Bon j'ai donc bien compris que nombre d'entre vous avaient poliment pouffé en lisant mon billet d'hier dans lequel je vous faisais part de ma "joie" de voir ma fille grandir. Voire même que certaines d'entre vous m'avaient probablement regardée avec la même condescendance qu'une multipare multi-épisiotomisée face à une future maman lui expliquant que son vagin ne souffrira pas durant l'accouchement étant donné qu'elle se le masse à l'huile d'olive depuis huit mois.
Ok, ok, ok.
Rétablissons donc la vérité.
Samedi soir, j'ai éprouvé ce sentiment fugace de joie en regardant mon bébé chéri piapiater gaiement avec sa copine.
Ce qui n'empêche évidemment pas qu'il se passe rarement un jour sans que j'essaie de me rappeler pour quelle raison exactement il y a un peu plus de onze ans on a eu le churros et moi cette idée saugrenue d'avoir un rapport sexuel. Si ça se trouve, on aurait baisé le lendemain, on aurait peut-être tiré un numéro qui ne lève pas les yeux au ciel à toute heure.
Parce que ce sur quoi j'ai jeté un voile pudique hier, c'est qu'à la distribution de la mauvaise foi, ma chérie - qui reste ma préférée, c'est dans l'adversité que se mesure l'amour véritable - a été bien servie.
Euphémisme.
Et dieu m'est témoin, la mauvaise foi est LE TRUC qui me fait partir au quart de tour. Je préfère une porte qui claque, une engueulade en bonne et due forme, voire même découvrir un paquet de capotes au fond de son cartable plutôt que ÇA.
EXEMPLE ?
La scène se passe un soir, un lundi, un mardi ou un mercredi, on s'en tape. Ma fille arrive avec sa tête d'enterrement (celle qui annonce un drama mauvaise foi):
- Haaaaan, ENCORE DES PÂTES. (soupir).
Moi, crevée, consciente qu'en effet c'est la douzième fois en trois jours, mais pas d'humeur:
- Charmant, merci, la prochaine fois tu sais quoi ? Je ne ferai RIEN. Au moins, ce sera un truc que tu n'auras pas mangé la veille.
Là, attention, tadaaaaam, LA PHRASE SYMPTOMATIQUE DE LA MAUVAISE FOI, que je sens venir comme les vieux le mauvais temps:
- Oh ça va, j'ai rien dit.
Palpitations, fourmillements au bout des doigts, tous les signaux sont au vert, je commence ma mutation ANTI-MAUVAISE FOI.
- Si, tu viens de soupirer bruyamment et de dire TEXTO: "haaaaaan, encore des pates". (dernière phrase prononcée en la singeant, ce qui, je sais ne va faire qu'aggraver le SYNDROME DE LA MAUVAISE FOI).
Tadaaaaam...
- Mais non, j'ai pas dit ça.
- Heu... SI TU AS DIT ÇA.
- (soupir). De toutes façons, je ne peux rien dire, ça ne va jamais, je sais pas ce que je t'ai fait.
- N'ESSAIE PAS DE DETOURNER LA CONVERSATION, TU AS FAIT UNE REFLEXION DESAGREABLE, ADMETS-LE. TU AS DIT "haaaaaaaaan, encore des paaaaaaates"
- Non, j'ai pas dit ça et en plus je l'ai pas dit comme ça.
- HA ! TU L'AS DIT ! TU VIENS D'ADMETTRE QUE TU L'AS DIT ! HA HA HA HA ! (légère perte de contrôle)
- Non. Je l'ai pas dit que je l'ai dit.
- RAAAAAAHHHHHHH. (tentative rapidement avortée de respiration abdominale qui ne marche pas dans le cas d'un épisode caractérisé de MAUVAISE FOI, pas plus d'ailleurs que mon "je suis un parcmètre, rien ne peut m'atteindre") Okayyyyyy, tu n'as rien dit, c'est moi qui suis dingue, j'entends des voix, houhou, c'est peut-être la sainte vierge, appelle moi Bernadette et sortez les camisoles ! (voix de folle)
- ... (silence affligé et haussement des yeux, ce qui à ce moment là de la conversation est plus irritant qu'une fissure anale).
- OUUUUUUUUHHHH . Ecoute moi BIEN ma petite fille. Toi et moi on SAIT ce que tu as dit. C'est entre TOI et TOI que ça se joue, là, après tout. Laisse moi te dire que je te prédis une vie bien compliquée si tu persistes à ne jamais admettre tes torts et à nier les évidences. Ce sont des années de souffrance que tu te prépares. Et ne viens pas te plaindre quand tout le monde t'aura tourné le dos - oui TOUT LE MONDE MA PETITE - à cause de ta MAUVAISE FOI CONGENITALE.
A ce stade de la conversation personne ne se risque en général à glisser que congénital est à peu de choses près synonyme d'héréditaire et que les chiens ne font sûrement pas des chats.
De toutes façons, tout le monde a le nez dans ses pâtes et on entendrait une mite péter.
C'est en général à ce moment là que je réalise que certes je n'ai pas frappé ma fille mais que quelque part il n'y a pas non plus de quoi être fière étant donné que je lui ai balancé qu'elle mourrait seule bouffée par ses chiens.
Sentant que je flanche, la pauvre enfant condamnée à trente ans de malheur par sa maratre pour avoir osé soupirer devant un plat de pâtes - trop cuites qui plus est - en profite pour nous faire SA sortie de table, drapée dans une dignité offensée digne des plus grandes.
Aung Su Ki a la souffrance tapageuse, à côté.
Et comme de bien entendu, la famille entière me regarde comme s'il était évident que j'étais à l'origine du génocide rwandais.
ALORS QUE PUTAIN ELLE L'AVAIT DIT, MERDE.
Bref, ça craint.