Il y a le "tu as maigri ?" pour faire plaisir. Le "tu as maigri?" soupçonneux, presque inquisiteur, qui sous-entend "tu t'affames". Il y a le "tu as maigri" surpris qui pourrait vous laisser penser qu'avant vous étiez un gros tas.
Il y a le "tu as maigri" hypocrite, qu'on prononce alors même qu'il est évident que c'est le contraire qui est arrivé. Le "tu as maigri" contrarié, parce que soudain vous avez changé de camp.
Il y a le "tu as maigri" inquiet, qui signifie "est-ce que ça va ?". Il y a le "tu as maigri" qui semble vouloir dire "tu es belle", et celui qui est suivi d'un avertissement "arrête-toi là".
Dix-mille façons de le dire et autant de le recevoir.
Je continue, j'avoue, d'être surprise par la récurrence de ces mots me concernant alors même que je ne perds plus de poids depuis plus d'un an maintenant. Encore récemment, ce repas avec quelques anciens collègues et ces exclamations: "on te reconnait à peine, tu as fait quoi, Dukan ?". Lorsque je les ai quittés en février dernier, je pesais deux kilos de moins qu'aujourd'hui. Bien sûr, il y a cette distance qui fait qu'on ne se souvient pas, il y a aussi cette évidence, durant mes huit ans là bas, j'étais, dernière année mise à part, très enveloppée. C'est cette image qui reste, persistance rétinienne. Je crois que dans dix ans, on me la renverra encore. Celle qui a maigri.
Je ne saurais vraiment dire si cela me plait ou non, probablement un peu, je crois que ça dépend de l'intention que je perçois. Lorsque ces mots sont tellement appuyés que je peux entendre à quel point j'étais, "avant", énorme, j'ai un peu mal pour celle que j'étais, j'ai presque l'impression de la/me trahir en acquiescant avec un sourire. Mais d'une manière générale, je ne boude pas mon plaisir. Tout en étant, je le constate, beaucoup moins avide de cette "reconnaissance".
Toutes celles qui ont fait des régimes et perdu du poids ont j'en suis sûre connu cette ivresse d'avant soirée, lorsqu'on sait que l'amaigrissement sera applaudi. J'imagine que cette excitation répond à un besoin inextinguible de consolation de ce passé de grosse. Je crois qu'il n'y a pas d'âge pour éprouver ce sentiment de victoire. Pourtant, au fil de mes conversations avec le docteur Zermati et surtout, depuis un an, au fil de mes réflexions personnelles je suis convaincue que c'est cette attente vaine d'approbation et d'admiration qui suscite la peur de grossir à nouveau. D'autant que passées les deux ou trois premières minutes où l'on peut éventuellement faire sensation (ou en avoir l'illusion), ces gens que l'on veut impressionner n'en ont finalement pas grand chose à faire et c'est tant mieux.
Cesser de chercher dans le regard des autres cette estime de soi qu'il ne pourront nous donner, c'est à mon sens la clé. Pas évident, mais qui a dit que c'était facile ?
Edit: j'adore ces photos prises avec un certain degré d'alcoolémie samedi soir lors de l'anniversaire de ma chère C. Fanny avait acheté un rouge à lèvres YSL "laque" qui une fois appliqué semble se figer et tient toute la soirée. Enfin surtout sur Fanny ou Zaz parce que moi y'a pas, je le mange, laqué ou pas. Mais il est tout de même plutôt pas mal.