Mardi soir, exceptionnellement, mon amoureux avait décidé de fêter la Saint-Valentin. Pour lui qui excelle en de nombreuses tâches traditionnellement considérées comme féminines (lessives, ménage, etc) mais qui est consternant d'hésitation quand il s'agit d'organiser quoi que ce soit, avoir réservé une baby-sitter ET un restaurant tenait de l'exploit. En soi, donc, c'était un petit événement.
Il m'avait donné rendez-vous au Trocadéro à 19h30, je me suis dit qu'on allait au théâtre de Chaillot.
Sur le trajet, je regardais défiler les toits de Paris par la fenêtre du métro aérien, Marvin Gaye dans les écouteurs. Quand la tour Eiffel s'est mise à pailleter, mon coeur a battu plus vite. Y'a-t-il plus merveilleux que de rejoindre son amoureux, en empruntant la ligne 6 à l'heure où Paris s'illumine ?
Et puis je l'ai attendu sur le parvis, entourée de tous ces couples qui s'embrassaient en regardant la seine. Il est arrivé et m'a emmenée...
... à l'aquarium de Paris. (musique du conte de fée qui se casse la gueule)
Pour une visite nocturne spécial Saint-Valentin, avec coupette de champagne et repas au restaurant japonais qui se trouve à l'intérieur.
Je me dois de préciser que je prends des crises d'angoisse à la vue de plus de trois poissons et que la nourriture japonaise, sauf si c'est celle de Lengué, est probablement celle que je goûte le moins. Evidemment, au bout de quinze ans, c'est le type même de choses qu'il est difficile de garder pour soi (les premières années, tu mens effrontément et le pire c'est que tu ne te forces pas, d'ailleurs tu ne sais pas comment ça se fait mais tu aimes les sushis, d'un coup, d'un seul). Hélas, la magie n'opère pas indéfiniment et petit à petit tu retrouves tes esprits et ton aversion pour les sushis. Surtout, comme tu n'es pas exactement le genre à ne pas rabacher les mêmes choses ni à prendre sur toi, ça te semble assez improbable qu'il puisse ignorer que tout ce qui comporte de la feuille d'algue suffit à te donner la nausée.
Donc j'ai fait remarquer que tout de même c'était un peu bizarre, non, de m'emmener dans un endroit plein de crustacés manger du poisson cru ? La bonne nouvelle c'est qu'il ne l'avait pas fait exprès. La mauvaise, c'est qu'il semblait sincèrement découvrir que les aquariums ça n'était pas vraiment ma tasse de thé. Quant au japonais, il est tombé de sa chaise: "mais tu adores les makis !".
A ce moment là je me suis vraiment demandé si je n'étais pas en train de vivre un remake de ce film avec Eddie Mitchel, vous savez, celui dans lequel il joue un pilote qui mène une double vie depuis des années, deux femmes, deux maisons et des enfants des deux côtés.
J'ai préféré en rire, d'autant qu'il y avait tout de même matière, entre la photo kitsch comprise dans le forfait de la soirée avec les requins en toile de fond et l'homme grenouille et son magnum de champagne qui faisait mine de me la casser sur la tête. Tout ça devant un churros hilare me mitraillant. Et le fait est que ce fut une merveilleuse soirée, on a erré de bassin en bassin et mangé des makis qui n'étaient pas si mauvais, tout ça au champagne. Comme une fête foraine, mais en sous-sol, avec une bande sonore digne des films de woody allen.
Bien évidemment, il est désormais acquis que les prochains week-ends, ainsi que les vacances à venir seront organisés exclusivement par mes soins, au risque de me retrouver pour mon anniversaire coincée dans un grand-huit (attraction qui arrive juste avant les aquariums dans la liste des choses que je déteste).
J'ai par ailleurs fait une croix définitive quant à l'éventualité que mon homme, pourtant merveilleux par ailleurs, s'attache à noter quelque part dans un coin de son cerveau tous ces innombrables détails que je m'efforce moi d'engranger (en fait je ne m'efforce même pas, le pire). Non parce que moi par exemple, je connais la liste exacte des aliments qu'il n'aime pas, des endroits qu'il déteste, des parfums qu'il adore, des tenues qui le font grimper au rideaux lorsque je les porte, de ses films préférés, des musiques qui le font pleurer. Je sais qu'il déteste le chocolat kinder mais qu'il adore les mikado, qu'il n'aime pas le chocolat blanc, qu'il abhore les quenelles mais se damne pour des huitres et que d'une manière générale tout ce qui est trop sucré ne l'intéresse pas. Le pire, c'est que je suis certaine qu'il m'aime. Mais décidément, c'est peut-être vrai qu'on n'est pas pareils.