Le premier film que j'ai vu de Guédiguian, c'était "A la vie à la mort". L'histoire d'une bande de copains qui se retrouvaient au Perroquet bleu, un bar de l'Estaque, à Marseille. De l'amitié au kilomètre sur fond de misère et de loose sociale. Je l'avais vu avec mon cher E. qui depuis s'en est allé. Peut-être que si la vie avait un peu plus ressemblé aux joyeuses tablées de Guédiguian, elle l'aurait retenu. Peut-être pas. Il n'empêche que "Les neiges du Kilimandjaro" est sorti en salles cinq ans jour pour jour après ce départ trop brutal. Je veux croire qu'il n'y a pas de hasard.
Depuis "A la vie à la mort", je ne loupe pas un seul des opus du cinéaste marseillais, tant ses acteurs sont semblables à une famille qu'on retrouve tous les ans. J'aime cette fidélité qu'il a, cette façon de marier l'un avec l'autre, puis l'autre avec l'un, au gré des scénarios co-écrits avec Jean-Louis Milesi. Je trouve qu'Ascaride n'est jamais meilleure que dans les films de son mari Robert. Que Darroussin n'est jamais si subtil non plus et que Gérard Meylan excelle dans tous les personnages, qu'il s'agisse d'un Marius transi, d'un José barman au grand coeur ou d'un Marco, l'amant maudit.
J'aime les accents qui chantent, la mer toujours là, les drames qui se trament à l'ombre de la Bonne Mère, la dimension tellement tragique au sens grec des histoires que ces films nous racontent.
J'aime surtout que Robert Guédiguian assume et revendique son envie de faire un cinéma social et engagé. "Les neiges du Kilimandjaro" n'échappent pas à la règle. Je ne vais pas faire comme Libé, Le Monde et cie qui en guise de critique nous balancent un résumé complet de l'intrigue. Ok ça n'est pas un polar mais j'aurais préféré je crois ne pas en savoir autant en m'asseyant dans mon fauteuil rouge du MK2 Bibliothèque.
Je me contenterai de vous dire que j'ai commencé à pleurer aux alentours de la 3ème minute et que je ne me suis pas beaucoup arrêtée ensuite. Qu'il y a une scène de belotte coinchée pagnolesque à souhait et qui restera dans les annales. Qu'il est question de la faute, celle qu'on voudrait pardonner sans y parvenir, celle qui brise un destin voire plusieurs. Qu'il est question de la vie après le labeur, de l'inventaire qu'on en fait à 50 ans. Qu'il est question de repentance et de miséricorde, de coupables qui sont des victimes et de victimes qui se sentent coupables.
Je voudrais tellement être certaine que dans la vraie vie, les personnages incarnés par Darroussin et Ascaride, des bons samaritains au sens propre du terme, existent vraiment. Mais peut-être n'est-ce pas grave que ça ne soit pas le cas. Comme le dit si joliment Robert Guédiguian dans Libé, "Ces temps-ci, il faut être con pour ne pas être pessimiste. En même temps, il est encore plus con de se résoudre au pessimisme".
Allez voir "Les neiges du Kilimandjaro", elles vous feront un blanc manteau...