Samedi soir nous étions invités à l'anniversaire de notre ami J. Rien de très huppé, hein, un repas à huit avec les mêmes et on recommence. Mais depuis que mon bureau se situe à moins de dix mètres de mon canapé (en réalité mon bureau EST mon canapé) (et inversement), j'ai rarement l'occasion de faire des frais de toilette. Je mets certes un point d'honneur à m'habiller tous les jours ET à me maquiller un minimum mais hormis quelques rendez-vous à l'extérieur, je fais rarement péter le chemisier en soie.
J'avais donc une envie subite d'élégance ou tout au moins de mise en avant d'un semblant de féminité. Peut-être aussi en raison de dix jours consécutifs à nettoyer le vomi de Rose. ("moi dans mon ventre j'ai plein de GLAIRES", s'est-elle exclamée dans la file du Monoprix vendredi, sous vos applaudissements)
Bref, trêve de digressions, j'avais envie de faire ma Catherine Deneuve. Et d'en mettre plein la vue au Churros. Histoire qu'il oublie définitivement cet épisode de pyjama-bassine-à-dégueulis.
Je n'ai pas lésiné sur les moyens. Jupe crayon taille haute hyper entravante, bottes avec talons de douze ultra douloureuses et blouse légère noire ostensiblement transparente. Don Draper, reprends un whisky, la nuit va être longue. Même ma culotte et mon soutien-gorge étaient coordonnés ce qui arrive uniquement lorsque la lune est en capricorne et que mars et jupiter sont alignés. Quand je suis descendue dans le salon, non sans avoir pris le temps de froisser - défroisser mes cheveux et de crayonner mes yeux en un smokey eyes à faire pâlir de jalousie les plus grandes beautistas de l'internet, je dois avouer que j'étais sûre à 100% de voir mon époux tomber à la renverse (ses érections ont tendance à lui faire perdre l'équilibre) (oui j'ai beaucoup de chance).
Au lieu de quoi, il m'a jeté un coup d'oeil distrait et s'est replongé sur son fil twitter (on travaille beaucoup sur le sujet mais on a un problème d'addiction).
Rose quant à elle m'a longuement fixée, puis rendu son verdict: "tu es très belle maman. Mais tu fais quand même un peu peur".
Ce qui a déclenché un fou rire immédiat du churros qui là d'un coup en a oublié son micro-réseau à la con. Je passe rapidement sur le psychodrame qui a suivi ("tu n'aimes pas ma tenue ou quoi ?" - "si si" - "attends, c'est bon, après 15 ans, je sais exactement quand tu aimes ou quand tu n'aimes pas" - "mais si, tu es très bien" - "très bien, mais pas whaou" - "mais si, whaou" - "ok. Comment elle s'appelle cette pute ?" - "mais enfin, tu délires ou quoi, tu es parfaite. Très belle" - "j'ai compris, je vais me changer" - "mais noooon" - "c'est parce que j'ai grossi ?" - "pas du tout" - "ou alors c'est que je suis vieille". "Pfffffffffff" - "Tais-toi".)
Pour la faire courte, je suis allée me changer, ai opté pour une autre blouse, en plumetis noir cette fois-ci et un short, noir également. J'ai gardé les bottes. Et le churros a semblé trouver ça mieux, sans pour autant non plus en faire des tonnes. Je n'étais pas dévastée mais j'ai tout de même vidé deux bouteilles au bas mot à moi toute seule chez nos copains pour noyer mon désespoir. Du coup j'ai ricané grassement pendant une heure quand Frédé a trouvé que mon fondant marrons-chocolat ressemblait à un gros cul. Ou en tous cas qu'un anus s'y était planqué. Classe.
Le lendemain, vous vous doutez que ma mise fut sommaire. Autant la veille, sur une échelle de 1 à 10, je me serais accordé un 8 (un 8 à mon niveau, je précise), autant là, même un 2 eut été cher payé. Jean pourri, yeux de panda (la couette démaquillante ne marche pas à tous les coups), haleine chargée et t-shirt Petit-Bateau. Propre, par contre.
Et là, pof, le churros me voit et me fait son regard "je vais te faire bouffer l'oreiller". Certes rassurée quant à l'avenir de notre mariage, j'ai tout de même tenté de sonder les tréfonds de son âme pour comprendre en quoi ma gueule de biais et mon allure de pochetrone pouvait avoir le moindre attrait en comparaison de mon outfit ultra élaboré de la veille. "En fait, l'hyper-féminisation te fait peur, c'est ça ? Tu me rabaches que tu adooores le style années 50, les nanas moulées dans des jupes au genou avec talons aiguilles mais je t'ai fait te sentir un tout petit garçon en me déguisant en femme fatale. Tu es comme tous les hommes finalement, tu étais en DANGER. Peur de la castration, c'est tout. A moins que ce soit mon maquillage ? Pas assez naturel ? Je manquais de subtilité, c'est ça ? Et nia nia nia et nia nia nia".
Il m'a laissée soliloquer et quand je me suis tue, il m'a mis une main aux fesses et m'a répondu: "non, c'est juste que ton t-shirt, là, il est un peu trop petit et il me donne envie de te toucher les seins. j'adore".
Mad-Men staïle: 0 - Petit-Bateau: 1.
Moralité, et ce sera mon premier conseil cadeaux de Noël (peut-être le dernier d'ailleurs parce qu'au vu de ma piètre récolte pour l'instant en ce qui concerne mes propres achats je me demande si je vais honorer mes engagements à ce sujet), achetez aux filles que vous aimez des t-shirt petit-bateau. Si possible une taille en dessous de ce qu'elles portent d'habitude. La couleur et la forme du col importent peu. L'essentiel étant qu'ils vous moulent les seins. Ah parce que oui, le mieux c'est de vous en offrir un, les girls. On n'est jamais si bien servi que par soi même.