C'est amusant en ce moment mes grands. Je vois bien qu'ils sont sur le fil, que le monde les appelle, qu'ils respirent cet air enivrant de l'émancipation. Ils ont leurs histoires, leurs cercles d'amis. Ils ricanent parfois et s'arrêtent quand j'arrive. Ils lèvent les yeux au ciel quand je monte dans les aigus et me remettent à ma place, parfois à tort, parfois à raison. Ils n'ont plus la même façon de se parler, ils n'entrent plus dans la salle de bain lorsque l'un ou l'autre y est, ils mettent la serviette devant eux pour se cacher s'ils se retrouvent face à moi en en sortant. Ils écoutent des musiques que je ne connais pas, ils parlent de ce qu'ils feront plus tard. La chérie me pique mon Grazia, le machin dévore les BD parfois olé olé de son père. Ils font encore un peu beurk quand les gens s'embrassent à la télé mais moins qu'avant. Ils veulent aller au cinéma sans nous, au centre commercial également. Ils me demandent de les rembourser quand je tape dans leur argent de poche, aussi. Ils savent imiter ma signature mais ils en sont encore au stade où ils s'en vantent, ce qui rend le forfait moins grave.
Ils grandissent, donc, et étrangement je n'en éprouve toujours pas de tristesse, plutôt de l'excitation, j'ai hâte de voir quels chemins ils vont prendre, je pressens des appétences pour telle ou telle activité, je me réjouis qu'ils aient des rêves, quand bien même ces rêves ressemblent beaucoup à quelque chose s'apparentant à la vie à Poudlard.
Ils grandissent mais ils continuent à se vautrer sur moi, manifestant une faim de calins presque urgente, comme s'ils savaient qu'il arrive à grands pas, le jour où ça ne sera plus trop possible. Ne serait-ce que parce que je ne sais vraiment plus bien comment caser ces grandes guiboles quand je les prends sur mes genoux.
Ils se la pètent, aussi, beaucoup, croisent et recroisent les miroirs, passent la main dans leurs cheveux, vérifient le tombé d'un tee-shirt (surtout elle, lui pas tellement en fait)
Mais quand vient le soir, lorsque je sacrifie au rituel de l'histoire d'avant dormir pour Rose, il n'est pas rare - pour ne pas dire que c'est systématique - que je voie débarquer mes deux oiseaux dégingandés. Ils s'étalent de tout leur long sur mon lit au grand désespoir de leur soeur et écoutent religieusement les aventures de Marie La Fourmi ou d'Antonin le Poussin (quand ça n'est pas un vieux Papoum pour lequel même Rose est trop grande).
Dans ces moments là j'hésite entre me moquer, les filmer clandestinement pour les faire chanter ultérieurement ou les enchainer à ma table de nuit, pour que ça dure encore un peu.
En même temps, à bien regarder la photo ci-dessus surexposée et celle-ci, prise il y a six ans, il y a au moins une chose qui n'a pas changé. (non je ne parle pas des dents)
Edit: je vous mets l'autoportrait du vinvinteur ci-dessous pour ceux qui n'ont pas pu le visionner sur le site hier (j'ai eu des mails de Suisses notamment)