Il y a quelques jours, je vous avais raconté comment j'avais découvert qu'il n'était pas nécessaire de porter un gilet pare balles en alu pour tenir une caméra sur un tournage. Tout ça en réalisant un de mes rêves, pénétrer la magie d'un plateau de cinéma et voir un film en train de se faire, "Comme des frères", en l'occurence.
A cette occasion, j'ai aussi rencontré l'un des personnages du film. Charlie. Qui est une femme, d'ailleurs. Incarnée par Mélanie Thierry. On m'avait laissé le choix, Duvauchelle, Demaison, Ninney ou Mélanie Thierry. Je ne saurais vraiment expliquer pourquoi mais c'est immédiatement cette dernière qui s'est imposée dans mon esprit. Peut-être parce que je l'avais croisée il y a longtemps, dans les coulisses d'un concert, au bras de son amoureux Raphaël. Et que j'avais été littéralement saisie par sa beauté. Je veux dire, il y a des femmes qui sont belles, imposantes, impressionnantes. Mélanie Thierry, je l'avais trouvée irradiante. Un visage angélique, qui aurait pu être peint par un autre Raphaël. Et ce qui je pense m'avait d'autant plus intriguée, c'était cette timidité qui émanait d'elle, malgré la régularité parfaite des traits, la reconnaissance de ses pairs acteurs et la bombitude de son fiancé.
Je sais bien que ça ne s'explique pas, je sais bien que ça se saurait si c'était si simple, s'il suffisait d'être canon pour être sûre de soi. Il n'empêche que m'étant moi même considérée toute ma vie comme ce qu'on appelle une fille "sympa" ("elle est jolie ? Comment te dire, elle est... sympa"), je crois avoir toujours été convaincue que la joliesse appelait la confiance en soi.
Bref, cet après-midi là, je me retrouve face à Mélanie Thierry, à la terrasse du Rostand, le beau café à côté du jardin du Luxembourg. Et je suis à nouveau sous le charme: peau diaphane, bouche parfaite, blondeur enfantine. Les proportions du visages ont ce quelque chose qui distingue les "jolies" des "aimants à photo".
Les premieres minutes, la conversation est hésitante. "Je ne suis pas du genre qui tape dans le dos à la première rencontre", me prévient-elle de but en blanc alors que je lui pose ma première question digne des plus grands intervieweurs: "pas trop difficile à gérer, la célébrité ?".
"Je ne comprends pas trop quand une personne que je ne connais pas m'accoste en me tutoyant comme si on était amis depuis dix ans. ça n'est pas dans ma nature, j'ai besoin de temps", poursuit-elle. Juste après, elle ajoute qu'en réalité, quand on lui demande si la célébrité est difficile à gérer (par ce "on" j'entends que je ne suis pas la première et je suis très déçue parce que je trouve mon entrée en matière plutôt originale) (je suis journaliste vous savez), elle a l'impression que ça n'est pas d'elle qu'on parle: "François-Xavier Demaison, lui, oui. Il se passe vraiment quelque chose autour de lui, les gens le reconnaissent, lui parlent, on sent un engouement. Moi, on ne me reconnait que très rarement et ça me va très bien comme ça !".
Elle se tait un moment et puis elle me fait cette confidence: "Parfois, il m'arrive de répondre que ça n'est pas moi. Ensuite je m'en veux. Qu'est ce que ça m'aurait coûté de signer cet autographe ? Mais c'est quelque chose que je contrôle pas, je ne sais pas me l'expliquer". Je tente une analyse assez percutante (je suis journaliste, je l'ai dit ?): "Est-ce que quelque part ce n'est pas comme si vous aviez du mal à vous autoriser à être cette fille qu'on reconnait dans la rue ?".
Mélanie me regarde avec ses grands yeux dont je suis encore incapable de dire la couleur tant ils peuvent foncer si elle est contrariée ou s'illuminer quand elle se met à rire alors qu'on ne s'y attend pas. "Peut-être, je n'en sais rien en réalité, mais je crois qu'il faut que je travaille là-dessus, parce que ça me pèse un peu".
Je suis à deux doigts de lui raconter que moi aussi quand on me reconnait dans la rue je suis saisie d'un sentiment d'imposture. Entre célébrités il me semble qu'on pourrait se comprendre. Mais je préfère m'effacer devant mon sujet, c'est tout moi. Cette modestie finira par me tuer.
Maintenant que malgré tout je crois, un lien s'est créé entre elle et moi par la magie d'une complicité inespérée (et silencieuse) (voire à sens unique), j'hésite à entrer dans le vif du sujet: "Est-ce que Raphaël est beau AUSSI au réveil ? Est-ce qu'il a, comme je le suppose, toujours bonne haleine, même le matin ?"
Mais quelque chose me retient. Probablement la couleur de ses yeux, justement, qui parait m'avertir qu'on est certes devenues très amies mais quand même.
Alors je lui demande ce qu'elle aime dans ce métier, si ça n'est pas difficile d'être à la merci du désir d'un réalisateur ou d'un producteur. Là, Mélanie s'anime, elle dit tout l'amour qu'elle a pour cette vie qu'elle s'est choisie très jeune, les montées d'adrénaline quand on lui annonce que c'est ok pour tel ou tel rôle, la timidité qui s'évanouit comme par magie lorsqu'elle enfile un costume du 18ème siècle, mais qui la paralyse en revanche lorsque le rôle est plus proche d'elle. C'est le cas pour celui de Charlie dans "Comme des frères". "Je suis beaucoup moins sociable qu'elle, moins dans la séduction, mais malgré tout, c'est quelqu'un qui pourrait me ressembler. Et du coup, la timidité me retombe dessus." On sent que c'est un peu douloureux.
Elle dit aussi combien elle adore cette atmosphère de colonie de vacances quand l'équipe bourlingue, comme ce fut le cas pour ce film dont une partie se passe dans le sud. "Je n'aime pas tourner à Paris et rentrer chez moi le soir. Ce qui me plait dans ce métier, c'est partir, ces périodes hors la vie, où on dort dans des hôtels qui peuvent être tous pourris, manger ensemble, se marrer, être dans une bulle".
Je pense alors que moi aussi je veux être dans un hôtel tout pourri avec Nicolas Duvauchelle.
Mais là encore, un truc me retient. La lucidité, probablement.
Cette vie de saltimbanque, Mélanie ne l'abandonnerait pour rien au monde, même si elle a des revers plus sombres. Quand un projet prend fin et qu'il faut attendre pour le suivant, quand la peur l'étreint de ne plus "en" être. L'angoisse est alors aussi terrible que l'exhaltation lorsque le train repart. "Mais j'ai une chance de dingue, je tourne beaucoup, j'ai tellement d'amis autour de moi qui en chient, je ne veux surtout pas avoir l'air de me plaindre". Je lui dis que ça n'est pas comme ça que je l'ai pris. Je n'ose pas ajouter que ça me rassure, que la vie ne soit un long fleuve tranquille pour personne, même après un César, même après un succès au théâtre comme celui du Vieux juif blonde, même après avoir été l'héroïne de Tavernier. Je voudrais lui dire que c'est sûrement cette fragilité, cette anxiété qui la rend désirable, aussi. Mais je sens que si je le fais mes yeux vont piquer. J'ai un recul énorme, moi, c'est bien (je suis journaliste, je l'ai précisé ?).
Il est bientôt temps de se séparer et j'ai la sensation d'avoir posé deux questions. Après vérification, il s'avère que c'est le cas. Je sens qu'une grande carrière est en train de naitre sous mes yeux.
Du coup, je dégaine mes dernières cartouches fissa: "pour ou contre la chirurgie esthétique ? vous avez un modèle d'actrice ? et Raphaël, il assure au lit ?".
Sur la chirurgie esthétique, elle est sans langue de bois. Elle trouve ça génial quand c'est bien fait, surtout si ça permet de se sentir mieux. Elle ne dit pas qu'elle n'y aura pas recours plus tard mais elle n'en sait rien (tu m'étonnes, je VEUX ce grain de peau plus fin qu'une feuille de rouleau de printemps). Son modèle d'actrice, s'il fallait en choisir une, ce serait Juliette Binoche, parce qu'elle ose tout, parce qu'elle a "une filmographie de malade" (elle cite un de mes films fétiches, les Amants du pont neuf et là je me dis qu'il y a des chances qu'on finisse en colocation) (avec Raphaël).
Quant à ma dernière question, bien évidemment, elle s'est confiée longuement sur le sujet. Mais vous comprendrez que je garde ses réponses pour moi, il y a un temps pour tout et je m'en voudrais de trahir sa confiance (on est amies).
Voilà, après, Mélanie est repartie, avec la même grâce que lorsqu'elle est arrivée. Je suis restée un petit moment à terminer de prendre mes notes et je me suis dit que cette fille n'était pas timide. Elle est simplement réservée. Et je crois que j'aime beaucoup les gens réservés.
Edit: la photo a été prise sur le tournage de Comme des frères, un film d'Hugo Gélin qui sortira en 2012, comptez-sur moi pour vous tenir au courant parce qu'il est fait par des chouettes personnes. Et pour en savoir plus, allez sur la page Facebook du film, y'a plein de photos et vidéos sympas.