Je suis en train de lire "Veuf", de Jean-Louis Fournier. Lui même qui m'avait déjà fait chialer avec "Où on va papa". Des larmes entrecoupées de rires pas corrects parce que se marrer des histoires absurdo-poétiques de deux enfants handicapés, c'est pas vraiment admis en société.
Il réitère, et là aussi, on rit. Ou plutôt, on sourit, mais c'est le genre de sourire qui te laisse un goût salé quand même.
Dans "Voeuf", Jean-Louis Fournier raconte les jours qui ont suivi la mort de Sylvie, son alter ego depuis 40 ans, sa femme chérie. Pas vraiment un roman, pas vraiment un essai, pas vraiment un recueil d'aphorismes, un peu tout ça à la fois.
Je crois que rarement l'expression selon laquelle l'humour est la politesse du désespoir aura été plus appropriée. Jean-Louis Fournier tourne en dérision tous ces à côté du deuil, du questionnaire de satisfaction des pompes funèbres qui se termine par ce savoureux "recommanderiez-vous ce crématorium à vos proches ?", aux amis qui se voulant réconfortants lui prédisent des mois de chagrin. Il se rappelle sa blague sur la ligne de métro quand il s'arrêtait à Père Lachaise: "Tout le monde descend !" Sylvie riait. Sauf qu'en fait, remarque-t-il, elle seule est descendue, lui continue jusqu'à la porte de Bagnolet.
"Veuf", c'est une déclaration d'amour, surtout.
"J’ai eu beaucoup de chance de la rencontrer, elle m’a porté à bout de bras, toujours avec le sourire. C’était la rencontre entre une optimiste et un pessimiste, une altruiste et un égoïste. On était complémentaires, j’avais les défauts, elle avait les qualités. Elle m’a supporté quarante ans avec le sourire, moi que je ne souhaite à personne. Elle n’aimait pas parler d’elle, encore moins qu’on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu’elle est partie."
C'est aussi une réflexion sur l'absence et sur l'après. Je crois qu'une de mes phrases préférées, c'est celle-ci, qui résume à elle toute seule la poésie de Jean-Louis Fournier, qui fut le grand ami de Desproges, dont il a le mordant, la tendresse en plus: «J'ai regardé à l'intérieur de tes chapeaux s'il ne restait pas une petite pensée pour moi...»