Récemment, certaines d'entre vous
m'ont demandé où j'en étais avec la nourriture, ce qu'il me restait des principes
hérités de ma thérapie avec Zermati, etc. Une question à laquelle
il m'est difficile de répondre à vrai dire, tant désormais j'ai la
sensation que tout ceci est devenu assez naturel. Niveau poids, j'ai
du reprendre 2/3 kilos depuis deux ans. Ce qui ne
m'a pas vraiment étonnée, j'étais descendue trop bas pour moi, mon
« set point » est clairement celui auquel je suis
aujourd'hui et il me convient. Ce n'est pas celui d'une top model, ni même
d'une fille « gaulée », mais il me permet de m'habiller
comme je l'entends, de ne pas être essoufflée au moindre escalier
et de me sentir en phase avec moi même.
Surtout, c'est le poids que je peux maintenir tout en mangeant du chocolat tous les jours, en festoyant de temps à autre (je suis une festoyeuse, je ne changerai pas, à 29 ans on est comme on est) et en ne me demandant JAMAIS si ce que j'ai préparé pour le repas est diététiquement correct. C'est un poids qui résiste aux coups durs – et durant l'année qui vient de s'écouler c'est peu dire qu'il y en eut un de taille -, qui fait la nique à l'ennui, principale source de mes compulsions alimentaires, aux angoisses de la feuille blanche, aux engueulades, aux coups de mou et aux crises d'appendicite qui vous cueillent sans prévenir. Bref, tout va plutôt bien et surtout, je ne me sens plus vraiment « en sursis ». Après trois années de quasi-stabilité, je me permets de souffler.
J'ai donc arrêté ma thérapie avec le docteur Zermati et ce depuis deux années environ. Ce qui ne m'empêche pas d'échanger régulièrement avec lui, au gré des interviews qu'il veut bien m'accorder. J'aime bien ces moments là. J'en profite pour me remettre à niveau mais aussi, j'avoue, pour me faire une petite séance en douce, l'air de rien (je crois qu'il n'est pas dupe). La dernière fois justement, le docteur Zermati m'a proposé de me parler d'une nouvelle approche qu'il utilise désormais dans le cadre de ses consultations. Poursuivant inlassablement sa quête d'une parade contre les envies de manger émotionnelles, il s'est en effet penché sur une technique nommée ACT (thérapie d'acceptation et d'engagement), suite logique des thérapies cognitives et comportementales, plus axée sur les émotions. L'ambition étant donc d'accompagner les patients dans l'acceptation de leurs émotions mais aussi de les aider à « défusionner » de leurs pensées négatives qui les accompagnent, voire les précèdent. Du genre « je suis nulle, de toute façon, je suis nulle ». Ou encore : « je n'y arriverai jamais, je ne réussirai jamais ce boulot/cet entretien/ce devoir/cet article » (et puisque c'est comme ça je vais reprendre un Twix. Ou deux).
Ayant en effet constaté qu'il avait beau essayer de prouver par A + B à ses patients que ces pensées récurrentes étaient infondées, cela ne marchait pas vraiment, Jean-Philippe Zermati a décidé de les attaquer sur un autre front, en essayant de les amener à s'interroger non pas sur leur véracité mais sur leur utilité. Autrement dit, est-ce que ces phrases qui viennent parasiter notre esprit malgré nous, nous aident dans la poursuite de nos idéaux (quels qu'ils soient, amoureux, professionnels, parentaux, etc?). Si la réponse est non (et c'est souvent le cas, se prédire un échec n'a jamais aidé personne), l'idée est de tenter de vider ces pensées de leur substance. Comment ? Toujours en recourant aux techniques de pleine conscience, mais aussi à l'aide de méthodes qui peuvent sembler un peu naïves, admet le docteur Zermati, « mais redoutablement efficaces ». Cela peut consister à répéter la phrase en question sur tous les tons, en la chantant à tue tête, par exemple. Mais aussi à l'écrire sur un écran d'ordinateur et à jouer sur la taille des caractères, la police, le fond de l'image. Jusqu'à ce que ces mots ne soient plus que des enchainements de lettres ayant perdu leur signification. Vous savez, comme quand on se met à regarder un mot, à détacher ses syllabes, à l'appréhender sans y associer un signifiant ? Soudain il nous semble venir de nulle part, non ?
Parallèlement, le travail consiste toujours à essayer d'accepter les émotions, notamment en les observant ainsi que leurs répercussions physiques. « On s'aperçoit souvent que l'inconfort qui résulte de l'ennui, de l'angoisse, du chagrin, est assez peu intense, en tous cas moins qu'une migraine, une rage de dents ou tout autre mal que l'on peut ressentir parfois », explique le docteur Zermati. En se résolvant à accepter la boule dans le ventre avant un examen, les fourmillements dans les doigts quand on est énervé, la légère nausée provoquée par un chagrin ou que sais-je, on finit par éloigner l'envie de manger. Parce que, me rappelait Jean-Philippe Zermati – il avait l'air de penser que j'avais un poil oublié ma leçon -, « ce ne sont pas ces désagréments qui déclenchent les compulsions mais bien notre tentative de nous en débarrasser ». Ok, ok, ok...
Bref, comme l'admettait avec franchise le bon docteur Z, « nous connaissons le but à atteindre mais nous n'avons pas encore trouvé tous les outils pour y parvenir ». Mais, ajoutait-il dans la foulée, « nous progressons chaque jour et commençons à y voir plus clair ». Personnellement, bien qu'ayant la sensation d'avoir laissé sur le bord de la route quelques valises encombrantes, je continue à réfléchir à tout cela et je ne ne suis pas convaincue que ce chemin ait une fin. Mais il paraît que ce qui compte, ce n'est pas la destination, mais le voyage. Alors si nous essayions de voyager plus léger ?
Edit : Cette conversation était un peu la suite de la précédente, que vous pouvez retrouver ici. Le docteur Zermati y faisait allusion à la pompe à chocolat, dont un schéma est montré sur Linecoaching, le site de thérapie en ligne qu'il a créé avec le docteur Apfledorfer.
Edit 2: Le hasard veut que cette semaine je raconte un peu ma vie sur le sujet dans Psychologies magazine, d'où la photo ouvrant ce billet. (ça n'est d'ailleurs pas la seule photo de l'article, il y en a notamment une en pleine page que je n'adore pas (euphémisme). Il faut savoir que ces clichés ont été pris le surlendemain de l'opération de ma fille, je n'avais pas pu annuler la séance et j'avais donc une mine... de merde) (et ça se voit).
Edit3: Autre hasard du calendrier, j'ai également écrit un papier sur l'Express Style sur les régimes et tout le bien que j'en pense. Avec l'aide de deux expertes rencontrées sur ce blog en plus: Ariane Grumbach et Lysiane Panighini. Merci à elles.