d'Anne-Marie gardaient les filles.
Parce qu'elle ne pouvait se résoudre à cette mort inadmissible, Anne-Marie Revol s'est mise à écrire tous les jours des lettres à ses deux enfants. Pour leur dire l'horreur, les larmes qui ne se tarissent pas, l'absurdité des magazines Abricot qui arrivent dans la boîte aux lettres alors qu'il n'y a plus de petites filles pour les lire. De ces dizaines de lettres, un livre est né, "Nos étoiles ont filé".
Je ne saurais expliquer ce qui a pu me pousser à l'acheter, encore moins à le lire. La critique lue dans Psychologie Mag m'avait donné envie, elle parlait d'un message d'espoir, de résilience, enfin je crois. J'imagine aussi qu'il y a comme un besoin de se faire mal, de tutoyer l'horreur pour ensuite se rassurer immédiatement en passant ma main dans les cheveux de mes trois enfants si vivants. Il y a la curiosité, peut-être un peu malsaine: comment se relève-t-on après "ça" ?
Je ne sais pas vraiment, donc, pourquoi j'ai ouvert ce livre. Je sais en revanche pourquoi je l'ai aimé. Malgré les larmes qui n'ont cessé de couler à chaque page ou presque, m'empêchant de le lire dans le métro. Le style est sans fioriture, l'auteur ne cherche pas à plaire ou à recevoir les louanges du masque et la plume. Mais il n'y a jamais un mot de trop, d'apitoiement ou de complaisance dans la description de cette souffrance infinie. Ligne après ligne, par petites touches, sans s'épargner et sans ménager le lecteur, elle met des mots d'une précision infinie sur le deuil. Sur la colère, la culpabilité, la rage. Mais aussi les rires qui reviennent, les instants de bonheur, fugaces mais réels, qui réapparaissent sans crier gare.
"Nos étoiles ont filé", c'est aussi un roman d'amour incroyable, Anne-Marie et Luc avançant l'un contre l'autre, l'un relevant l'une quand elle trébuche, l'une acceptant les silences et les envies de solitude de l'un quand la douleur est si vive qu'elle occupe tout l'espace.
Je crois qu'Anne-Marie Revol a écrit ce livre pour "faire son deuil", mais surtout, enfin c'est ce que j'imagine, pour que Pénélope et Paloma existent encore. Pour qu'à force de lire ces prénoms, les lecteurs ne les oublient jamais. Je ne crois pas en Dieu, au Paradis ou à l'Au-delà mais en revanche à la vie éternelle, oui. Elle porte simplement pour moi un autre nom: le souvenir.
Alors voilà, je n'ai pas connu Pénélope et Paloma, mais d'une certaine façon, je me souviens d'elles et j'aime à croire que ça les fait vivre un peu.
Je ne saurais que vous conseiller cette lecture, âmes sensibles ne pas s'abstenir, surtout pas...