Un des trucs qui me manque le plus - le seul presque quand j'y pense - de mon ancien boulot, c'est ce moment qu'on prenait entre deux dépêches ou à midi pour piapiater avec mes copines de bureau. Autant vous dire qu'en pia pia pia je suis championne du monde et de très mauvaise influence.
En même temps, j'avais lu un article très sérieux qui expliquait qu'il était nécessaire pour la productivité d'une équipe que dans le lot il y ait un ou deux individus qui fasse du lien social en racontant des conneries. Pas sûre que les managers adhèrent à cette étude pourtant scientifique mais personnellement je me rappelle que le départ d'un collègue qui me faisait mourir de rire plusieurs fois par jour avait singulièrement altéré mon boulot. Tout simplement parce que du coup j'arrivais avec un peu moins d'enthousiasme (greg si tu me lis, la voilà ta dédicace).
De là à prétendre que mon départ a plongé mon open-space dans une sinistrose désespérée il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas. Il reste tout au fond de moi quelques grammes de modestie. Si si, quand on creuse, on a des chances d'en retrouver des traces sous les ongles.
Tout ce préambule pour parler de ma copine S. et de nos instants masque et la plume qui ont de longs mois durant adouci mon quotidien (le mieux c'était quand on s'y mettait à trois avec J.). La dernière fois que nous nous sommes vues, elle m'a apporté un livre dont elle pensait que je pourrais l'aimer.
Un geste d'autant plus précieux que l'exemplaire était dédicacé par l'auteur, rencontré par S. au salon du roman américain l'année dernière. Quand on connait mon peu de soin apporté à tout objet inanimé, c'est une sacrée marque d'amitié.
"Little Bird". De Craig Johnson.
Premier opus d'une série qui compte pour l'instant cinq livres.
C'est simple, je me languis de pouvoir entamer le second que je vais m'empresser d'acheter séance tenante. Il s'agit donc d'un polar, qui se passe dans les plaines et les montagnes du Wyoming. Le héros est un shérif veuf, bedonnant et un poil dépressif mais exerçant néanmoins son charme sur la gente féminine - un peu désespérée - du bled dans lequel il officie. Racontée à la première personne avec un humour d'une rare finesse et une tendresse pour tous les personnages, même les plus retords, l'enquête concerne le meurtre d'un jeune homme accusé quelques années auparavant d'avoir violé en collectivité une jeune indienne de 14 ans un peu attardée. Le genre de gars dont la mort n'attriste pas grand monde. Autant dire du coup que les suspects se bousculent au portillon, qu'il s'agisse du meilleur ami cheyenne de Walt le shérif, du prédécesseur unijambiste de ce dernier ou du père de la victime. Pour ne citer qu'eux.
Walt lui même sait qu'il ne l'a pas fait mais ce n'est pas l'envie qui lui aurait manqué.
Je ne suis pas sûre de savoir parler de cet ouvrage comme il faudrait tellement sa force réside dans un style impeccable et fantasque, dans la description de cet liaison naissante entre Walt et Vonnie, deux rescapés de l'amour hyper attendrissants ou la peinture ultra poétique des paysages.
Si vous avez aimé Dalva de Jim Harrison, précipitez-vous, on dit que Craig Johnson est son digne héritier. Si vous aimez les personnages de flics un peu azimutés, complètement désabusés et doués d'une autodérision redoutable, précipitez-vous aussi. Si enfant vous avez pleuré devant le dernier des mohicans ou plus tard dansé avec les loups, précipitez-vous aussi. Si vous aimez les livres dont on ressort avec la sensation d'être lesté d'un supplément d'âme, précipitez... Bref, vous m'avez comprise.
Merci S... Et une bise à mes copines du sup qui me manquent, elles se reconnaitront. Même que parmi elles il y a aussi quelques garçons.
Edit: vieille photo prise au blackberry à l'époque le jour de notre emménagement dans cet openspace (on venait de locaux moins rutilants). Après, les cartons ont disparu, enfin, ceux des autres, les miens ont trainé un bon moment...