Vous vous souvenez, cet été le docteur Zermati avait répondu à pas mal de vos/mes questions concernant sa méthode et sa mise en application à travers le portail Linecoaching, initié par ses soins et ceux du docteur Apfledorfer. Il restait quelques interrogations, et il avait promis de revenir pour tenter d'éclairer vos/mes lanternes. J'ai listé ce qui me semblait revenir de manière récurrente, étant entendu qu'il est impossible de faire du cas par cas et d'entrer dans tous les détails des troubles du comportement alimentaire. Mais je pense que vous devriez malgré tout y trouver votre compte. Nous avons prévu de réitérer cet exercice dans quelques semaines sur un thème qui mérite une interview à lui tout seul: "comment gérer l'impulsivité, mère de tous nos vices alimentaires". En attendant, je vous laisse avec ce long billet qui je l'espère vous plaira.
J'ajoute que le docteur Zermati me charge de vous informer qu'il met en place avec le docteur Apfledorfer une thérapie de groupe qui se déroulera "en vrai" (pas en ligne) et qu'il reste des places, au cas où certains d'entre vous seraient intéressés. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Enfin et ce sera tout, je tiens à redire, même s'il me semble que c'est évident - mais l'expérience du net m'a appris qu'en réalité, RIEN n'est évident - que je ne suis en aucune façon partie prenante de Linecoaching. J'entretiens une relation de confiance avec monsieur Zermati et ayant pu constater que sur moi en tous cas sa méthode portait vraiment ses fruits, c'est tout naturellement que je continue d'en parler. De façon totalement désintéressée, donc.
Je laisse la parole à ce bon docteur Z.
Pensées de ronde: Votre méthode est-elle compatible avec la vie de famille ou de bureau ? Parce que manger quand on a faim, par définition, ça ne se programme pas, si ? Comment ça se passe si l'appétit vient à 16h ?
Jean-Philippe Zermati: Il est vrai que le but d'une alimentation familiale ou sociale, c'est que tout le monde puisse manger en même temps. Les repas sont en effet organisés en fonction de conventions sociales, voire physio-sociales. La preuve, c'est qu'en Espagne, on s'arrange tous pour avoir faim à 22h, quand aux Etats-Unis ce sera beaucoup plus tôt ou en France autour de 20h. La définition d'un repas, cela pourrait être celle-ci: c'est le moment où l'on décide de partager sa faim. Mais les gens qui souffrent de troubles du comportement alimentaire ne savent pas ou plus faire venir leur faim lorsque cela les arrange. C'est pourquoi il faut leur enseigner cette compétence: maitriser leur appétit prévisionnel. Cela demande un entrainement et une phase transitoire qui peut impliquer un décalage avec l'entourage. Mais l'objectif est bien que cela soit transitoire, pas de vous faire vivre à un rythme différent de vos proches ! Le but, c'est d'apprendre à se présenter à table en ayant faim.
Pensées de ronde: Mais alors comment peut-on maitriser sa faim pour qu'elle coïncide avec celle communément admise dans la société dans laquelle on vit ?
Jean-Philippe Zermati: Le principe de base, c'est dans un premier temps d'accorder la priorité à sa faim et non aux repas. Sachant donc qu'au départ en effet, la faim peut apparaître à une heure qui ne correspond pas à celle du repas de midi par exemple. S'offrent alors à vous plusieurs solutions. La première, c'est de décider de prendre son déjeuner à 11h, parce qu'on ne peut pas attendre, qu'on est trop affamé et qu'on ne sait pas le gérer. Certaines personnes opteront pour ce choix au début de la thérapie.
La seconde, c'est de décider d'attendre, en se disant qu'on ne va pas tomber d'inanition et qu'on est capable de patienter. Mais ça, certaines personnes ne peuvent pas, parce que la faim déclenche en elles des angoisses trop fortes. Reste alors une troisième solution, qui est celle de l'en-cas. A savoir la possibilité de manger quelque chose en quantité assez petite pour que la faim revienne une heure plus tard. Là aussi, cela peut-être compliqué en présence de troubles du comportement alimentaire. Certaines personnes ne savent pas s'arrêter lorsqu'elles commencent et sont incapables de manger un petit morceau de pain, de chocolat ou tout autre aliment sans arriver à satiété. C'est pour cela que le processus prend un peu de temps et nécessite que l'on travaille parallèlement sur tout un tas de difficultés qui expliquent cette mauvaise gestion de la faim: la peur de manquer, des émotions qu'on ne sait pas gérer, etc. La pratique de la dégustation va également aider à se satisfaire d'un petit en-cas qui ne mettra pas en péril l'organisation sociale des repas.
Mais l'objectif final, c'est bien d'être en mesure de gérer son appétit prévisionnel et de parvenir à manger parfois suffisamment pour ne pas être dans un état inconfortable mais pas assez pour arriver « gavé » au repas.
Pensées de ronde: En somme, c'est un petit peu comme si on avait un portefeuille de faim et qu'on décidait de « placer » des actions à certaines heures de la journée ?
Jean-Philippe Zermati: Oui, c'est un peu ça ! On va choisir le moment où l’on souhaite avoir faim. Mais ce n'est pas un contrôle visant à perdre du poids, attention !
Pensées de ronde: Est-il possible de suivre votre thérapie en ligne lorsqu'on souffre de pathologies particulières comme des troubles de la thyroïde, un déséquilibre lié à la ménopause ou encore du diabète ?
Jean-Philippe Zermati: Je vais répondre pour chacune de ces affections, sachant que l'un des trois exemples que vous me donnez n'est pas une pathologie mais une évolution physiologique normale !
Mais parlons en premier de la thyroïde. Pour commencer, je voudrais déjà préciser que contrairement à certaines croyances, on ne grossit pas tant que ça à cause des problèmes de thyroïde. D'ailleurs, une fois le trouble équilibré par les médicaments, on ne maigrit pas tant que ça non plus. Quoi qu'il en soit, une fois le désordre thyroïdien équilibré, il n'y a absolument aucune contre-indication à suivre notre méthode.
S'agissant donc de la ménopause, qui n'est, j'insiste, pas une maladie, il faut déjà savoir une chose: la ménopause n'implique théoriquement pas de prise de poids physiologique mais plutôt un déplacement des graisses du bas du corps vers le haut. C'est un processus dépendant des hormones contre lequel on ne peut pas lutter et contre lequel il n'existe aucune solution miracle. Mais il est vrai que c'est une période qui peut être difficile à vivre. En raison de cette transformation du corps, bien sûr, mais aussi de tout un tas de choses qui surviennent lors de ce passage (départ des enfants, cessation de certaines activités, etc). Forcément, pour certaines femmes qui souffraient déjà de troubles alimentaires, cela peut les aggraver. Et en faire apparaître chez d'autres qui jusque là n'en avaient pas. Notre méthode est donc adaptée à cette phase de la vie, puisqu'elle se concentre justement sur la façon de gérer nos émotions. Mais il faut garder à l'esprit qu'on ne pourra rien contre les transformations naturelles engendrées par ce bouleversement hormonal.
Enfin, le diabète. Là, c'est un peu plus complexe. Nous précisons en effet dans les contre-indications de l'abonnement à Linecoaching qu'un diabète nécessitant un traitement est une contre-indication. En réalité, la seule contre-indication réelle concerne les personnes dont le diabète est traité par les sulfamides. Parce que dans ce cas, les expérimentations sur la faim sont impossibles, ces personnes là pourraient en effet faire un coma diabétique. Mais pour les autres cas de diabète, la prise en charge, par les diabétologues, a énormément évolué. Il y a quelques années en effet, on prescrivait aux diabètes des régimes très stricts, avec des interdictions totales des sucres rapides. Petit à petit, on a réintroduit les sucres rapides et aujourd'hui, certains diabétologues décident de ne plus imposer de régimes alimentaires aussi stricts et d'adapter la prise d'insuline à l'alimentation plutôt que l'inverse. Pourquoi ? Parce qu'ils se sont rendus compte comme nous que les patients diabétiques développaient des troubles très fort du comportement alimentaire à force de multiplier les interdits. Des troubles qui pouvaient les mettre en danger physiquement. Cela les a donc amenés à faire évoluer leur façon de soigner leurs patients. Pas par idéologie mais par pragmatisme. Un nutritionniste, si son régime échoue, son patient regrossit. Un diabétologue, si son traitement n'est pas adapté à son patient, il meurt. Forcément, cela pousse à se remettre en question !
Il y a des expériences qui sont donc menées actuellement consistant à suivre des diabétiques en les laissant manger en fonction de leurs sensations alimentaires. Les résultats semblent très positifs. La diminution de la glycémie est identique à celle obtenue avec un régime hypocalorique et corrélée à la perte de poids qu’on espère plus durable qu’avec les techniques restrictives.
Vous aurez donc compris, le diabète en soi n'est pas un obstacle à cette thérapie. Excepté pour le cas d'un diabète traité aux sulfamides. Donc si des personnes souhaitent s'inscrire mais souffrent de cette pathologie, il faut qu'elles nous écrivent pour que nous examinions leur dossier.
Pensées de ronde: Quid des personnes souffrant d'obésité massive ? Quel espoir peuvent-elles nourrir en suivant votre méthode ?
Jean-Philippe Zermati: En préambule, il faut tout de même rappeler que lorsqu'on parle d'obésité massive ou morbide, on parle d'un IMC à plus de 40. On ne peut pas faire espérer à ces personnes là de pouvoir revenir à un IMC « normal » de 25. Ce qui ne signifie pas qu'on ne peut rien faire. La première chose, c'est qu'on peut les empêcher de continuer à grossir. Parce que lorsqu'on a atteint une obésité de ce stade, il ne faut pas croire que le processus s'arrête. Si on ne fait rien, on continue à prendre du poids et même de manière exponentielle, parce qu'à force, les cellules de graisse se sont multipliées (cf billet dans lequel j'avais expliqué ça). Première phase, donc, stopper la prise de poids. Ensuite, une partie de ces personnes sont malgré tout au dessus de leur set point (le poids d'équilibre). On peut donc les aider à redescendre au niveau de ce poids d'équilibre. Un poids qui, j'insiste, a forcément évolué au gré des régimes que ces personnes là ont multiplié dans leur vie. Leur set point peut être donc très élevé et rester handicapant. Ils peuvent alors prétendre légitimement à la chirurgie gastrique. Mais là aussi, nous pouvons les aider, parce que cette chirurgie se prépare. Il vaut mieux arriver à l'opération en ayant un comportement alimentaire normal. Après l'opération, il y a toujours une phase euphorique qui accompagne la perte de poids. Les compulsions disparaissent parce que la personne est portée par sa perte de poids, exactement comme au début d'un régime qui fait maigrir vite. Mais lorsque la perte de poids s'arrête, si on n’a pas fait un travail sur son comportement alimentaire en amont, les troubles réapparaissent et mettent en péril la chirurgie gastrique. D'où l'intérêt de se préparer et c'est ce que nous proposons.
Pour lire le premier épisode de cette interview, cliquez ici.