Suite à mon billet d'hier, des mails m'ont été envoyés et des commentaires postés, qui, s'ils me flattent à l'idée de pouvoir être une source d'inspiration ou de motivation, m'obligent néanmoins à donner deux ou trois précisions.
En effet, je ne voudrais absolument pas être la cause de décisions intempestives, prises sous le coup d'un ras le bol ponctuel ou bien réel, mais sans avoir été pesées et réfléchies en amont. Je ne voudrais pas non plus sembler valoriser à l'excès le principe même du "changement", de la "prise de risque" et enfin de la vie de free lance.
Je crois que ces changements de caps, quand ils doivent se faire, s'imposent. Un peu, peut-être, comme lorsqu'on s'aperçoit un matin que décidément, non, ça n'est plus possible de respirer le même air que lui, qu'on aimait pourtant tant, avant.
Mais je ne qualifierais pas mon choix de particulièrement courageux. D'abord parce que j'avais un sacré filet en la personne de mon mari, en CDI et me soutenant à 100%. Sans lui, je sais très bien que je n'aurais pas sauté le pas, parce que je suis tout de même de la race des réalistes.
Ensuite parce que cette démission est arrivée après deux ans de réflexion, voire d'obsession. Durant ces années, en plus d'avoir sévèrement emmerdé mon entourage proche à coup de questions existentielles (se résumant à "qu'est-ce que je fais, je pars ?" 'tu crois ?" "tu en es sûr ?"), j'ai malgré tout un peu préparé le terrain. J'ai commencé à piger alors que j'étais encore dans mon agence, j'ai signé avec une régie publicitaire pour mon blog et j'ai consolidé les contacts que j'avais dans l'édition. De façon à ce qu'en sortant de mon cocon, je ne plonge pas non plus dans le grand inconnu.
Bref, tout ça pour dire que.
Qu'on peut être formidablement courageux mais ne pas avoir du tout envie d'être free lance. L'inverse étant vrai. Qu'on peut avoir une vie totalement accomplie en restant chez le même employeur du début à la fin. Qu'on peut aussi décider de changer et que ça peut marcher. Mais que ce changement implique une préparation mais aussi de consentir à des sacrifices.
Hier mon billet se concentrait sur le fait que j'avais moins peur et que j'appréciais les relations tissées avec mes rédactrices en chef. Mais que les choses soient bien claires. Ma vie n'est pas celle de Carrie Bradshaw (même si j'en crèverais que ça soit le cas, j'ai toujours rêvé d'être un personnage de série américaine) (c'est mon côté profond). A savoir que pour maintenir un niveau de revenu correct, j'accepte parfois, souvent, des missions qui ne me font pas, mais alors pas rêver. Pour des supports qui n'ont rien, mais alors rien, de glamour et dont l'intérêt peut s'avérer inférieur au boulot que je faisais avant.
Que les journées peuvent être longues, sans collègues avec qui parler. Que le stress en attendant le verdict des rédacteurs en chef à propos d'un papier ne passe pas, lui. Il se calme un peu, mais ne disparait pas. Etre pigiste est évidemment aussi être à la merci de ceux pour lesquels on travaille et implique un très faible droit à l'erreur. On ne dira jamais assez que ce sont des armées de jeunes à peine diplômés d'écoles de journalisme qui attendent aux portes des rédactions, prêts à bosser pour rien pour avoir leur nom au bas d'un article.
Que bien sûr, pour l'entourage, vous avez une veine folle (et bien que "l'entourage" s'en défende, vous vous la coulez douce).
Qu'il y a la peur de tomber malade, que l'autre tombe malade ou vous quitte, et j'en passe. Ça s'en va et ça revient, mais ça n'est pas rien.
Qu'on se dit qu'on disposera de son temps comme on veut et qu'au final, on ne prend jamais sa journée pour aller au cinéma mais qu'en plus on a un peu oublié la signification des mots week-end et jours fériés.
Je tenais à écrire tout ceci parce qu'à mon insu, je crois que cette expérience que j'ai ici relayée a pu en influencer certain(e)s. Et si je suis ravie d'avoir pu être celle qui donne ce tout petit plus de courage nécessaire pour franchir le rubicon, je ne veux pas être celle qui par forfanterie ou mensonge par omission vous ferait faire un choix inconsidéré.
Mon dernier conseil, parce qu'on me demande aussi souvent comment "on sait", sera celui-ci: on sait quand il n'y a plus d'alternative. Et qu'on sent que bien que risqué, le chemin qu'on s'apprête à emprunter est praticable. Et à partir de ce moment là, je recommande personnellement de ne plus écouter que les avis allant dans le sens de sa décision. Parce qu'il y aura toujours un pour et un contre. Mais que lorsqu'on s'apprête à le prendre, ce risque, on a besoin d'énergie positive.
Bonne journée et bon week-end.
Edit: photo prise à Villeneuve la Salle, dans mon coin des hautes alpes. Tombée en arrêt une fois de plus devant la vitrine de ce petit magasin "Un air de famille", dont la patronne vivait avant à Paris et a pris cette décision, elle, de vivre de cette passion de la fringue et de l'objet (très branchouille et pointu), mais dans un village pas super réputé pour son avant-gardisme. Mais comme elle est hyper impliquée, qu'elle connait à fond son secteur et qu'elle a su repérer ce qui faisait revenir ses fidèles, ça marche. J'aime bien cette fille et j'aime bien son histoire de retour au bercail (parce qu'elle vient de ces montagnes).