Chose promise chose due. Jean-Philippe Zermati m'a donc accordé une interview à l'occasion du lancement du site internet Linecoaching. Je précise d'emblée que cet échange s'est concentré sur ce portail et non sur la méthode mise au point par ce médecin nutritionniste. Même si bien évidemment, il rappelle au détour de ses réponses les principes de base de la méthode en question.
Par ailleurs, j'ai essayé de poser toutes les questions que vous aviez suggérées dans les commentaires. Mais certaines d'entre elles étaient très spécifiques ou s'éloignaient du sujet précis de cet entretien.
Ceci étant dit, je remercie monsieur Zermati, alias docteur Z sur ces pages, pour ses réponses qui je pense, devraient vous éclairer.
Avant de vous laisser découvrir le résultat de cet entretien, deux trois mots encore: je crois que monsieur Z et moi avons fait tomber une à une les barrières de la relation patient/médecin. En grande partie de mon fait. Avoir raconté sur mon blog nos séances en prenant parfois quelques libertés de ton a forcément fait bouger les lignes dès le départ. Et maintenant, voilà que je l'interview, en enfilant mon costume de journaliste, tout en ne pouvant faire abstraction que je parlais à mon médecin. Ou devrais-je écrire mon ancien médecin, nous ne nous sommes en effet pas vus depuis longtemps.
Cette relation particulière a nécessairement eu un impact sur notre entretien et rend mon objectivité assez relative. Cela ne signifie pas que je me pose ici en étendard de Linecoaching. Mais j'ai confiance en ce praticien dont j'ai pu juger de l'éthique et du sérieux durant deux ans. Je suis par ailleurs encore étonnée tous les jours par la façon dont sa méthode a bouleversé ma vie. Non que je lui attribue le mérite de mon changement d'orientation professionnelle ou ma capacité désormais à parler en public sans défaillir. Mais comme je le lui confiais récemment, "ça va plus loin que maigrir".
Après ces quelques phrases dégoulinantes de sentiments (oui merci, mon transfert se passe très bien), je passe la parole au docteur Zermati.
Pourquoi avez-vous décidé de créer ce site, Linecoaching, en plus de vos consultations et des livres que vous avez écrits pour expliquer votre méthode ?
Jean-Philippe Zermati : La question qui se pose pour moi c'est plutôt « comment aurions-nous pu nous passer d'un tel outil ? » Linecoaching est en effet un véritable prolongement de nos travaux avec le docteur Gérard Apfeldorfer depuis des années. Cela fait plus de quinze ans que je me bats pour faire entendre notre voix. J’ai présidé l'association le GROS dans le cadre de laquelle je m'investis bénévolement, je dispense des formations, j'écris des livres... Mais force est de constater qu'avec ce site nous disposons d'un effet de levier 1000 fois supérieur. Nous sommes, Gérard Apfeldorfer, moi même et tous les partisans de notre méthode, très peu connus. Les apôtres des régimes en tous genre le sont beaucoup plus que nous. Et en n'étant pas présents sur le web, nous avions l'impression de nous battre avec un canif contre les assauts livrés à la bombe atomique par certains nutritionnistes ayant pignon sur rue ! Linecoaching, il faut le voir avant tout comme un outil qui va nous permettre de toucher beaucoup plus de gens.
Ce n'est donc pas un moyen de « faire de l'argent » ou de vous stariser sur le net ?
Jean-Philippe Zermati : Franchement, si j'avais voulu, comme vous dites, « faire du fric », j'aurais changé de métier ou en tous cas je l'aurais pratiqué autrement. Ce site emploie actuellement 10 personnes et ce n'est qu'un début, le suivi personnalisé que nous proposons exige en effet qu'un grand nombre d'experts soient à même de répondre rapidement aux questionnements des abonnés. Dans un monde idéal, bien sûr, on pourrait rêver que tout ceci soit gratuit. Mais la seule solution pour que ça le soit, serait qu'il soit pris en charge par le ministère de la Santé. Aux dernières nouvelles, il n'en est pas question...
Ce qui peut étonner lorsqu'on connait votre méthode et votre discours, c'est la « promesse » de Linecoaching: « maigrir sans régime ». Or en consultation ou dans vos livres, vous insistez toujours sur la nécessité d'accepter un poids d'équilibre et sur le fait que la perte de poids ne doit pas être un objectif en soi. Pourquoi alors mettre l'accent sur l'amaigrissement ?
Jean-Philippe Zermati : Vous avez raison, j'insiste toujours auprès des patients sur le fait que la perte de poids n'est pas un objectif direct mais une conséquence du rétablissement d'un comportement alimentaire normal. Une conséquence réjouissante en général et qui me fait forcément plaisir lorsque mes patients m'en font part. Mais il ne faut pas se voiler la face. Les gens viennent me voir avec l'espoir de maigrir. J'ai rarement en face de moi des personnes en surpoids qui souhaitent en premier lieu réguler leur comportement alimentaire. Généralement la souffrance vient du poids, moins souvent de la compulsion. Si nous pouvions manger plus que de raison en permanence sans grossir, beaucoup moins de gens consulteraient. Par conséquent, nous parlons en effet d'amaigrissement, parce que nous savons que c'est ce à quoi aspirent la plupart des personnes en surpoids. Toutefois, vous ne trouverez nulle part sur ce site une promesse chiffrée. Et la question du poids d'équilibre est abordée très vite, ainsi que celle de l'acceptation de ce poids d'équilibre, même si ce dernier ne correspond pas à celui que l'on souhaiterait. L’acceptation est un concept difficile souvent confondu avec la résignation. Il s’agit pourtant d’un outil psychologique très puissant qui permet d’accéder au changement. On accepte ce qu’on est pour peut-être devenir autre. Encore une fois, Linecoaching est en pleine cohérence avec nos travaux et nos convictions.
Est-ce que toutes les personnes qui suivront votre programme en ligne peuvent maigrir ?
Jean-Philippe Zermati : Effectivement, tout le monde ne pourra pas maigrir autant qu’il le souhaite. Ce que nous pouvons faire pour chaque personne souffrant de surpoids, c'est essayer de la ramener à son poids d'équilibre, sachant qu'on ne sait pas, au départ, où il se situe. On peut aussi l'aider à accepter ce poids. Parce que notre théorie est basée sur l'idée que plus on stresse sur son poids et sur un idéal de minceur, plus finalement on est susceptible de ne pas maigrir ou même de grossir. Nous proposons pour cela aux gens de travailler à la fois sur les sensations alimentaires qui permettent de manger lorsqu'on a faim et de s'arrêter lorsqu'on est rassasié et sur l'impulsivité qui pousse à manger sous le coup des émotions. C'est un énorme pari pour nous de motiver les gens sur cette promesse qui diffère totalement de celles qui sont faites par de nombreux nutritionnistes.
Vous ne pensez pas qu'avec les dernières études qui prouvent qu'un fort pourcentage de gens reprennent du poids après des régimes restrictifs et notamment celui préconisé par Dukan, il y a une méfiance désormais justement vis à vis des promesses du type « perdez dix kilos en trois mois » ?
Jean-Philippe Zermati : C'est vrai qu'enfin, il est dit officiellement que les régimes font grossir. Mais ce qui est assez troublant, c'est qu'en général, toutes ces personnes qui ont regrossi après un régime déclarent vouloir le refaire. Pourquoi ? Parce qu'elles s'attribuent à elles-mêmes cet échec, pas à la méthode ou au médecin. C'est un cercle vicieux qui peut durer longtemps.
Est-ce qu'un suivi personnalisé par internet vaut celui que vous proposez dans votre cabinet ?
Jean-Philippe Zermati : Non. On ne peut pas garantir pas la même personnalisation qu'en face à face. Les outils n'ont pas la même portée. Je dirais que le site, c'est mieux que les livres et moins personnalisé sûrement qu'une consultation. C'est certainement moins efficace que le suivi par un thérapeute chevronné mais beaucoup plus que de recourir à un thérapeute non formé au travail sur le comportement alimentaire... Par ailleurs, beaucoup de gens pour des raisons diverses ne disposent pas de cette possibilité de recourir à ces thérapeutes.
Ceci étant dit, nous ne sommes pas les premiers à tenter l'aventure d'un outil thérapeutique en ligne. Et des études prouvent que pour certains, cela peut être aussi performant que d'être suivi par un thérapeute. Nous avons travaillé deux ans pour mettre en place ce dispositif et avons eu recours à des logiciels d'intelligence artificielle. Nous proposons des retours sur expérience, une analyse régulière des résultats, des bilans réguliers. Il y a un groupe d'entraide qui s'est mis en place. C'est du virtuel, mais ce n'est pas dépersonnalisé, loin de là. Nous essayons en permanence de perfectionner le dispositif, pour que chaque personne soit prise en compte avec ses difficultés et son parcours adapté en conséquence.
Paradoxalement peut-être, le « déficit » de relation avec le thérapeute » est formidablement compensé par la solidarité des abonnés entre eux et le soutien qu’ils s’apportent les uns aux autres. Je trouve qu’il y a une très grande richesse humaine dans les échanges. L’écrit et le groupe favorisent beaucoup l’expression. A titre personnel, je vis une très belle expérience.
Qui sont les « coachs » qui suivent les abonnés ?
Jean-Philippe Zermati : Les coachs « méthode » - ils sont quatre pour l'instant mais devraient très vite être plus nombreux - sont des psychothérapeutes formés aux thérapies cognitivo-comportementales et que nous formons à notre méthode. Ils sont joignables tous les jours par mails.
Est-ce que vous avez dans l'idée d'adapter cet outil pour qu'il serve aux médecins également ?
Jean-Philippe Zermati : Oui nous avons pour objectif de développer le site pour qu'il puisse être utilisé par les médecins, de façon à les aider à élaborer des « parcours » pour leurs patients. J'ajoute que nous formons les médecins, une soixantaine par an. Mais nous n'avons pas la maitrise de leur pratique ensuite. Avec Linecoaching, nous sommes sûrs que notre méthode ne va pas être mal interprétée ou détournée de son objectif.
L'abonnement proposé est de six mois, pourquoi ?
Jean-Philippe Zermati : Je pense très sincèrement qu'on ne peut rien obtenir, qu'il s'agisse d'une thérapie « en face à face » ou en ligne, en moins de six mois. Il y a toutefois la possibilité pour les gens de s'engager pour trois mois, pour tester la méthode.
Ce qui est surprenant, c'est que le bilan gratuit proposé sur le site n'élimine aucun « candidat ». A savoir qu'une personne ne souffrant pas de surpoids se voit acceptée dans le programme. Pourquoi ?
Jean-Philippe Zermati : Je n'ai jamais refusé un patient, qu'il souffre ou non de surpoids. J'ai de plus en plus de gens qui viennent me voir non parce qu'ils sont trop gros mais parce qu'ils n'en peuvent plus de vivre dans le contrôle de ce qu'ils mangent. Sachant qu'un jour ou l'autre, cette restriction à outrance peut déboucher sur une prise de poids. Tout le monde est donc en effet « accepté » dans le programme. Nous espérons même toucher des gens qui ne sont encore pas trop « abimés » par les régimes ou les problèmes de comportement alimentaire. Ces derniers ont une chance d'obtenir une perte de poids qui les contentera et qui leur évitera de tomber dans le cercle vicieux de la restriction. Par ailleurs, il faut savoir qu'à taille identique, entre un IMC de 20 et un autre de 25, il y a un écart de 15 kilos. Une jeune femme qui a pris une quinzaine de kilos en peu de temps et qui conserve malgré tout un IMC normal n'est pas pour autant exempte d'un risque de comportement alimentaire déréglé. 16% de la population française souffre d'obésité, mais 70% des gens déclarent avoir suivi un régime un jour. Cela montre bien que la prise en charge ne peut pas concerner que les obèses. Parce qu'encore une fois, faire des régimes fait grossir à terme. Autant prendre le problème à la source.
Et pour les personnes souffrant d'obésité massive, qu'en est-il de Linecoaching ?
Jean-Philippe Zermati : Malheureusement, les résultats pour ces personnes là ne sont souvent pas à la hauteur des espérances. Mais nous pouvons bien sûr les aider. Nous pouvons aussi leur proposer une préparation à la chirurgie lorsqu'une telle opération est programmée. Notre méthode peut aussi les aider pour l'après chirurgie, lorsqu'ils doivent apprendre de toutes façons à manger autrement.
Dernière question, je vous ai souvent entendu dire que le sport pouvait provoquer une prise plus importante d'aliments, en "anticipation" de l'effort qui va être fourni. Or Linecoaching propose un programme d'entrainement physique. Pourquoi ?
Le parcours activité physique reste facultatif dans la mesure où il doit correspondre à un désir de mouvement.