Je suis dans cette phase toujours un peu étrange de la "pré-écriture". "L'enquête", pour parler avec des mots pompeux. Chasse aux citations, aux chiffres et aux infos. Partir d'un angle décidé ou approuvé par le rédacteur en chef et prier pour que les investigations viennent étayer ce que l'on a pensé à un moment ou à un autre être un bon sujet. Fouiner, envoyer des mails, laisser des messages, attendre que l'interlocuteur rappelle, accepte l'entretien, soit si possible disponible avant la date de rendu du papier. Poser les bonnes questions, ne pas foirer l'interview pour cause de fatigue ou tout autre, prendre des notes lisibles, ne pas choisir un carnet dont il ne reste en réalité que deux pages, les autres ayant servi de practice à Rose pour dessiner des "S", dernière lettre de son prénom qu'elle ne maitrise pas encore très bien. Vérifier la batterie de son téléphone, s'apercevoir qu'on ne va jamais être à temps chez soi pour passer ce coup de fil, entrer dans un bar, commander un café pour avoir le droit d'occuper les lieux, appeler ce monsieur très important, au moment où le percolateur se met à vrombir. Se dire que c'est moins grave qu'un bruit de chasse d'eau. Se rappeler que c'est déjà arrivé. Mettre au propre toute la matière récoltée au fil des entretiens, la laisser décanter, commencer dans sa tête à construire l'article, et surtout, surtout, en ce qui me concerne, trouver cette fameuse première phrase, l'attaque par laquelle la pelote se déroulera... ou pas.
Mais ça c'est déjà une autre histoire, celle de l'écriture du papier. Une autre histoire qui dépend entièrement de cette étape préliminaire de l'enquête, donc. De ces jours étranges, emplis de cette désagréable impression de flottement, d'être à la merci d'un oui ou d'un non, d'un échange qui s'avèrera riche ou d'une mauvaise surprise, un supposé "bon client" qui n'a finalement rien dans le ventre.
Un article c'est comme un puzzle, au départ on pense qu'on arrivera jamais à mettre toutes les pièces au bon endroit, on tatonne, on cherche les coins, on colle ensemble des petits bouts dont on se dit qu'à un moment on leur trouvera une place. Et puis soudain, sans vraiment que l'on comprenne comment ni pourquoi, tout s'emboite et s'arrange.
Tout ça pour dire, donc, que là je suis dans cette antichambre de l'écriture et que je ne sais pas bien si je l'aime ou pas. Entre les deux, j'imagine.
Sinon, par contre, assurément, j'aime...
J'aime ce nouveau mug transparent acheté ce week-end, pour sa transparence justement, parce qu'il me rappelait les bol en verre du chalet de mes grands-parents. C'est étrange comme parfois le contenant rend le contenu meilleur. Mon thé de base du matin, je ne sais pas, il a comme un goût différent dedans.
J'aime quand les mousses au chocolat sont servies dans de grands verres comme c'est le cas dans notre restaurant des moments importants ou des dimanche sans envie de cuisiner, celui qui me rappelle l'italien de La Boum, où les parents de Vic se disaient des mots (pas toujours) doux.
J'aime avoir notre restaurant et que les enfants l'appellent "notre restaurant". Même Rose.
J'aime les vrais expressos et celui tout particulièrement de cet endroit, donc, avec son petit biscuit aux amandes et ses tasses en allu (j'imagine).
J'aime m'apercevoir au fur et à mesure de l'écriture de ce billet que j'ai sélectionné des images qui finalement disent toutes un peu la même chose.
J'aime l'ombre des cils de Rose sur ses joues et sa concentration de gourmande.
J'aime ces mains potelées scellées autour du cou de son frère ainé, aimé, aimant.
J'aime la perspective d'un voyage imminent et celle d'un autre pas si lointain. Il me semble sentir l'odeur des capuccinos.
J'aime un peu moins cette boule au ventre parfois, je crois pourtant qu'elle est ma compagne la plus fidèle, peut-être devrais-apprendre à l'apprécier...