Hier j'ai eu la chance de voir en avant première le prochain film de Valérie Donzelli, "Main dans la main". Double chance en réalité parce que la projection, qui avait lieu dans les locaux de Canal + était suivie d'un moment d'échange avec Valérie Donzelli et Jeremie Elkaim. Ou le couple - au moins de cinéma - le plus glam pour moi depuis Agnès Varda et Jacques Demy. (Chacun sa conception du glam).
J'avais adoré la Reine des Pommes et été, comme beaucoup, bouleversée par La guerre est déclarée. Je n'étais donc qu'impatience concernant ce troisième opus. Et je n'ai pas été déçue. D'abord parce que ça devait être sacrément coton de faire quoi que ce soit d'autre que la Guerre est déclarée, justement. Comment rebondir après un tel succès mais aussi après cette histoire qui était la leur et qui subitement est devenue celle de tous les spectateurs ?
Valérie Donzelli a trouvé la réponse: en allant voir du côté de la comédie. Une comédie à la Donzelli, sans vannes à la mode - j'aime bien les vannes des films du moment, hein, mais parfois c'est bien aussi de ne pas avoir l'impression qu'on ne comprendra plus les dialogues dans trois ans tellement toutes les expressions sont hyper datées 2012 -, une comédie loufoque, qui emprunte un peu au surnaturel. J'ai pensé à ce film de Mankiewicz, "Le fantôme et Mrs Muir", qui n'a pourtant rien à voir mais je ne sais pas, j'adore ces histoires où l'on sait bien que c'est du cinéma mais où on y croit quand même, parce qu'il y a, comme dirait Jérémie Elkaim, de la vérité.
Le pitch ? Hélène, jouée par Valérie Lemercier, est directrice de l'école de danse de l'Opéra de Paris. Un peu raide, un peu coincée, pas très aimable, elle vit avec sa bonne amie Constance dont on ne sait bien si elle est sa soeur, sa mère, sa compagne ou sa secrétaire mais dont elle ne peut se séparer. Jojo, lui, est miroitier à Commercy, oui, celle des madeleines. Il est plus jeune qu'Hélène et reste, à 30 ans et des poussières, un poil - trop - collé à sa grande soeur (jouée par Valérie Donzelli) avec laquelle il a grandi après la mort précoce de leurs parents.
Hélène et Jojo, pas grand chose qui les rapproche sur le papier, si ce n'est probablement cette peur de se défaire de liens qui les empêchent de grandir. Hélène et Jojo, qui se croisent accidentellement dans les coulisses de l'Opéra de Paris (personnage à part entière du film). Hélène et Jojo, qui par une sorte de sortilège, deviennent "collés". Plus moyen de faire sans l'autre, ils se suivent partout et s'imitent telles deux pantomines.
Je ne vous dirai pas la suite, mais il est question de fusion, bien sûr, de la difficulté de quitter ceux que l'on aime parfois trop, de l'amour qui n'est pas toujours là où on l'attend, de ce que signifie "être deux" et ce que ça implique de le vouloir.
Il y a plein de belles trouvailles, de jolies idées poétiques, de moments drôles. Il y a cette chanson d'Elie et Jacno dont Valérie Donzelli nous disait après qu'elle était à la fois pop et mélancolique et c'est tout à fait vrai.
Jeremie Elkaim, lui, dit pour parler de ce film que "quand rien ne se perd, rien ne se crée". Et c'est si vrai mais en même temps si douloureux d'en faire l'expérience, que ça m'a parlé.
Voilà, après il y a donc eu ce moment d'échanges avec eux deux et c'était très étrange parce que je crois que la question que nous avions tous envie de poser - mais l'assemblée était polie - c'était de savoir si eux étaient parvenus à se quitter, à ne plus être en miroir. A première vue, pas vraiment, troublant de les entendre finir les phrases de l'un, rire aux boutades de l'autre, porter un regard si aimant l'un sur l'autre. En les écoutant, je me disais qu'ils ressemblaient à l'idée que je me fais de deux âmes soeurs. Cette connexion tellement forte que peu importe le fait d'être "ensemble".
Voilà, après avoir longtemps hésité entre moi et moi j'ai fini par poser une question qui restera dans les annales de la critique ciné : "Et Commercy, c'était à cause des madeleines ?". Valérie Donzelli a eu la gentillesse de ne pas trouver ça si bête. Commercy, pour les madeleines mais aussi pour la Lorraine, pays de son enfance. Quand à Jéremy, qui m'a appelée mademoiselle, je le lui dis ici, au cas où: whoooo.
Une bien bien belle soirée donc avec ma Zaz en plus, donc que demande le peuple.
Ah, si, une toute petite note un peu moins enthousiaste: je n'ai pas été très touchée par Valérie Lemercier. Je comprends que Donzelli les ait imaginés dans ce couple improbable, Jérémie et elle, mais plus ça va et plus je trouve que Valérie Lermercier peine à faire passer des émotions. Un manque de générosité, peut-être, une trop grande maitrise d'elle même, je ne sais pas. Elle joue bien, rien à dire, elle incarne bien cette Hélène, mais à un moment, il m'a manqué ce truc qui fait que je pars complètement. Mais que cela ne vous empêche vraiment pas d'aller voir ce petit bijou.
Edit: je reviendrai dans la journée avec quelques photos de Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli hier soir, prises par Zaz. Je crois que ce sont parmi les plus jolies personnes jamais vues, en fait. Dans tous les sens du terme.
Edit2: "Main dans la main" sort le 19 décembre. Un vrai film de Noël.