Qui dit fêtes de fin d'année, dit pour moi et pour 99% de la population féminine, stresseur poids au max. C'était en ce qui me concerne mon deuxième noël zermatien. Je mentirais si je disais qu'il a été d'une zénitude exemplaire, mais il me semble néanmoins que sur la longue route pavée d'embuches de la sérénité alimentaire j'ai fait un bout de chemin.
Pour commencer, j'avais intégré l'idée que j'allais grossir. Sans que cette pensée me donne immédiatement envie de boulotter douze papillottes histoire de calmer mon angoisse. Ensuite, j'ai superbement ignoré les conseils stupides qui pullullent dans les magazines - même les plus honorables - à l'approche des fêtes. Le plus con d'entre eux étant celui qui consiste à avaler qui une pomme, qui un oeuf dur (mauvaise haleine assurée à la saint sylvestre), qui, carrément, une bonne vieille cuillère d'huile, avant les agapes. Pourquoi faire ? Ben logique, quoi: pour arriver au réveillon en n'ayant pas faim.
Sauf que le calcul est idiot. Premièrement, c'est le meilleur moyen de vexer votre hôte: "Non, ton chapon qui t'a demandé douze heures de boulot, tu peux te brosser avec parce que personnellement je viens de baffrer trois oeufs sans le jaune et que par conséquent, je me contenterai de manger de l'air en vous regardant vous régaler". Convivialité assurée.
Deuxièmement, ça ne marche pas. Enfin pas en ce qui me concerne. Personnellement je suis tout à fait capable de faire honneur à la dinde, pomme ou pas pomme à 18h. Résultat: non seulement tu manges comme tout le monde mais en plus tu as bouffé avant. Double peine, quoi. Avec en prime un plaisir bien moins intense que si la dinde avait été dégustée avec l'estomac dans les talons.
D'autant que je le rappelle, le mantra de toute zermatienne qui se respecte est celui-ci: ce qu'on mange avec faim ne fait pas grossir.
Bref, surtout pas de subterfuge consistant à calmer sa faim avant de commencer le repas. Par ailleurs, donc, j'ai accepté le fait de continuer à manger alors que ma satiété me faisait des grands moulinets de bras sur le mode: "hey morue, je suis là, hein, je te ferais remarquer qu'on n'en est même pas au fromage et que tu n'as plus du tout faim, donc tu sors de table".
"Boucle-là, hyène", que je lui ai répondu, me souvenant de cet échange avec le Dr Z, pendant lequel il m'avait rassurée: oui, pendant les fêtes ou d'autres occasions festives, tout être humain normalement constitué dépasse sa faim. Personne n'a un assez grand estomac pour arriver au dessert en ayant goûté de tout et en ayant encore la dalle.
En gros, à Noël, tu es condamnée à boulotter.
Merci Zermati, je suis bien avancée, tu me diras.
En effet. Sauf que ce que ce bon docteur m'a également appris et qui est essentiel en cas de marathon alimentaire, c'est qu'il faut faire confiance à la fée régulation.
Cette dernière est la clé de tout, puisque c'est grace à ce mécanisme que normalement, le lendemain, le surlendemain, voire la semaine suivant les excès, tu as naturellement moins faim. Plus on vieillit, plus la fée régulation met du temps à se pointer, ceci dit. Genre quand tu es gosse, le soir qui suit un gueuleton, tu jeûne sans même t'en rendre compte. A mon âge presque canonique, ça peut s'étaler sur plusieurs jours. Mais elle finit par ramener ses fesses, madame régulation. Et instinctivement, tu prends de plus petites portions, voire tu sautes un repas, tout simplement parce que ton corps il te dit non, c'est bon, n'en jette plus, je suis full de chez full.
Je n'y croyais pas trop, à vrai dire. D'autant que ma fée régulation était aux abonnés absents ces vingt dernières années. Non, pas parce que mère nature la truie, comme je le croyais alors. Si cette trainée de fée se la coulait douce aux antilles, c'est pour une simple et bonne raison: je passais tellement de temps à me culpabiliser de ce que j'avais avalé et à regretter ce dont je m'étais privée que j'avais tout détraqué et que la pauvre miss régul' était totalement jetlaguée.
Cette année, donc, je me suis appliquée à commencer le repas en étant bien affamée. Histoire de prendre un certain plaisir dans l'histoire. Ensuite, j'ai tenté de dé-gus-ter. D'apprécier chaque bouchée de foie gras (je réciterai douze notre père pour mon crime) ou de poularde de Bresse emmaillotée. J'ai mangé lentement, ce qui m'a évité de me resservir douze fois. Et j'ai pris du dessert, un peu, alors que j'étais rassasiée. Mais en me disant que le pire qui pouvait m'arriver serait de prendre un kilo. Ou deux. Et que ça ne changerait pas ma vie (ça c'est tout de même la partie la plus difficile et je ne peux pas jurer que j'en sois aujourd'hui à m'en fiche comme de ma première culotte de reprendre du poids).
Il n'empêche que le miracle est arrivé. Ma fée est apparue dans les jours qui ont suivi. Sans que je me dise qu'il fallait que je fasse attention, j'ai fait carême avant l'heure. Ensuite, je suis partie à Istanbul où j'avais la ferme intention de profiter des mets locaux sans me mettre la rate au court-bouillon. A moi les pancakes et autres brownies double choc de l'hôtel, par ici les mezze. Tout ça sans balance, ce qui théoriquement me rend aussi nerveuse que Brian Joubert avant un triple loops piqué.
Et là pareil, voilà que la fée régulation s'est repointée. Aidée il faut l'avouer par les dénivelés de malade d'Istanbul qui ont réveillé certains organes que je croyais disparus. Genre mes ischio-jambiers. Et qui ont probablement contribué à éliminer une partie des boulettes de viandes ingurgitées tous les jours.
Bilan de l'opération: en deux semaines de vacances, un kilo au compteur. Ce qui, compte-tenu de mon alimentation totalement free style de la quinzaine qui s'est écoulée, me semble tenir du même miracle que celui de l'immaculée conception (non, il n'y a pas de contrepetrie, ça fait vingt ans que je la cherche, rien).
Voilà, je ne sais pas trop si ce récit ma foi un peu long en éclairera certains ou certaines mais il me semblait important de commencer l'année sur cette note plutôt positive.
A part ça, merci pour tous vos voeux, je vous la souhaite bien bonne et bien douce à vous aussi. De notre côté, après des vacances de rêve malgré la teupu de grippe sa mère, nous avons débuté 2011 sous le signe de la gastro. Trois enfants sur trois à terre, dont une, la chérie, qui vomit la moindre goutte d'eau et manque tourner de l'oeil à toute évocation de nourriture. Je suppute que nous devrions prendre la suite d'ici mardi. Bonne année, qu'ils disaient.