Lorsqu'on m'a proposé ce sujet, "Pourquoi se maquille-t-on ?", j'ai dans un premier temps cru à une blague. Comment moi, la cancre absolue en beauté, pourrais-je répondre à cette question, qui plus est intelligemment ? Sur quatre pages.
Angoissage.
Et puis je me suis rappelé que le journalisme ne consistait pas à écrire uniquement sur ce qu'on connait. Voire même que parfois, être très proche de son sujet c'est un peu parasitant.
Dans ce cas précis en tous cas, autant vous avouer que je partais vierge comme Marie. Et comme souvent lorsqu'on ne s'y attend pas, je suis allée de rencontres en rencontres. Une ancienne top model de chez Chanel reconvertie en psychanalyste, une maquilleuse indépendante parlant de ses illustres clients avec une tendresse émouvante ou encore une femme de 78 ans qui tous les jours sacrifie au même rituel beauté et qui continue depuis la mort de son mari, pour elle, parce qu'elle n'est pas elle sans son rouge aux lèvres.
Surtout, j'ai parlé avec cette esthéticienne qui travaille exclusivement auprès des femmes malades de cancer pour essayer de leur redonner un peu d'amour d'elles-mêmes. Je ne l'ai pas vue, nous avons juste échangé au téléphone. Un instant dont la brièveté ne m'a pas empêchée d'être extrèmement touchée. Elle s'excusait de ne pas trouver les mots pour m'expliquer à quel point ce qu'elle accomplissait allait pour elle bien au delà de l'esthétique. Pourtant, ses hésitations et ses silences traduisaient à elles-seules son immense respect pour ses patientes et la dimension spirituelle de ce maquillage réparateur. "Le geste compte plus que le résultat", m'a-t-elle confié dans un souffle.
En raccrochant, j'ai pensé que j'avais touché du doigt ce que pouvait être la bonté.
Et aujourd'hui, lorsque j'ai ouvert mon Psychologies Magazine (février) et que j'y ai vu mon article, je me suis souvenu de cette phrase d'une chanson de Vanessa Paradis, vue lundi soir en concert:
"Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont en se demandant pourquoi. Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être en se disant pourquoi pas".
Tous les matins en ce moment, je réalise que j'ai entrouvert la porte de ce pourquoi pas. Et cette pensée fugace, qui n'exclut pas quelques suées dans la journée, me remplit d'un immense bonheur.
Edit: Les taches sur le papier sont les empreintes laissées par les miettes de mon croissant ce matin. On ne se refait pas.
Edit2: Pour celles qui voudraient le lire, j'imagine que l'article sera prochainement en ligne sur le site mais je ne l'ai pas trouvé pour l'instant.