Voici venu le temps de la neuvième chronique de Marje. Une nouveauté dans cette édition, si vous cliquez sur les titres des livres conseillés, vous atterrissez sur AMAZON. Les plus perspicaces d'entre vous remarqueront qu'il s'agit de liens affiliés. A savoir que si vous achetez le livre par ce biais, je touche une commission d'environ 5%. Ce qui ne change rien au prix affiché, c'est Amazon qui reverse la commission, pas vous.
Pourquoi avoir décidé de mettre en place ce dispositif ? Parce que je me suis dit que ça pouvait être un moyen de rémunérer Marje pour le temps passé à rédiger ces chroniques. Je n'ai absolument aucune idée de ce que ça peut rapporter, l'affiliation j'en fais peu et à vrai dire pour l'instant les sommes récoltées restent modestes. Mais je me dis que ce sera toujours ça, au moins de quoi rembourser les achats de livres. Si d'aventure ça ne marchait pas, je trouverai un autre moyen - il se trouve, vous l'aurez remarqué, que j'ai un peu plus de pub ces derniers temps, ça servira - parce que je suis partisane du "tout travail mérite salaire". Et quoi qu'on puisse en penser - mais est-ce encore un débat ? - écrire ce type d'article c'est un travail. Qu'on prenne du plaisir à l'accomplir ne change rien à l'affaire, c'est un bonus, évidemment, mais c'est un travail.
Bref, je sais que Marje est toute gênée à l'idée de cette petite révolution, mais c'est mon idée et moi je ne suis pas du tout gênée. Donc voilà, si vous souhaitez exprimer votre reconnaissance à Marje pour ses conseils et que vous aviez de toutes façons l'intention de vous procurer l'un de ces ouvrages, sachez que si vous passez par ces liens, vous la rémunérez (un peu).
Bonne lecture, c'est encore une chouette édition que celle-ci.
Quant aux dessins, ce sont des personnages inventés par la chérie. Je les adore ces demoiselles, personnellement !
La parole à Marje !
Le livre n’est pas performant. Il ne répond pas toujours à nos attentes. Il peut nous décevoir ou désenchanter nos enfants. S’ils sont bien lunés, nos Petits peuvent restés perplexes à la lecture de certains albums. Dans le pire des cas, on entend un « c’est nul » ou « j’ai rien compris ». Le livre n’est pas toujours qu’un livre-cament, il ne cultive pas toujours nos enfants. Il est parfois simplement drôle. Il ne correspondra pas toujours à ce dont nos Petits ont envie. Je crois qu’il faut laisser le temps faire son « œuvre ». Certains livres déchus réapparaissent subitement dans les mains de celui qui l’a reçu ou d’un autre. Le temps est l’associé secret du livre. Les Petits enregistrent tout ce qui leur passe sous les yeux. Ils sauront retrouver un album offert deux ans plus tôt quand ils auront envie ou besoin de ce livre. Nous ne comprenons pas toujours les liens qui unissent les enfants et les livres. C’est un monde secret. Il faut accepter de voir nos cadeaux abandonnés un peu partout dans la maison. Il faut accepter de voir des « horreurs » les accompagner pendant de longues semaines malgré nos subterfuges pour les cacher (vous pouvez admirer une de ces horreurs sur la photo ci-dessus). Malgré nos recommandations, nos incitations, nous ne pouvons pas toujours influer sur leurs coups de cœur. Abramagiemarjecadabra : je ne détiens malheureusement pas de formule magique. Je n’ai pas réussi l’élixir du plaisir de lecture … Parole d’alchimiste ! J’espère néanmoins que cette neuvième chronique vous plaira ainsi qu’à vos Petitsproches !
Si vous aimez les films d’animation, l’inspiration est le thème de celui-ci : Sang d’encre de T. Gouill, J.Lavanche et M.Tournois !
Je remercie Orianne Charpentier de m’avoir fait découvrir ses magnifiques romans : ici et ici. D’une Marjolaine à l’autre, tout en liens de prénom et les Pieds nus dans la nuit : ici.
Malgré mon cahier d’orthographe, les soirées à suer sur le Bescherelle, je n’oserais pas proposer mes chroniques sans la relecture attentive de Catherine. Merci sincèrement.
Caro, je ne sais plus comment te le dire ! Je t’ai déjà présenté mes remerciements en italien, en islandais, mille fois en français. « Un seul mot, usé, mais qui brille comme une vieille pièce de monnaie : merci » Pablo Neruda qui est le poète à l’honneur du Printemps des poètes 2013. Beau printemps à toutes !
0-3 ans
Une Farce – A.Poussier – 24 p.
Ecole des Loisirs – 2007 – 10.64 €
Lien Amazon: Une farce
ANIMAL/JEU/FARCE/GAG/AMITIE/LIT
Si vous aimez les illustrations soignées, douces, réconfortantes, passez votre chemin ! Cet album propose un graphisme novateur. Les personnages animaux sont stylisés, appuyés par un trait noir très présent. Sans illustrations décoratives, toute l’intensité de l’album se trouve dans le récit et la situation abracadabrante des personnages. Des amis souhaitent faire une farce à leur camarade lapin. Mademoiselle Souris a une idée, elle va se cacher sous l’édredon du lit de son copainlapin. Suivi d’un mouton, d’une poule, d’un trio de chats espiègles, d’un loup et de nombreux autres compagnons, les voilà tous cachés sous une couette et dans un lit. Ils semblent bien petits au fil des pages. Neuf animaux dans un lit, ça remue, ça rigole et même les « chut » sont bruyants ! Plus un mouvement, plus un bruit voilà notre ami lapin … La chute est délectable ! Cet album invite au rire et à la détente. Lors de la lecture de ce livre, je force ma voix, je joue sur les intensités, mes enfants adorent et ne se lassent pas de cette histoire ! Un livre réconfortant à avoir dans sa bibliothèque ! Dès 2 ans
Quatre histoires d’Amir – A.Vaugelade – 80 p.
Ecole des loisirs – 2012 – 14 €
TRACTEUR/SE REPERER DANS L’ESPACE/DENOMBRER/PERSONNALITE
PetitpetitNéron, 29 mois, est fasciné par les tracteurs. Il passe tous les trajets de voiture, le nez collé à la fenêtre pour les pointer du doigt dans les champs. Le moindre vrombissement le met en transe. J’ai donc cherché longtemps un album de qualité qui puisse combler sa soif de connaissance. Mon choix s’est porté sur ce coffret. Il propose 4 petits albums : Canards, Chatons, Mouche et Tracteur.
L’album Canards est inspiré d’une comptine anglaise. L’histoire est une jolie interprétation de la numération. A chaque tourne de page, Maman cane perd un de ses canetons. Elle cancane de plus en plus fort pour rapatrier ses petits jusqu’à ce qu’elle ouvre grand le bec pour rassembler sa troupe. Les dessins très expressifs montrent l’énervement de la cane, l’espièglerie d’Amir. Les petits comptent et recomptent les canetons. Le lecteur ne peut s’empêcher d’imiter le cri de la cane qui devient de plus en plus fort. Cet album se lit horizontalement. Il peut être apparenté à un flip book par son organisation visuelle.
L’album Chatons est mon préféré ! Amir décide de jouer avec les chatons de la grange. Malheureusement ces derniers décident de grimper en haut des bottes de paille pour échapper aux mains brusques du petit garçon. Courageusement, Amir monte aussi sur les bottes de paille qui s’écroulent sous son poids. Voilà deux chatons et un bébé coincés en haut du tas de foin. Heureusement que les mamans ne sont pas loin et qu’elles sauront rassurer leurs petits ! Le récit est drôle et les pleurs des petits sont vraiment attendrissants (même si PetitpetitNéron a une drôle de tête à cette page). Les effets de prise de vue permettent de saisir les différences d’échelle entre adulte et enfant. Une fois de plus les illustrations sont délicieuses.
L’album Mouche propose une rêverie d’Amir pendant la sieste à la crèche. Amir n’arrive pas à dormir. Il suit une mouche du regard. Celle-ci lui propose alors de grimper au plafond pour la rejoindre. Amir doute de ses capacités mais la mouche le rassure et le voilà qui crapahute aux murs et au plafond. Il finit par voler dans la salle de sieste avec sa nouvelle amie. Bientôt il rejoint son petit lit car c’est l’heure du goûter ! Amir n’est pas triste car son amie lui a promis de recommencer demain ! Et maintenant les tartines … Ca creuse, la vie de mouche ! Là encore, l’organisation spatiale est originale car Amir passe du sol au plafond. Toute la lecture graphique est retournée !
Tracteur est l’album préféré de PetitpetitNéron. Cet album le suit chez sa nounou, dans la voiture et dans son lit. Ce livre transcrit son rêve le plus cher. Sur le chemin de la crèche, Amir est abordé par un magnifique tracteur vert. A force de Tut-Tuuuut, le tracteur convainc Amir de monter et de prendre les commandes. Amir roule jusqu’à la crèche. Tracteur ne veut pas quitter son nouvel ami. Il tuuut de tristesse. Alors Amir décide de continuer sa balade ! Mais jusqu’où iront-ils ? Dans ce récit, la personnification du tracteur est très réussie. Anaïs Vaugelade a eu l’intelligence de ne pas forcer le trait. L’engin reste un beau tracteur de nos campagnes. Amir vit un rêve éveillé. PetitpetitNéron est complètement fan !
Comme vous l’avez compris, ce coffret est vraiment d’une grande qualité. Les illustrations sont savoureuses. Les expressions d’Amir sont à découvrir dans chacun des albums. On le découvre rêveur, apeuré, triste, joyeux, espiègle ! Chaque album permet à l’enfant de se repérer dans l’espace. En haut, en bas, à l’envers, sur, dans, les points de vue sont vraiment pertinents. Si vous êtes prêtes à zozoter pour faire la mouche, à cancaner et surtout si vous souhaitez passer un très bon moment de lecture avec vos enfants, n’hésitez pas ! A découvrir dès 18 mois.
La forêt – A.S. Baumann / C.Rivier – 46 p.
Actes Sud junior – 2011 – 9.50 €
NATURE/FORET/FLORE/FAUNE/PHOTOGRAPHIE
Si un jour, l’une d’entre vous souhaite écrire un mémoire sur les imagiers de la nature édités à partir de l’an 2000, contactez-moi, je pense que notre bibliothèque familiale accueille de manière exhaustive toute la création jeunesse sur ce sujet (je peux aussi aider une doctorante sur les imagiers de tracteurs !). PetitPetit commence le cycle « la nature m’intéresse ». Il veut tout connaître. Il veut explorer. Il est attiré par les animaux, les fleurs et les insectes (les escargots ont peut-être une chance d’en réchapper cette année !). J’ai ressorti les imagiers, les classiques copains des bois et copains du jardin mais je souhaitais lui offrir « son sien ». Je sais maintenant que ce livre la Forêt l’accompagnera dans toutes nos sorties. Je le retrouverai posé sur la pelouse à la nuit tombée. Il sera en visite chez nounou. Ce livre rassemble de très belles photographies d’animaux, de plantes, de fruits, d’insectes, de mousse, de champignons et de graines. Chaque double page offre au regard plusieurs clichés. Les vues sont multiples. Parfois les photographies sont des panoramas, parfois des vues zoomées. Chaque détail est légendé avec soin. Les mots employés peuvent paraître savants mais comme l’explique Anne-Sophie Baumann, ces termes scientifiques permettent de mieux comprendre la nature et donc de mieux vivre avec cette richesse qui nous entoure. Les informations fournies sont courtes et précises. PetitPetit est subjugué par les photos. Il pointe du doigt les textes pour que je les lui lise et relise. J’ai apprécie que cet imagier s’intéresse autant à la faune qu’à la flore. Il est vrai que PetitPetit a plus de chance de croiser des feuilles d’érable que des sangliers ou des biches. A la lecture de ce documentaire, je vois souvent Moyenpetit pointer son nez pour écouter attentivement. Il est très concentré et il me pose de multiples questions auxquelles je n’ai pas toujours les réponses. Alors il sort ses livres « de grand » pour savoir, pour comprendre et pour m’expliquer très sérieusement le pourquoi, du comment. Saviez-vous que le Sceau de Salomon est une plante ? Que cette plante vivace est toxique et qu’elle doit son nom à la ressemblance avec l’anneau magique du Roi Salomon. Cet imagier permet un bel éveil à la nature pour les plus petits tout en stimulant la curiosité des plus grands. Dès 2 ans.
Neige, le blanc et les couleurs – E.Vast – 40 p.
Editions MeMo – 2011 – 12 €
COULEUR/NATURE/OISEAU/VOCABULAIRE/LANGAGE/ART VISUEL/RYTHME DU TEMPS
Cet album semble offrir un énième récit animalier. C’est bien mal connaître les éditions MeMo. En choisissant cet ouvrage, je savais que je serais surprise. Plus que surprise, j’ai été enchantée et Moyenpetit aussi. Neige est une tourterelle. Elle vit dans le froid et le blanc de l’hiver. Heureusement, chaque jour de la semaine, Neige va récolter des baies de différentes couleurs : sept jours de la semaine, sept baies et sept couleurs découvertes. Neige est curieux oiseau. Elle plante chaque baie dans le sol et découvre que toute la nature environnante change de couleur. Malheureusement, le rouge est trop vif, le orange trop éclatant, le jaune trop lumineux. Chaque tourne de page offre un paysage monochrome qui ravit nos yeux mais ils ne plaisent pas à la jeune tourterelle qui n’envisage pas de vivre dans un monde unicolore. Après avoir planté chacune de ses baies, Neige a une idée …Emilie Vast a réussi un album enchanteur. Les essais de Neige sont visuellement pertinents. Les enfants anticipent les changements de couleur. Ils sont incités à développer leur vocabulaire et leur sens esthétique : le bleu et l’indigo se ressemblent et pourtant ils offrent deux paysages très différents. En suivant les pérégrinations de la tourterelle, les enfants scandent les jours de la semaine et les différentes nuances de couleur. Visuellement très stimulant, la situation finale de l’album est un beau plaidoyer au mélange, à la diversité et à la mixité. Pédagogique, ludique et visuellement beau, cet album est très réussi. Il peut être lu en écho à un album jumeau : Océan, le noir et les couleurs. D’ailleurs, je vous conseille tous les albums d’Emilie Vast, ses herbiers me font voyager bien plus loin que la flore représentée. Dès 4 ans.
Dans la prochaine chronique, vous retrouverez Emilie Vast et Il était un arbre, un gros coup de cœur !
3-6 ans
Les Grandes Personnes – 2011 – 14.25 €
LAND ART/FAUNE/FLORE/PHOTO/ANALOGIE/LANGAGE
Oui ouvrez les yeux car cet album offre un merveilleux spectacle ! La faune, la flore, la voûte céleste : la nature photographiée sous des angles originaux. Certaines photographies pleine page sont saisissantes et m’ont plongé dans mes souvenirs d’enfance où je passais des heures à observer les écorces des arbres. D’autres pages proposent deux clichés différents qui peuvent se répondre ou s’enrichir par analogie. L’air, l’eau, le feu et la terre sont aussi convoqués dans ce livre innovant. De l’infiniment grand à l’infiniment petit, sa lecture donne le vertige et nous rappelle que la nature offre un merveilleux spectacle quotidien. Les amateurs de Land Art seront touchés par certaines œuvres époustouflantes de simplicité et de perfection. Les enfants seront ravis de découvrir leurs meilleurs amis et leurs souffre-douleurs : les escargots, les gendarmes, les chenilles … Mon PetitPetit est fasciné, il pointe son petit doigt boudeboude en nommant chaque élément qu’il reconnait. Moyenpetit, quant à lui, essaie de reproduire certains montages land art dans le jardin. MoyenGrand est intéressé par les techniques photographiques mises en œuvre pour réussir de si beaux clichés. Sans texte, ce livre permet une interprétation personnelle. Mes fils y voient des détails que je n’avais pas remarqués. Ils imaginent des affinités auxquelles je n’aurais jamais pensé. Quant à ma version de certaines analogies, ils me regardent comme s’ils ne me connaissaient pas ou plus … Un album à lire et relire à tout âge !
Jamais seul – D.Poitrenaud/C.Garralon – 24 p.
Kilowatt – 2011 – 6.90 €
DIFFERENCE/HANDICAP/SCOLARISATION/RELATION ENFANT-ENFANT
Je suis en veille tout le temps … Non je ne suis pas dans un état de sommeil avancé. Je surveille, je cherche et parfois je trouve ! Claire Garralon est une illustratrice que j’apprécie, rappelez-vous Rond rouge. Au Salon de Montreuil, j’ai découvert cet album que je ne connaissais pas. Jamais seul est le récit d’un enfant différent. Est-il en situation de handicap ? Est-il autiste ? Est-il touché par les multiples troubles dys ? On ne sait pas mais il est différent. Néanmoins il semble très épanoui au sein de sa famille. Il est intégré dans sa classe. Il rit avec ses copains. Il aime son assistante vie scolaire. Il passe d’agréables jeudis avec un enseignant spécialisé qui intervient à l’école. Il prend le bus comme un grand mais il sait que le chauffeur veille sur lui ! Même la nuit il sait qu’il est accompagné car il partage sa chambre avec un gardien protecteur : Jonas son poisson rouge. Cet enfant est heureux et jovial car il n’est jamais seul et surtout il n’est jamais livré à lui-même. Le monde qui l’entoure est parfois source d’angoisse et de malaise car il ne comprend pas toutes les interactions et les rapports de causalité de la vie quotidienne. Il ne sait pas déchiffrer les dangers. Très sensible à l’environnement, il peut avoir besoin d’une épaule, d’une oreille, d’une main rassurante pour l’aider à avancer sur le chemin de la vie ! J’ai beaucoup apprécié ce livre qui permet à l’enfant concerné de lire et de voir qu’il n’est pas le seul à avoir une vie différente des autres enfants. Je le conseille aussi à tous les enfants qui un jour seront peut-être scolarisés avec des enfants différents qui nécessitent des rythmes alternatifs et des attentions soutenues. Très coloré, les illustrations gaies optimisent le récit. De multiples détails montrent que le héros est unique mais qu’il fait surtout partie d’un groupe et d’une famille. Je savais que même sur un sujet délicat, Claire Garralon assurerait avec brio un album sincère et honnête. Bravo ! Dès 4 ans.
Jouets des champs – A.Crausaz – 36 p.
MéMo – 2012 – 14.50 €
JOUET/NATURE/RELATION MERE-ENFANT/CREATION
Ce nouvel album d’Anne Crausaz est une petite merveille ! Par une belle journée d’été, un jeune garçon et sa mère partent en forêt pour une chasse aux trésors. Ces trésors seront des jouets réalisés avec des pétales, des feuilles et des fleurs. Samares d’érable, graines de pissenlit, couronne et poupées de fleurs, ce livre est aussi un véritable cahier d’activités en nature. Fabriqués à quatre mains, ces jouets éphémères sont aussi un prétexte à une transmission ancestrale lors des ballades dominicales et à une réflexion sur la valeur de ce qui nous entoure. Lucien et sa mère vont découvrir la richesse des champs et des bois en été même le ciel leur offre le merveilleux panorama de la lune et du soleil réunis. Quel beau périple à découvrir ! Les illustrations sont splendides, les effets de zoom sont réussis, les couleurs intenses, choisies avec soin, rehaussent ce récit tout en harmonie ! Dès 5 ans.
Un dîner entre amis – V.W.Giuliani/C.Chavenaud – 34 p.
Eponymes – 2012 – 9.50 €
LOUP/CONTE/FILIATION/SOLIDARITE/PARTAGE/AMITIE
Grégoire est un jeune loup affamé. Il erre dans la forêt à la recherche d’une petite chose à croquer. Au détour d’un arbre, Grégoire rencontre le petit Chaperon rouge ! La petite fille au panier lui dit tout de suite qu’elle connaît l’histoire et qu’elle ne s’en laissera pas conter ! Grégoire, mal à l’aise, lui explique qu’il n’est que le petit fils du grand méchant Loup. Elle doit avoir confiance en lui car malgré la ressemblance avec son aïeul et la faim qui lui broie le ventre, il ne va pas la manger : l’adage tel père, tel fils est complètement dépassé. Attendri par les gargouillements du ventre de Grégoire, le petit Chaperon rouge lui propose de venir dîner chez Mère-Grand. Main dans la main ou plutôt main dans la patte, ils marchent de concert sur le chemin qui mène à la maison de Mère-Grand. Bientôt les voilà arrêtés par les trois petits Cochons qui tremblent devant les dents pointues du Loup. Après quelques explications et une invitation en règle, ils sont maintenant cinq à rire en avançant dans la forêt. La route est longue avant de tirer la chevillette et nos amis vont rencontrer tous les protagonistes célèbres qui ont eu affaire au(x) loup(s) : la Chèvre et ses sept chevreaux, celle de Monsieur Seguin, Pierre. Quelle assemblée chez Mère-Grand ! Autour d’un bon repas auquel chacun à contribuer, Grégoire et ses nouveaux amis se régalent ! Cet album offre un récit original de pérégrination. Les nombreux personnages rencontrés invitent l’enfant à découvrir les contes fondateurs de la littérature jeunesse. Il permet aussi de briser l’image du loup carnassier et dangereux car le jeune Grégoire est vraiment croquant craquant. Ce livre ouvre aussi le dialogue sur la filiation et sur les ressemblances familiales. Le vocabulaire est riche et propose de nombreuses expressions et jeux de mots. La typographie est soignée. Elle évolue au cours du récit pour être au plus près des dialogues et des aventures du héros. Les illustrations sont originales. Elles mêlent habilement les crayonnées, les collages et les applications numériques. Les couleurs sont restreintes mais affirmées et travaillées sur les tons de rouge, rose, ocre et gris. Une belle découverte ! Dès 5 ans.
Je remercie Monsieur de Tarlé des Editions Eponymes pour l’envoi de cet ouvrage.
Petit Chagrin d’amour – C.K.Dubois – 28 p.
Ecole des Loisirs – 2010 – 9.20 €
CHAGRIN D’AMOUR/TRISTESSE/NATURE
Rose est malheureuse. Son cœur est brisé. Son amoureux vient de la quitter. Elle pleure, elle s’interroge, elle cherche des réponses. Son cœur devient trop lourd à porter. Elle crie pour soulager son désarroi. Le chagrin l’entraîne toujours plus loin dans la solitude et la dépression. Dix jours et dix nuits, Rose pleure sans s’arrêter. Un jour, ses larmes se tarissent. Rose lève son visage et quitte la forêt des chagrins. Le vent, les oiseaux, l’encouragent à profiter du moment présent et de l’avenir qui s’offre à elle. J’ai beaucoup aimé ce court album. Le thème du chagrin d’amour est traité avec dignité. Les peines de cœur sont des affres de douleur quel que soit l’âge des amoureux éconduits. Le long chemin de la résilience est présenté comme un chemin nécessaire et porteur de sens. C’est seule que Rose doit dépasser son chagrin, ni ses parents, ni ses amis ne peuvent l’aider. Sans mièvrerie, ni condescendance, le récit est subtil et sincère. L’histoire et les illustrations sont en parfaite harmonie. Les illustrations sont splendides. La finesse du trait et la délicatesse des expressions intensifient les émotions ressenties lors de la lecture de ce très bel album. A avoir dans sa bibliothèque le jour ou …Dès 5 ans.
Le dico des bêtises – E.Jadoul – 200 p.
Casterman – 2011 – 14.20 €
BETISE/GROS MOTS/ENFANCE/HUMOUR
J’ai acheté cet ouvrage au Salon du livre de Montreuil en 2011. Très heureuse de mon achat, je me délectais à l’avance de lire ce dictionnaire original à MoyenPetit. J’étais sûre qu’il serait ravi de découvrir des bêtises qu’il connaissait pour les avoir faites, d’autres qu’il serait heureux de voir couchées sur le papier afin de s’inspirer ou de vivre par procuration le plaisir intense d’une bonne blague. Ce carnet est une avalanche de bêtises, sottises, idioties mais attention elles sont classées par ordre « nalphabétique ». Grimaces, gros mots, facéties scatologiques sont évoqués dans les moindres détails et j’avoue que parfois j’ai grincé des dents. Les illustrations d’Emile Jadoul sont savoureuses et j’ai souri à toutes les pages (oui j’arrive à sourire les dents serrées). Ce petit garçon et cette petite fille sont des enfants cauchemardesques que je ne souhaite pas à ma pire ennemie. J’ai apprécié que l’égalité des sexes soit souligné dans ce dictionnaire. Garçon et fille se partagent les rôles et les conséquences des sottises orchestrées. Je l’ai lu une fois à MoyenPetit puis je l’ai rangé car il ne choisissait jamais cet ouvrage pour les moments de lecture. Après quelques semaines de CP, MoyenPetit s’est émancipé. Tous les soirs, il se couche en feuilletant et en rigolant à chaque page. Il a raison, les bêtises ne se partagent pas avec les parents. Néanmoins, ce dictionnaire a permis de discuter des petites bêtises rigolotes, des sottises à ne plus faire et aussi des âneries dangereuses à NE JAMAIS FAIRE ! Après plusieurs mois passés, seul, dans les étagères, ce dictionnaire des bêtises est la star des albums de MoyenPetit depuis qu’il sait lire. Dès 6 ans.
A lire avec cette chanson : Renan Luce, On n’est pas à une bêtise près !
Nour le moment venu – M.Rutten – 60 p.
MéMo – 2012 – 15.50 €
AMOUR/AMITIE/DEMENAGEMENT/HARMONIE/SENS DE LA VIE
Nour est une jeune grenouille. Entourée de tout ses amis, elle fête son anniversaire. Elle est heureuse d’être si bien entourée. Nour aime les anniversaires. Ils sont des moments importants de la vie. Elle est un peu mélancolique car cette fête sera la dernière dans sa petite cabane des champs. Elle doit déménager. Elle ne sait pas encore où mais elle souhaite rester proche de ses amis et particulièrement d’Oko qui est son meilleur ami et certainement un peu plus. Il lui a d’ailleurs promis une surprise mais Nour doit patienter un peu car la surprise d’Oko n’est pas encore prête. En attendant, Nour fait des cartons poétiques, des cartons pour les choses bleues, des cartons pour les objets doux et des cartons pour les éléments fragiles. Mais comment faire quand il faut ranger une plume douce, fragile et bleue … Nour ne se laisse envahir ni par les cartons ni par la nostalgie même si parfois la tristesse pointe son nez. Pour se reposer, Nour tricote de petits carrés de laine qu’elle laisse s’accumuler parmi les cartons. Elle marche aussi beaucoup. Ces balades sont l’occasion de s’émerveiller de tous les trésors de la nature : fleurs, graines, arbres et insectes remarquables. Cette petite grenouille est une contemplative qui s’enthousiasme et trouve son équilibre au sein de la forêt. Pas à pas, guidée par un sens profond de l’harmonie, Nour trouve le lieu de sa nouvelle vie. Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, Oko vient la chercher pour lui offrir enfin son cadeau … Quelle surprise ! J’ai lu de nombreuses critiques sur cet album avant de l’acheter. Je n’étais pas sûre qu’il corresponde à mes attentes. J’attendais un album pour les petits qui parlerait de la vie d’une grenouille et de ses compagnons de prairie. Cet album dépasse largement mon horizon d’attente et mes projections de lecture. Le récit est profond. De nombreuses questions sont abordées comme la quête du bonheur, le sens de l’amitié, la peur. Les épisodes de la vie quotidienne de Nour invitent les jeunes lecteurs à une vision poétique et philosophique de la vie et des moments difficiles. De tout petits détails entraînent une réflexion et des discussions vraiment intéressantes en famille. La relation entre Nour et Oko est présentée avec beaucoup de délicatesse. J’ai apprécié le suspens de la surprise qui entraîne Nour dans les méandres des émois amoureux. Comme elle, nous avons vécu ou vivrons dans l’attente de la promesse d’un cadeau ou d’un engagement. Les illustrations sont à la hauteur du récit. Précises, fines, chaque tourne de page est un délice visuel. Illustrations pleine page ou dessins très resserrés, elles sont toutes à découvrir et à apprécier. Dès 5 ans et pour longtemps.
La chronique de ricochet : clic
La présentation de Sophie Van der Linden : reclic
Cerise Griotte – B.Lacombe – 17 p.
Seuil jeunesse – 2006 – 13.49 €
AMITIE/AMOUR/ETRE SOI/TIMIDITE/ASSURANCE/LIEN ENFANT-ANIMAL
Benjamin Lacombe est un auteur qui m’interpelle. Ces albums sont parfois surprenants. J’avais beaucoup apprécié La mélodie des tuyaux, son Herbier des fées (version papier et version ipad). Depuis, je furette, je cherche et parfois je réussis à réserver et à obtenir un de ses albums à la bibliothèque. Sa notoriété grandissante rend ses livres difficilement accessibles en lecture publique ! Cerise Griotte m’attendait donc sagement à la médiathèque. J’ai tout de suite été séduite par le grand format de l’album. J’écoutais le strident bip, bip de la douchette de la bibliothécaire d’une oreille distraite car la couverture m’emportait déjà dans une histoire que j’avais hâte de découvrir. Tout d’abord, je suis une passionnée de confiture et cette petite fille triste perchée sur un amoncellement de pots ne pouvait que me plaire. Cet enfant s’appelle Cerise. Elle est un peu particulière et un peu triste. Elle aime beaucoup les livres qui lui permettent de s’évader et certainement d’oublier ses blessures affectives. Elle est extrêmement timide. Elle évite ses camarades en classe et dans la cour. Pourtant elle aimerait trouver le courage de parler avec le bel Angelo ! Mais même au secret de la bibliothèque, elle préfère se cacher que de croiser le regard de celui qui fait battre son petit cœur ! Elle vit seule avec son père qui n’a pas beaucoup de temps à lui consacrer. Au volant de sa camionnette grise, il récupère les animaux abandonnés ou égarés de la ville. Cerise l’aide souvent à nettoyer les cages. Mais ce qu’elle préfère par-dessus tout, c’est câliner les chiens, les chats et même les chinchillas perdus. Un matin, Cerise entame un grand nettoyage de la fourrière. En « décrapouillant » une cage, elle aperçoit une petite boule de poils blottie entre les barreaux. Cerise murmure pour apaiser la petite Shar-peï terrorisée. Cerise la baptise Griotte. En deux coups de langue et trois caresses, les voilà devenues inséparables. Grâce à la présence de Griotte, Cerise ne craint plus ses camarades d’école croisées dans le parc. En défendant la petite chienne des remarques désobligeantes des petites filles, Cerise apprend à se défendre et à se faire respecter. Les autres enfants en restent bouche-bée car ils n’avaient jamais entendu sa voix. Il croyait leur camarade muette, enfermée dans sa carapace de tristesse et de mélancolie. Malheureusement le père de Cerise lui rappelle les règles de la fourrière : Griotte ne pourra lui appartenir qu’après un mois d’abandon à la fourrière. Cerise est inquiète. Comment faire face à la vie si on lui enlève sa meilleure amie ? Benjamin Lacombe nous offre un très bel album. Le récit est plaisant. La lecture est courte et gaie. De nombreux jeux de mots ou de sonorités jalonnent l’histoire. Le personnage de Cerise est bien appréhendé. On comprend que la petite fille acquiert son autonomie grâce l’attachement qu’elle ressent pour la chienne. Cerise a besoin d’affection et d’amour pour grandir et s’ouvrir au monde. Griotte lui donne la force d’affronter le regard des autres enfants et même des adultes. La petite chienne sera son port d’attache pour un amour inconditionnel et spontané. Elle sera aussi libératrice des liens qui lui fermaient la bouche et le cœur. Les illustrations sont très soignées. La rigidité affective de Cerise est soulignée par la raideur de son personnage qui semble prisonnier d’un pull-bouclier remontant jusqu’au nez. Effectivement comment parler quand on a le menton bloqué ? Les points de vue sont saisissants. Dès la couverture, Benjamin Lacombe joue sur les angles de vue : dedans, dehors, derrière et à travers. J’aime quand la technique est aussi bien maîtrisée. Page après page, l’harmonie texte/image participe à l’évolution de Cerise et à son combat pour s’ouvrir aux autres et gagner en assurance. Un très bel album à découvrir de 5 à 8 ans.
A quoi tu joues ? - S.Frattini – 20 p.
Milan – 2012 – 12.25 €
PEINTURE/ART/EVEIL ARTISTIQUE/PHOTOGRAPHIE
Seize œuvres d’art sont à découvrir dans cet album : des peintures de Maîtres et des photographies célèbres. Le jeu et ses représentations sont le point commun de toutes ces créations artistiques. Chaque double page propose deux flaps représentant un détail agrandi de l’œuvre dissimulée par le volet. Une fois soulevé, l’œuvre complète s’offre au regard. Le verso du flap permet de situer le tableau ou la photographie dans son contexte historique et artistique. L’auteur de l’œuvre est présenté brièvement. Les textes sont clairs, simples et réellement pertinents. Ces informations incitent l’enfant à effectuer des recherches pour compléter ses connaissances s’il le souhaite. Monet, Caillebotte, Chardin, Manet sont des peintres que vos enfants rencontreront dans ce livre tout comme les célèbres photographes Edouard Boubat ou Denise Loeb ! Le thème choisi est vraiment évocateur pour les enfants et la découverte de ses chefs-d’œuvre devient une réelle source de plaisir. Sans vouloir forcer l’éveil artistique de mes enfants, j’aime me dire que ce genre d’ouvrage ouvre en eux un intérêt, une curiosité qu’ils souhaiteront un jour peut-être enrichir. A découvrir dès 5 ans.
Dans la même collection, vous pourrez aussi déguster :
Qui me regarde ? Que cachent ces taches ? C’est quoi ce travail ? Oh, la belle bête ? C’est un pied ou un nez ?
Le Goût d’être un loup – C.Leblanc – 32 p.
Motus – 2012 – 4.50 €
LOUP/PERSONNALITE/CRITIQUE/JUGEMENT/DOUTE/IMAGE DE SOI
Ce tout-petit album est mon coup de cœur de ce début d’année de braise ! Je l’ai lu plusieurs fois. J’étais profondément touchée … Ce très court album relate la vie d’un loup. Il a quitté la meute. Il vit seul. Libre et fier, il découvre de nouveaux territoires. Un soir, ce loup est fatigué. Il se couche au sol, abattu par la solitude et le désarroi. Il se trouve gris, terne, banal. Sur le sable, la tête posée sur ses pattes avant, il souhaite devenir un coq pour arborer des couleurs vives ou un poisson pour sentir la caresse de l’eau ou un chevreuil ou même un chat pour être apprivoisé au moins une fois … Il ferme les yeux et rêve de devenir un autre car la vie est sûrement plus facile ! Mais une fourmi qui passe près de lui, l’apostrophe et lui avoue son envie de devenir un loup pour gambader librement, un papillon lui jalouse sa voix, un caneton voudrait lui aussi quitter sa meute. Les animaux se succèdent devant le loup pour l’admirer, le critiquer ou l’encourager. Il ferme de nouveau les yeux, il se lève et lui revient le goût d’être un loup ! Que de métamorphoses rêvées au cœur de cette forêt … La fatigue, le désarroi et les doutes du loup sont poignants. Nous sommes tous confrontés aux difficultés d’accepter d’être ce que l’on est et surtout tout ce que l’on n’est pas. Petit ou grand, les critiques peuvent parfois blesser. L’envie, la jalousie et la convoitise sont des émotions que nos enfants ressentent chaque jour. Ils aimeraient être plus grands, plus forts, plus petits, plus intelligents mais aussi moins gros, moins bruns, moins malhabiles … Les blessures sont rudes. Ce livre permet d’aborder avec finesse la délicate notion de personnalité, de confiance en soi. Sans atermoiements, sans bons sentiments, ce loup doute ! Il apprend que l’estime de soi ne se construit pas sur les jugements des autres. Il est un loup. Il se relève libre et fier. Comme l’exige la collection Mouchoirs de poche, l’auteur Catherine Leblanc a illustré elle-même ce court album. Sur fond noir, ses calligrammes et montages visuels sont très réussis et offrent une lecture approfondie. J’ai lu cet album à Moyenpetit, 6 ans, sans lui avouer mon coup de coeur Je n’étais pas sûre que son jugement rejoigne le mien. Je voulais que son avis soit objectif. Il a réclamé plusieurs lectures avant de me livrer son opinion «il est chouette car il est pas comme d’habitude ». Si vous souhaitez surprendre vos enfants, n’hésitez pas ! Dès 6 ans.
La mystérieuse bibliothécaire – D.Demers/T.Ross – 81 p.
Gallimard Jeunesse – 2004 – 5.61 €
BIBLIOTHEQUE/LECTURE/CONTE/RELATION PARENT-ENFANT/AMITIE/MAGIE
A Saint-Anatole, une bibliothécaire est enfin engagée par Monsieur Lénervé, Maire du village. Il n’en revient pas de sa chance. Trente ans que la mairie passe une annonce dans le journal mais personne ne semblait intéressée par le placard à balai la bibliothèque. Monsieur Lénervé se frotte les mains en songeant aux retombées électorales de son recrutement. Mais il ne connaît pas encore Mademoiselle Charlotte. Cette dernière est bien décidée à faire de sa bibliothèque, un lieu de vie que chacun doit s’approprier. Après avoir séduit les enfants, ils investissent les immenses greniers de la mairie pour les réhabiliter en lieu de lecture avant-gardiste. Tente, matelas, animaux familiers, goûters sont désormais mêlés aux livres. Ces derniers sont classés en pile et par couleurs ! Autant vous dire que les lecteurs sont nombreux. Léo fait partie des premiers adhérents. Il adore Mademoiselle Charlotte qui lui conseille toujours des livres qu’il apprécie. Lors d’un de ses visites, Léo prend peur car il trouve Mademoiselle Charlotte couchée par terre. Un livre à la main, elle semble évanouie. Connaissant le caractère farfelu de sa bibliothécaire, il se doute qu’elle s’est endormie en lisant ! Il décide alors de reprendre la lecture du livre qu’elle tient encore entre son pouce et ses doigts : Barbe Bleue de Charles Perrault. A voix haute, il commence : « Le plancher était couvert de sang caillé, dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes … ». Quelques secondes plus tard, elle ouvre les yeux et lui explique qu’elle adore les histoires qui font peur. Mademoiselle Charlotte est vraiment une bibliothécaire extraordinaire. Elle tombe dans les livres et vit ses contes préférés. Les enfants s’habituent à ses sommeils magiques. Ils connaissent la formule pour la réveiller afin qu’elle les aide à préparer le goûter. Malheureusement, en lisant la Belle et la Bête, Mademoiselle Charlotte est tombée amoureuse de la Bête. Léo a beau lire et relire le conte : Mademoiselle Charlotte ne se réveille pas … J’ai beaucoup souri à la lecture de ce court roman. Je rêve de fréquenter une bibliothèque comme celle de Saint-Anatole. J’aimerais aussi avoir le pouvoir de vivre mes livres préférés. Ce roman permet aux enfants d’imaginer le livre comme des clés d’accès à des mondes passés, futurs ou inconcevables. Les nombreuses péripéties de Mademoiselle Charlotte et ses amis sont drôles. Ce livre donne envie de lire et de devenir lecteur. Il souligne les différents profils de lecteurs et accorde le droit à chacun de lire comme il en a envie. A déguster dès 7 ans.
Nanouk et moi – F.Seyos – 103 p.
Ecole des loisirs – 2010 – 7.60 €
INUIT/PSYCHOLOGIE/MORT/PEUR/RELATION ENFANT-PSYCHOLOGUE
Thomas Cracov est le héros de ce roman. Enfin, non, il préfère se présenter sous ce pseudonyme car il craint que certains lecteurs malins ne l’appellent au milieu de la nuit. Thomas est un enfant vif, intelligent mais très perturbé par des angoisses et des peurs qui le paralysent. Pour son bien-être, ses parents décident de l’emmener consulter un psy/chiatre/cologue : Le docteur Zblod, spécialiste des angoisses et des cauchemars. Thomas est très mal à l’aise de se retrouver seul avec ce médecin. Sa mère lui a conseillé de lui dire tout ce qui lui passe par la tête … Thomas en veut à sa mère d’avoir prononcé cette phrase car il craint que « cette phrase agisse comme une malédiction, et que n’importe quoi, absolument n’importe quoi » sorte de sa bouche. Thomas est verrouillé et garde les lèvres closes. Mais le docteur Zblod le rassure et l’invite à livrer ce qui le perturbe, l’enchaîne et parfois le noie. Quelques semaines auparavant, Thomas a acheté un DVD : Nanouk l’esquimo. Ce film documentaire de 1922, réalisé par Robert Flaherty, relate la vie d’une famille inuit dans la baie de Hudson. Dès les premières minutes du documentaire, Thomas est choqué d’apprendre que Nanouk, le héros, est mort de faim quelques mois après le tournage. Depuis, de nombreuses questions tournent dans sa tête : comment Nanouk est-il mort ? A-t-il souffert ? Comment sa femme et ses enfants ont-ils survécu à la mort de Nanouk le chasseur ? Thomas se souvient d’un choc dans sa poitrine et depuis il est soucieux, il est inquiet, Nanouk rode sans cesse dans sa tête. Le docteur Zblod devra inviter Thomas à réfléchir, à s’ouvrir et à comprendre que la mort inquiète chaque individu quel que soit son âge. J’ai beaucoup apprécié ce roman de la collection Neuf de l’Ecole des Loisirs. Le récit de cet épisode de la vie de Thomas est intense et permet d’aborder le rôle et l’importance d’un suivi psychologique quand un enfant souffre. Le récit du long chemin de l’analyse est intéressant et particulièrement le rôle du patient qui doit trouver seul les réponses pour dépasser ses angoisses. Le personnage du docteur Zblod est rassurant sans être gnan-gnan. Le blocage de Thomas sur la mort de Nanouk permet aussi de parler de la mort et surtout de la peur qu’elle suscite. Le ton léger du récit est très agréable et permet des descriptions drôles malgré le thème de la tristesse qui fonde la narration. Je conseille ce roman pour les enfants à partir de 8 ans.
Le documentaire de Nanouk l’Esquimau existe réellement. Vous pouvez lire ici une analyse assez complète.
9-12 ANS
Mais où est donc or ni k’art ? – J.Cressy – 40 p.
Palette – 2006 – 17 €
ART/JEU VISUEL/EVEIL ARTISTIQUE
J’essaie d’éveiller mes enfants à l’art. Chaque annonce de sortie au musée est suivie de soufflements et de « trainements » intempestifs de pieds. Leur calvaire culturel est le musée des Beaux-Arts de notre ville. Une fois sur place, nous sommes escortés dans chaque salle par de charmants gardiens qui semblent complètement terrorisés à l’idée que mes enfants me lâchent la main. Des enfants dans un musée semblent être une hérésie. Je sens leurs regards dans notre dos. J’entends leurs réflexions et leurs remarques sur notre passage. Nous finissons tous les six complètement crispés. NéronPinochet hurle dans sa poussette car je suis tellement tendue que je lui ai demandé un peu près 10 000 fois d’être sage et silencieux. Etre et avoir une famille nombreuse est parfois synonyme d’éducation négligée chez certains. J’ai donc décidé de faire entrer l’art à la maison ! 2013 sera une année artistique ! Je n’ai pas commencé par leurs proposer des Citadelles & Mazenod mais j’ai dévalisé la bibliothèque municipale d’ouvrages ludiques abordant ce thème. Mais où est donc or ni k’art correspond parfaitement à mon objectif. Cet ouvrage propose vingt tableaux célèbres à décrypter et à observer avec soin. Pour chaque tableau, les enfants doivent retrouver une liste d’objets ou de personnages listés. La légende de la peinture permet à l’enfant de mémoriser l’époque et le nom du peintre. Sous forme de jeu de piste, les enfants sont invités à examiner tous les plans. Ils doivent scruter les moindres détails. Armés d’un peu de patience, ils comprendront alors l’organisation d’un tableau, les techniques utilisées à travers les siècles et l’importance des couleurs et des lignes de perspectives. S’ils le souhaitent, ils pourront vérifier leurs réponses à la fin de l’ouvrage. Dans cette partie, les plus curieux liront les explications fournies pour chaque tableau. Ces informations concernent le peintre, l’époque et le courant artistique du tableau. De l’Egypte ancienne à la composition constructive en passant par les plus grands musées du monde, ce livre permet de découvrir des tableaux célèbres provenant du monde entier. Certains œuvres sont des huiles sur bois, d’autres des extraits de rouleaux ou des feuilles de manuscrits anciens, mes enfants et moi avons été subjugués par ces œuvres d’art. Si vous ne supportez plus Charlie, ni la famille Oukilé et même si le pauvre Shen-Shan vous fait faire des cauchemars, alors n’hésitez pas à découvrir cet ouvrage vraiment intelligent ! Dès 6 ans. Le titre est aussi un agréable clin d’œil à cette phrase mnémotechnique qui permet de ne jamais ouvrir le Bled à la page des conjonctions de coordination !
L’incroyable renommée de Pablo Picassiette – B.Villiot/M.Kerba – 24 p.
Gautier-Languereau – 2006 – 13.55 €
MODE/TALENT/ART/CHAUSSURE
Pablo Picassiette est malheureux. A quelques lettres près, son nom aurait pu être célèbre mais tout le monde se moque de son patronyme. Mère Nature le n’a pas gâté non plus car il ne mesure pas plus de vingt centimètres. Pourtant il a du talent notre Monsieur Picassiette ! Au cœur de son atelier, il rêve de pinceaux et de palettes, de gloire et de reconnaissance. Mais ni les galéristes, ni les critiques d’art ne s’intéressent à son travail. Heureusement lors d’une soirée mondaine, une lichette de crème à la crevette va faire basculer sa vie ! Cet album est une petite pépite trouvée par hasard. Je l’ai choisi pour son illustratrice que j’affectionne : Muriel Kerba. Ses albums sont toujours d’une grande qualité. Elle ne craint pas de sortir des sentiers battus pour nous faire découvrir toutes les possibilités du dessin, du collage, de la gouache. Dans cet album, elle nous livre tout un éventail de créations plastiques. Le récit est à la hauteur des illustrations. Bernard Villiot enchaîne les jeux de mots, les rimes et les tonalités fantaisistes. La lecture sonne juste et la poésie est souvent au rendez-vous. Les thèmes de la mode, de l’engouement et de la rumeur sont traités avec justesse. Un album plaisir à partager dès 8 ans.
Les Passe-vents – A.Grousset – 128 p.
Gallimard jeunesse – 2012 – 3.80 €
FANTASY/AMOUR/RELATION PERE-FILS/AMITIE/TYRANNIE/VOL
Dans un monde imaginaire, proche de notre époque médiévale, Jaad est un adolescent qui souffre d’une boiterie importante. Orphelin, handicapé, il est le souffre-douleur des cuisines du château du fief de Dool. Il doit effectuer toutes les basses besognes, aller chercher l’eau, nettoyer les écuries, curer les douves du donjon. Jaad est épuisé. Il ne supporte plus les moqueries et les coups des autres habitants. Aux heures les plus difficiles de son existence, Jaad sait néanmoins qu’il peut compter sur Shueva, son amie d’enfance. Amoureux l’un de l’autre, ils doivent se cacher pour passer quelques instants ensemble car le père de la jeune fille, tonnelier, ne supporte pas de voir sa fille fréquenter un miséreux. Malgré ses sentiments pour Shueva, Jaad veut s’enfuir de ce royaume gouverné par un tyran : le Seigneur Tynar. Malheureusement tout le royaume est entouré par une grande faille balayée par des vents puissants. Au fond de la faille, une mer démontée rugit sans cesse et provoque un écran de brume impénétrable. Aucun habitant ne peut échapper au Seigneur et à ses sbires. Ce royaume est un vase-clos dans lequel il faut plier l’échine. Jaad est fasciné par cette faille. Il passe ces quelques heures de liberté à observer le vent, à écouter les hurlements des tempêtes assis sur un rocher près de la faille. Entouré d’érables gigantesques, Jaad découvre que les énormes samares flottent sur les vents furieux. Les samares sont les fruits de l’érable dont la forme d’aile membraneuse permet la dissémination. Dans ce monde à la végétation luxuriante, les graines dépassent largement la taille d’un homme. Jaad comprend alors qu’il peut s’échapper en utilisant ces samares. Après des jours d’entraînement caché des villageois, Jaad devient un homme volant. Son handicap disparaît complètement à bord de son surf végétal. Il plane, il utilise les vents. Il est alors maître des airs ! Contraint de quitter Dool précipitamment, Jaad s’envole en pleine nuit sans autre bagage que son audace et sa détermination. Après plusieurs jours de vol, il atteindra la capitale du royaume Norach où de nombreuses aventures l’attendent … Alain Grousset est un auteur que j’affectionne. Son roman La Citadelle du vertige m’a accompagnée de nombreuses années en collège. Son écriture est simple sans être insipide. Ses héros sont des jeunes gens droits sans être mièvres. Les sentiments nobles sont mis en avant. Ce monde médiéval-fantastique est très réussi. Les illustrations de Manchu permettent d’apercevoir les merveilles de ce monde imaginaire. Un régal à partager dès 9 ans.
Tempête au haras – C.Donner – 133 p.
Ecole des loisirs – 2012 – 8.25 €
CHEVAL/JOCKEY/LIEN HOMME-ANIMAL/HANDICAP/COURSE
A sa sortie en librairie, j’avais lu de nombreuses critiques élogieuses de ce roman, ici, là, là aussi et aussi quelque part ici peut-être trop d’ailleurs … Je n’avais plus envie de le découvrir. Les chevaux me semblaient un thème vu et revu. J’ai dédaigné ce livre au Salon de Montreuil. Grand Seigneur, je lui ai tourné le dos. Heureusement que MoyenGrand l’a reçu avec son abonnement Maximax car une fois à la maison, je me devais de le lire. J’ai adoré. Malgré tout mon dédain, Chris Donner m’a collé sur le dos de Tempête et au grand galop, je me suis laissé entraîner des box aux hippodromes sans entraves, ni mors aux dents. Au haras de Saint James, au cœur de la nuit, Belle Intrigante met bas son premier poulain. Ses éleveurs sont aux petits soins pour l’aider et la réconforter dans ce moment délicat du poulinage. Lors de l’arrivée du jeune poulain Komploteur, la femme ressent elle aussi les premières douleurs de l’enfantement. Souffles mêlés, contractions mélangées, jument et femme vont découvrir leurs petits à quelques minutes d’intervalle. Komploteur et Jean-Philippe voient le jour la même nuit dans le même box. Jean-Philippe, notre jeune héros, va alors développer un véritable don de compréhension des chevaux. Belle Intrigante sera sa seconde mère. Il n’acceptera jamais d’être séparé d’elle. Jean-Philippe a dépassé les connaissances de son père éleveur. Il est au-dessus des chuchoteurs. Il atteint l’intelligibilité des chevaux instinctivement. Il sait qu’il passera sa vie auprès d’eux. Dès son plus jeune âge, il formule le vœu de devenir jockey, le plus mémorable des jockeys ! Dès son plus jeune âge, il s’occupe des chevaux quotidiennement. Ses parents lui confient le haras lors de leurs absences pour concourir sur les plus grands hippodromes. Lors d’une de leurs absences, un orage particulièrement violent touche le haras. Les chevaux s’affolent dans leurs box. Jean-Philippe décide alors de les libérer. Malheureusement en ouvrant à Belle Intrigante, Jean-Philippe trébuche … il est piétiné par la jeune pouliche de Belle Intrigante qui suit sa mère à fond de train. Jean-Philippe a la colonne vertébrale brisée. Harnaché dans un fauteuil roulant, il doit renoncer à sa vie de jockey ou peut-être pas ….Ce court roman est une chevauchée dans le monde équestre. On découvre les chevaux et particulièrement les trotteurs. On comprend les courses, les paris et la vie des jockeys. Le monde de l’élevage et ses difficultés sont abordés tout au long du parcours de Jean-Philippe. Le thème du handicap est traité avec pudeur sans apitoiement. Le personnage de Jean-Philippe est émouvant. J’ai été touchée par sa rudesse, sa clairvoyance et sa maturité. L’écriture est fluide. Le récit construit avec finesse incite à le lire d’une traite comme une course. Malgré mes appréhensions, ce roman est une pépite qui mérite toutes les critiques élogieuses. Mettez le pied à l’étrier, dès 9 ans.
ABC de la trouille – A.Lemant – 64 p.
Atelier du Poisson soluble – 2011 -20 €
PEUR DU NOIR/MONSTRE/DESSIN/CAUCHEMAR/HUMOUR
J’ai longtemps attendu cet ouvrage à la bibliothèque. Il était toujours en prêt ou réservé. Je sais que c’est plutôt bon signe mais j’avoue que j’enrageais sérieusement. L’atelier du Poisson soluble propose des ouvrages innovants et parfois complètement extraordinaires ( le Type, Gropopus-Fipopus, Monsieur Rat). Cet ABC de la trouille est un régal d’abécédaire. Il est terrifiant à souhait. Les plus horribles monstres sont regroupés par leur initiale. Ces regroupements sont parfois désopilants et en tout cas vraiment surprenants : sous la lettre E, vous trouverez Eclipse, Emmuré, Espion, Epouvantail, Echelle, Ecole, Effort, Enfer et enfin Echafaud. Comme vous le voyez, l’auteur s’est laissé toute liberté pour exorciser nos peurs. Par analogie, par ressemblance ou par originalité, cet abécédaire est construit sans conformisme mais avec exhaustivité. J’ai même poussé le vice à rechercher dans google images certaines abominations que je ne connaissais pas comme le kobold ! J’ai ri mais n’empêche que j’ai enrichi mon vocabulaire. GrandGrand et MoyenGrand ont débattu longtemps sur le taux de cauchemardisation de certains monstres, je crois que Jack l’éventreur a gagné, talonné par le kraken. A la lettre N, je suis fière d’avoir retrouvé mon cauchemar à moi Néron, mon dernier fils surnommé PinochetNéron dans les heures les plus sombres de sa petite enfance. A la fin de l’ouvrage, une courte histoire vous attend. Ce récit est composé de mots et de dessins enchevêtrés qui se complètent afin de découvrir les maux de la fin par le professeur Abel Babel, docteur en trouillologie infantile. Les dessins sont somptueux. En crayonné noir, ils sont un véritable récit iconographique. Les monstres s’apostrophent et se regardent de travers. Ils dépassent même leur page attitré pour dévorer la page voisine. La typographie est au service des tyrans cauchemardesques. Avec humour et talent, cet abécédaire est à déguster le jour par des enfants qui ont fait le tour de leurs préoccupations nocturnes. Chaque page est un délice et un délire illustré. Dès 10 ans.
Pour les plus courageux, à écouter en lisant ce livre terrifiant : J’ai peur du noir – Aldebert ou J’ai peur du noir – O.Ruiz
Message personnel au Churros : Antéchrist n’est pas répertorié dans cet ABC de la trouille !
La petite capuche rouge – O.Charpentier – 128 p.
Gallimard jeunesse – 2008 – 6.80 €
AMITIE/AMOUR/EMBRASSER/SOLITUDE/FORET/SOLIDARITE
En un mot comme en cent : Méthilde est une peste ! Cette héroïne est un cauchemar. Elle est égoïste et égocentrique. Elle est arrogante, un peu perfide, très vaniteuse. En classe, elle fait sa pimbêche et même sa crâneuse. Cette jeune fille est un repoussoir émotionnel. Elle est la bête noire des autres filles. Malgré sa jolie frimousse et ses bons résultats scolaires, elle est isolée car elle est incapable d’établir des relations saines avec les autres jeunes gens de sa classe. Ses rêves sont des cauchemars qui tournent autour d’interrogations surprises sur l’amour. Sans avoir étudié Freud sur les bancs de la faculté (quoique si en y réfléchissant bien !), on se doute que si Méthilde n’arrive pas lier de liens amicaux, c’est qu’elle-même ne reçoit pas d’amour. Le mimétisme émotionnel est nécessaire pour pouvoir créer des relations amoureuses et amicales sincères. Méthilde est consciente de dysfonctionner mais elle se réfugie à l’ombre de ses tocs pour calmer ses angoisses et sa solitude. Après une nuit peuplée de diplômes d’évaluation sur l’amour, Méthilde est d’humeur ombrageuse. Enfermée dans la salle de bains, aucun de ses vêtements ne lui plaît ! Après plusieurs essayages, elle essaie le dernier pull de la pile. Tout de suite, elle sait que ce pull convient à son humeur et à son teint. Tissé de cachemire, ce pull rouge à capuche semble s’enrouler autour d’elle comme s’il avait toujours attendu ce jour pour s’unir à Méthilde. Quelques heures plus tard, Méthilde est ravie car elle vient d’apprendre qu’un week-end de révision de mathématiques l’attend. Une évaluation très importante est annoncée par l’enseignante pour le lundi suivant. Méthilde ne cache pas sa joie et devant la mine consternée de ses camarades de classe, elle jubile. A cet instant, elle donne un coup de pied dans la chaise de sa voisine pour rappeler à celle-ci qu’elle doit se pousser quand la Sérénissime passe. A ce moment précis Méthilde reçoit une décharge électrique tout le long de l’échine. Elle est stupéfaite car le courant semble provenir de son pull. Après un haussement d’épaules désinvolte, elle rejoint le couloir où deux de ses camarades râlent devant les difficultés du prochain devoir de math. Sans réfléchir, Méthilde propose de réviser avec elles afin de les aider. La douce chaleur de son pull irradie le long de ses bras pour la réconforter. Sarah et Léopoldine sont étonnées de la proposition de Méthilde. Cet élan ne lui ressemble pas. De son côté Méthilde ne comprend pas pourquoi elle a proposé son aide. Elle sait alors que cette journée n’est pas ordinaire. Effectivement Méthilde va vivre une drôle de journée et une drôle de nuit. Elle va découvrir que l’amour et l’amitié ne sont pas des sentiments vains. Elle va s’apercevoir que l’on peut avoir confiance dans les autres et en soi. L’empathie et la solidarité sont des armes solides derrière lesquelles il est bon parfois de se protéger. Méthilde est une peste qui va expérimenter des émotions intenses mais authentiques. Elle va devoir lâcher prise pour cerner et comprendre le beau et ténébreux Djibril. Le personnage est détestable et adorable à la fois. Cette belle réécriture du petit Chaperon rouge est un délice ! Beaucoup de mystère restent sans réponse et c’est très bien comme ça. Chaque lecteur comblera les lacunes selon sa sensibilité, une sorte de réécriture intime ! Ce roman de pérégrination psychologique, de lente maturation est une belle réussite. Dès
11 ans.
12 ANS ET PLUS
Le Worldshaker – R.Harland – 368 p.
Hélium – 2010 – 14 €
BATEAU/XIX/TORTURE/REBELLION/AMOUR/FEMME/FILIATION
Ce livre est un roman steampunk endiablé ! Dans un autre monde, la Terre est désertée. La majorité de la population mondiale est réfugiée sur d’immenses navires-nations. Sur le Worldshaker, l’empire britannique vit depuis plusieurs centaines d’années. Ce bateau abrite plus de 12 000 habitants. Les 53 ponts sont divisés en castes. Le poste de commandement et les nobles vivent dans les niveaux supérieurs. Les commerçants et les artisans sont regroupés sur les quelques niveaux au dessus du niveau de la mer. Les cales du navire emprisonnent les Immondes, êtres mystérieux qui alimentent en charbon les nombreuses chaudières. Sur ce paquebot gigantesque construit en 1845, l’histoire s’est arrêtée au XIXème siècle. La Reine et le Prince consort officient comme à la Cour d’Angleterre. Le thé est servi à 17h. Les riches prospèrent et se reçoivent dans leurs salons. Ils sont servis par des Larbins exploités jusqu’à leur dernier souffle. Cette autorité royale n’est qu’un gouvernement de façade car le seul et véritable maître à bord est le commandant Sir Mormus Porpentine. Il détient les clés de la salle des machines. Le roman commence par le choix de Sir Mormus pour sa succession : son petit-fils : Colbert Porpentine. Colbert est un jeune homme de 16 ans. Studieux, discipliné, il est l’enfant prodige de cette famille très influente. Une nuit, il est réveillé par un bruit dans sa cabine. Il entend des pas pressés et des cris dans la coursive. Une patrouille frappe à sa porte. Les soldats sont inquiets car une Immonde a réussi à s’échapper de la salle de transformation. Elle se cache dans les méandres des ponts supérieurs. Colbert se recouche et se demandant ou se trouve cette salle de transformation et quelle est son utilité … En se rendormant, il se rappelle que ce qui l’a réveillé n’est pas le bruit des soldats mais un bruissement beaucoup plus proche. Son cœur s’affole. Il saute de son lit et soulève sa courtepointe : deux grands yeux l’observent. L’Immonde est là, à quelques centimètres de lui. Colbert a peur. Il ne connaît rien de ces êtres vils. L’Immonde le supplie de le cacher afin d’échapper aux soldats, aux matraques et à la mystérieuse chambre de transformation. Le jeune Col est abasourdi, en quelques secondes, il apprend que les Immondes semblent humains, qu’ils parlent et qu’ils sont sexués. Vêtue de haillons, Col devine que l’Immonde est une jeune femme de son âge ou presque. Elle est vive et athlétique. Ses grands yeux expressifs subjuguent Colbert qui reste planté aux pieds de son lit. La jeune femme en profite pour se cacher dans l’armoire en entendant les pas des soldats qui se rapprochent … Les 368 pages, de ce roman, contiennent tout un monde, toute une nation et toute une histoire. Le Worldshaker va dévoiler d’horribles secrets, une belle histoire d’amour, un mariage, une révolution. Ce bateau porte bien son nom même s’il est destiné à en changer pour devenir le Liberator. Les personnages de Colbert et Riff sont touchants, particulièrement Riff l’indomptable et la combattante hors-pair. Les personnages mineurs, la grande sœur Gillabeth et Antrobus le petit frère de Colbert se révèlent tout au long du récit. Le Mégalonef est personnifié, il semble vivre au rythme trépidant des révoltes et secrets de ses habitants. Ce roman est accompagné de plan et d’un descriptif détaillé du navire. Cette histoire en huis-clos rappelle l’album Golden City et Méto. Les conditions de vie des Larbins et des Immondes ne pourront qu’interroger le lecteur sur notre propre époque et l’actuelle situation mondiale. J’ai apprécié la réflexion sur la vie des femmes et l’inévitable cantonnement de ces dernières à des rôles de mère et d’épouse : la situation n’aurait-elle pas changé depuis 1845 ? Je félicite les éditions Hélium pour le design et la présentation graphique de cet excellent roman. Dès 11 ans pour les « gros » lecteurs.
J'aime
pas le lundi – J.Lambert/ill.S.Bravi – 112 p.
Ecole
des loisirs – 2010 – 8.50 €
AMOUR/ADOLESCENCE/ETRE SOI/SOLITUDE
Le cocktail littéraire de ce roman est imparable : jeune homme + adolescence + émois amoureux. Avec cette formule, vous pouvez tomber sur des romans insipides, monotones ou carrément barbants. « Je suis un adolescent, je suis en pleine crise existentielle, le collège ne m'intéresse pas mais les filles oui. Hélas je n'ai pas le mode d'emploi de la gent féminine et encore moins celui de la vie qui m'attend ». (Ces livres existent aussi en romans pour filles !). En général, ces romans me tombent des mains. Ils glissent le long de ma couette et je les retrouve quelques mois plus tard, croûtés de poussière, oubliés sous Sultan (oui mon matelas a un nom !). J'ai confiance dans l'école des loisirs, j'appréciais la couverture de Soledad Bravi alors je l'ai acheté ! J'avoue qu'il est resté quelques semaines dans ma PAL. Il a souvent changé de pile passant successivement de la « Pile A Lire tout de suite pour la chronique 7 » à la « Pile Après les Vacances » jusqu'à la pile « AntiDisettelittéraire » (en vrai mon lit est entouré d'une muraille de piles thématiques, certaines dorment bien avec Dora comme ange gardien !). En février, je me suis mélangé les pinceaux et ma commande n'était pas prête chez le libraire. Je suis rentrée ronchon et malheureuse comme les pierres. Ce soir là, j'ai attaqué la pile « AntiDisetteLittéraire ». J'aime pas le lundi était le premier. Cric, crac, dévoré en un soir ! J'ai adoré ce livre ! Je me suis régalée de chacune des pages. Il fait vraiment partie de mes gros coups de coeur de ce début d'année. Lucien a 13 ans. Il n'aime pas l'école. La vie est pour lui une suite de brutalités quotidiennes : le réveil, le petit-déjeuner, le collège, les cours et même les relations avec ses camarades. Il trouve que tout va trop vite pour lui. Lucien a besoin de temps pour digérer le monde qui l'entoure. Il a besoin de calme pour rester en équilibre. Le collège, ses rythmes et ses cavalcades sont des tortures En ce lundi matin triste et morne, puni en permanence, il tente de dresser une liste exhaustive de tout ce qui le dégoûte, le brusque et l'ennuie. Il n'aime pas ses camarades de classe. Il n'aime pas les profs. Il n'aime pas la littérature classique. Il n'aime pas la télé. Il n'aime pas saigner du nez. Il n'aime pas mais pas du tout les endives au jambon ...Au bout de quelques minutes, sa listographie du j'aime pas est très longue. Ce brainstorming occupe tellement ses méninges qu'il ne fait pas attention aux autres élèves dans le couloir. Pris dans une bousculade, il est propulsé sur Fatou, une jeune fille du collège. Une jeune fille, non, la jeune fille du collège. La star, la fille influente ! La rencontre est explosive et Lucien n'est pas prêt de s'en remettre ! Ce roman est un beau récit d'adolescence. L'écriture est fluide. Le rythme resserré incite à une lecture rapide mais néanmoins riche et féconde. Les thèmes de l'adolescence, de l'altérité, de l'amour sont menés sans facilité mais avec talent. La lucidité de Lucien sur son comportement lymphatique et détestable est désopilant. A cet âge du «j'ai 1240 amis », Lucien a un seul et unique ami : Croûton, son ami d'enfance. Vous imaginez bien qu'avec un surnom comme celui-là, le personnage vaut le détour. De sa rencontre avec Fatou, qui est son opposé en tout, Lucien va grandir et s'ouvrir au monde. Il va découvrir que la vie peut offrir de beaux moments quand on sort un peu de sa coquille. Ce roman permet d'aborder l'amour sous de nombreuses formes. Tout d'abord l'amour naissant de Lucien, son lien d'amitié avec Basile (Croûton), son regard sur l'amour au long cours de ses parents (sic !), l'amour qu'il porte à sa grand-mère extravagante et enfin les liens familiaux intenses qu'ils découvrent au domicile de Fatou. Lucien est même attaché à une icône : le portrait d'une peintre méconnue du XVIIIème qui orne la sinistre entrée du collège qui porte son nom. J'accorde une mention spéciale à l'idée de génie développée dans ce roman : l'Education nationale devrait passer un accord avec les fabricants de céréales afin que les emballages affichent les classiques littéraires en épisode. C'est vrai, je le remarque avec mes enfants : au lever, les yeux des enfants scotchent systématiquement sur les indications des produits du petit déjeuner. Ils me lisent quotidiennement et à tour de rôle les mentions et les jeux Crococrip's ou les vertus du jus d'orange le matin. Lucien a raison ! Le matin, les estomacs et les cerveaux ont faim ! Ce roman est du bonheur en page. Il est à partager en famille sans modération à partir de 12 ans. Maudit mardi est attendu avec impatience par GrandGrand et moi, il va y avoir du fight !
Les enfants de la forêt – B.Masini – 248 p.
La Joie de Lire – 2012 – 15.50 €
BOMBE ATOMIQUE/SURVIVANT/QUETE/REBELLION/PHILOSOPHIE/MORT/ VIE EN GROUPE
J’ai choisi ce livre sur le stand de La Joie de Lire au Salon du livre jeunesse de Montreuil. Cette maison d’édition qui m’est chère a été un des premiers lieux où je me suis rendue le 3 décembre. Ce livre a tout de suite attiré mon attention. Je l’ai parcouru. J’ai lu la quatrième de couverture. J’ai noté qu’Hervé Tullet était l’illustrateur. Je l’ai reposé. Je m’étais promis de n’acheter aucun ouvrage avant 15h. Ayant un budget limité, je savais que je devais faire des choix, dégager des priorités, évaluer le potentiel de chaque livre … A 15h01, ce livre était dans mon sac. Je ne regrette pas mon choix. Ce roman est d’une grande qualité littéraire. Le suspens est élaboré avec subtilité. L’imagination se déploie à chaque ligne et le lecteur ne peut s’empêcher de projeter ses peurs et ses angoisses afin de savoir ce qui va advenir. Au-delà de la mort, Bruno Bettelheim et Vladimir Propp doivent applaudir devant ce détournement des contes célèbres. Dans ce récit post-apocalyptique, l’importance du livre, de l’histoire racontée et le sens profond des contes traditionnels est la clef de voûte de cette aventure extraordinaire. Après l’explosion d’une bombe atomique, la Terre est dévastée. Les survivants vivent sur des planètes colonisées. Des Asternefs permettent des liaisons entre les différentes bases. Pilotés par des Pionniers, les Asternefs rassemblent une population de contrebandiers qui ravitaillent les bases en ferraille, nourriture et restes en tout genre d’une civilisation éteinte. Suite à l’explosion, de nombreux orphelins ont été retrouvés. Les adultes sont trop peu nombreux pour prendre soin d’eux. L’intendant Mac Kamp a été chargé de construire une base pour accueillir les survivants qui errent dans les décombres. Peu habitué aux enfants et ne s’intéressant nullement à eux, son équipe et lui numérotent, comptent et enferment les enfants dans un immense no man’s land où des abris de fortune sont dressés en cercle. Les quelques gardiens sont terrés dans leur propre abri coupé du camp des enfants. Leur travail consiste à surveiller les enfants par télésurveillance. Chaque jour, une longue sonnerie retentit afin de regrouper les enfants pour la distribution du Médicament. Il médicament endort et abrutit les enfants (le Tramadol résiste peut-être aux radiations !). Complètement drogués, ils perdent peu à peu leurs repères et leurs habitudes. Ils oublient qui ils sont et d’où ils viennent. Les enfants sont classés en deux catégories. Tout d’abord, les Surgeons, véritables survivants à l’explosion atomique. Ces enfants de tout âge ont souvent des troubles dus à leur exposition aux radiations : ils sont en détresse psychique mais aussi malades ou ravagés par des maladies de peaux. Les autres enfants sont les Surgeons. Ils sont des stocks embryonnaires crées en laboratoire en prévision de la Grande Menace. L’explosion a détruit les laboratoires et les couveuses ont déclenché le maternage des embryons. A la Base de Mac Kamp, des milliers d’enfants survivent sans soins, sans éducation, sans conseils et sans amour. Ils sont regroupés en petit clan, les Grumes. Chaque grume a un chef-enfant qui doit sa place de leader à la force de ses poings, à la vivacité de ses coups et à la rapidité de ses jambes. Chaque grume complote pour survivre quelques jours de plus. Au Grume Treize, Hana est le chef. Elle mène sa tribu avec autorité et les coups pleuvent souvent. Glor, Dudu, Tom, Ninne, ZéroSept, Cranach et Orla survivent sous ses ordres. Tom est l’enfant le plus secret du groupe. Il évite tout contact avec les autres enfants. C’est un surgeon. Des réminiscences émotionnelles lui reviennent parfois en mémoire. Ces souvenirs appelés Tessons le perturbent car il ne retrouve pas d’équivalent dans sa vie actuelle. Il devine que le médicament distribué annihile ses souvenirs. Il décide alors de ne plus avaler le comprimé du soir. A la sonnerie, il le glisse dans sa bouche pour le recracher sous son lit. Afin de trouver un peu de tranquillité, il se réfugie souvent dans la forêt qui jouxte leur campement. Cette forêt effraie tous les survivants. Elle cacherait des monstres, des loups. Tous les enfants qui s’y sont aventurés ont disparu. Malgré ses peurs et les légendes entendues, Tom explore, repère et s’éloigne peu à peu du campement. Un jour, Tom découvre une valise contenant un livre. Cet ouvrage est un livre de contes. Page, après page, ligne après ligne, Tom lit. Il devine alors qu’il a appris à lire lorsqu’il était plus petit. Il se souvient qu’une voix douce lui racontait cette histoire du Petit Chaperon rouge. Il se souvient aussi d’un sourire qui lui était destiné. Tom se réapproprie son passé. Il revient à la vie. Libéré des sédatifs, stimulé par les histoires du livre, Tom décide de s’enfuir en se réfugiant dans la forêt. Hana veille et le surveille. Elle devine ses intentions et la nuit du départ, tous les enfants de la Grume 13 partent avec lui …En relisant ma présentation, je me rends compte que sa lecture peut rendre ce livre effrayant et complètement angoissant. Pourtant la fuite dans la forêt est une quête initiatique plein de sens et d’humanité. Les petits survivants vont devenir des enfants. Ils sauront trouver en eux et entre eux, les liens et la foi nécessaire pour s’élever au-dessus des adultes qui décident pourtant de leurs sorts. Tom devient le chef d’un clan soudé. Les histoires du livre de Tom sont un rituel d’éveil philosophique. Ce recueil de conte devient un livre sacré. Les survivants vont (ré)apprendre à être et à vivre ensemble en s’inspirant des contes. Le thème du clan d’enfants livrés à eux-mêmes est ici complètement renouvelé. Je pense notamment à la survivante, sa Majesté des mouches, sa Majesté des Clones, Deux ans de vacances …Cela peut paraître de l’ordre du détail mais je tiens à vous signaler que ce livre est un bijou à tenir en main. Le papier épais est un délice. La pliure et l’équilibre général de l’objet sont parfaits. Je conseille ce roman aux lecteurs confirmés dès 12 ans.
Le pouvoir des Cinq, tome 1 : Raven’s gate – A.Horowitz – 332 p.
Hachette – 2012 – 10.35 €
SORCELLERIE/MAGIE/POUVOIR SURNATUREL/ELU/QUETE/AMITIE
Matthew Freeman est un jeune homme qui sombre dans la délinquance. Vols, recels et manigances occupent ses journées. Cela fait bien longtemps qu’il ne suit plus les cours de son établissement scolaire. Il traîne, il zone dans la banlieue d’Ipswich avec des copains peu fréquentables et particulièrement avec Kelvin, le rebelle. Kelvin lui a proposé un coup d’enfer, un braquage inratable : ils ont rendez-vous pour vider un hangar de stockage de matériels high-tech. Matt sait que ce vol est plus grave que les petites entourloupes habituelles. Il sait qu’il va commettre un délit condamnable mais il se laisse entraîner par Kelvin. Comme le laissait présager ses appréhensions, Matt et Kelvin sont surpris par un gardien. Affolé Kelvin le poignarde et s’enfuit. Matt est arrêté quelques minutes plus tard. Mineur, il est convoqué par un juge pour enfants. Madame le Juge décide de lui offrir une dernière chance : le programme L.E.F.A. Liberté et Education en Famille d’Accueil. Matt va être envoyé chez Jayne Deverill à Leser Malling. Il devra aider aux travaux de la ferme en échange d’un toit, d’un environnement familial et d’un cadre sécurisant. Leur rencontre se déroule sous les yeux de la Tante de Matt : Gwenda qui est soulagée de voir son « horrible neveu » sortir de sa vie. Quelques années auparavant, Matt a perdu ses parents dans un accident de voiture et Tante Gwenda a hérité de ce fardeau qu’elle et son mari ont bien des difficultés à supporter. La nuit précédant l’accident, Matt avait rêvé de la mort de ses parents. Il savait que la voiture allait tomber d’un pont et sombrer au plus profond d’un fleuve. Prétextant une migraine, il était resté sous la surveillance de Mme Green, la voisine. Son père, médecin et cartésien, ne supportait pas que Matthew raconte ses rêves étrangement prémonitoires. Dès son plus jeune âge, il avait appris à taire ses appréhensions et ses pressentiments. Aujourd’hui encore, pas une journée ne se passe sans qu’il ne ressente l’horrible poids de la culpabilité. Dans le bus les menant au plus profond de la campagne anglaise, Matt et Mme Deverill font connaissance. Mme Deverill rappelle à Matt qu’il devra travailler et obéir à la ferme sous peine de sanctions. Cette ferme est une ancienne bâtisse enfouie à des kilomètres de toute civilisation, une immense forêt de pins emprisonne tout le domaine. Mme Deverill est veuve. Elle vit avec un chat aux yeux perçants dont le regard semble deviner les moindres pensées de Matt. Pas de connexion internet, pas de télévision, pas de livres … Matt se sent perdu. Rapidement Mme Deverill coince Matt dans un rythme épuisant. Il est abruti par le travail. Sa seule visite au village s’est soldée par la rencontre avec des villageois bien étranges : un pharmacien resté à l’époque des fioles et des poudres de perlinpimpim, des enfants qui prennent plaisir à égorger les canards et d’une femme qui pousse un landau contenant une poupée de chiffons. D’affreux cauchemars l’obsèdent. Comme dans son enfance, Matt est envahi par des intuitions et des présages. Une nuit, il est réveillé par des chuchotements, des bruits et des lumières étranges à l’orée de la forêt bordant la ferme. Malgré une fatigue lancinante, Matt se concentre sur les chuchotements, il entend des voix, de nombreuses voix qui s’accordent pour incanter, pour psalmodier … Matt est terrifié et décide de s’enfuir …Malheureusement, il va être confronté à de nombreux périls. Seul, il devra découvrir le secret de Mme Deverill et des habitants du village. Après bien des dangers, Matt trouvera le soutien d’un journaliste Richard Cole et d’un groupe de puissants stratèges NEXUS. Il apprendra qu’il est l’un des Cinq gardiens … Quatre garçons et une fille aux pouvoirs immenses pour protéger le monde, des Ténèbres ! Je ne sais pas comment Anthony Horowitz réussit l’exploit d’écrire un récit si riche et si dense en si peu de pages ! Ce résumé ne présente que les grandes lignes de ce roman intense. Tous les ingrédients sont réunis, l’enfant élu, orphelin doté de pouvoirs extra sensoriels, les forces du mal, la quête, l’errance, les dangers … La lecture offre un suspens soutenu. Le style fluide entraîne le lecteur au cœur des actions et des aventures. Le personnage de Matt est un héros au caractère complexe et profond. Une scène d’anthologie au Muséum d’histoire naturelle de Londres est à déguster aux heures lumineuses de la journée pour la digérer avant la nuit ! Cette série comporte 5 tomes pour l’instant. GrandGrand m’épuise pour acheter rapidement tous les volumes. La porte des Ténèbres vous attend ! Dès 13 ans pour les lecteurs n’ont plus peur du noir et de la nuit !
Les revenants : le sort d’éternité – J.Molla – 279 p.
Rageot – 2006 – 15 €
MAGIE/FRERE/SORCELLERIE/GILLES DE RAIS/MORT/DEMON
Nicolas et Quentin sont deux frères qui viennent de perdre leur père dans un accident de la route. Terrassés par ce deuil, ils suivent leur mère, Jeanne, à Comberoumale, citadelle médiévale, afin de passer quelques semaines loin de Paris. Elle souhaite d’ailleurs s’établir à Périgueux car Paris lui rappelle trop son mari disparu. Jeanne espère que ces vacances et le déménagement imminent vont renouer les liens familiaux entre ses fils. Malheureusement, la tristesse et le désespoir des garçons les éloignent l’un de l’autre. Nicolas, l’aîné, s’est replié sur lui-même. Il souhaite vivre son deuil en silence et en recueillement. Nicolas, quant à lui, se rapproche de sa mère pour la soutenir et former ainsi un bloc d’amour contre le malheur et l’affliction. Une fois le contenu des valises rangées, Nicolas et Quentin visitent la vieille demeure prêtée par un cousin éloigné. La bibliothèque octogonale offre de merveilleux grimoires à découvrir et des manuscrits très anciens à déchiffrer. Quentin est très attiré par ces ouvrages car il est passionné de magie, de dragons et de rois-démons. Nicolas est plutôt préoccupé par sa connexion internet et la faible qualité de la bande passante. En véritable geek, il ne peut envisager de vivre sans avoir un œil sur le web. Lors de leur exploration, les adolescents vont découvrir une cave voûtée surprenante. Le sol est couvert de pavés qui représentent des animaux légendaires. De forme octogonale, ces carreaux encerclent un pavé dont la surface est gravée d’un visage terrifiant. Nicolas s’accroupit pour observer la gravure qui lui rappelle quelque chose ou peut-être est-ce la voix dans sa tête qui l’envoûte. En passant son doigt sur l’horrible visage, il se coupe et son sang se répand sur la dalle ….Une véritable machination démoniaque est alors en marche ! Quentin découvrira que dans cette demeure médiévale a abrité un sorcier très puissant Jacques Guernière au Moyen-Age. Accusé de sorcellerie, cet homme respecté de tous est mort brûlé devant toute la ville de Comberoumale. A son arrivée, Quentin trouvera des amis valeureux mais d’un autre âge. Dans la tourmente des évènements, il se révèlera alors aux yeux de tous comme un homme et comme un grand sorcier. Avec les Revenants, Jean Molla ne faillit pas à sa réputation de grand auteur de littérature jeunesse. Le récit est captivant. Effectivement, deux histoires sont liées : le récit de Quentin et Nicolas de nos jours et le récit de Jacques Guernière au Moyen-Age. Construit sur une alternance par chapitre, je suis restée en suspens jusqu’à la dernière page. Très bien construit, ce roman aborde des thèmes un peu effrayants : magie noire, alchimie, sorcellerie. L’histoire de Jacques Guernière croisera les heures sombres de l’Histoire comme son combat contre Gilles de Rais. Les relations entre Quentin et Nicolas sont profondes et laissent imaginer que les rapports entre frères ne sont pas toujours simples. Je conseille cet excellent roman aux jeunes gens dès 14 ans ou plus jeunes s’ils se sentent capables de dormir après avoir passé quelques heures avec Celui-qui-veille depuis la nuit des temps …
Cet ouvrage est le premier tome d’une série de quatre romans.
14 ANS ET PLUS
A
copier 100 fois – A.Dole – 56 p.
Sarbacane – 2012 –
5.80 €
ESTIME DE SOI/HOMOPHOBIE/HOMOSEXUALITE/RELATION PERE-FILS
Le seul défaut de ce très court roman, c'est que le héros n'a pas de nom ! Je comprends bien l'effet recherché de d’identification : n'être personne, c'est être tout le monde mais qu'il est difficile de présenter un héros sans nom. Il a 13 ans. Il est le souffre-douleur d'une bande de gros bras du collège. Chaque jour, il subit leurs humiliations et leurs coups. Il a beau essayer de se fondre dans le décor, de se réfugier dans les couloirs, Vincent, Laurent ou Julien le retrouvent toujours pour lui faire mordre la poussière. Battu depuis des mois, notre jeune héros s'habitue aux coups, son corps et son mental s'endurcissent. Il sait qu'il faut juste serrer les dents et attendre que le mauvais moment passe. Il se répète les conseils de son père mais il n'arrive pas à s'imposer. Il s'écrase. Il est incapable de riposter. Malgré les humiliations de ses camarades-tortionnaires, il souffre surtout du comportement de son père dont il attend soutien et protection. Veuf depuis quelques années, ce père, taciturne, n'arrive pas à communiquer avec son fils. Il a honte de lui. Il ne le reconnaît pas comme sien. Son fils est différent. Il sait qu’il est homosexuel mais il n'arrive pas à surmonter la honte qu'il ressent. Il pense que son fils doit s'endurcir pour rentrer dans le monde des hommes. Il essaie de lui inculquer les usages de la virilité. Cet homme un peu rigide tente d'insuffler à son fils les ficelles de la loi du Talion. Il croit que son fils changera ...qu'il sera comme lui un jour. Ce couple père-fils est dans une impasse relationnelle. Ils ne communiquent plus, ils s'évitent. Après une semaine particulièrement éprouvante, le jeune héros essuie une nouvelle volée de coups. Malgré le soutien de sa meilleure amie Sarah, il rentre chez lui effondré. Sa détresse est intense. Il faut qu'il exprime ce qu'il a sur le coeur et dans le ventre. Il est à bout et son père va devoir le regarder en face et admettre la vérité. Ce roman se lit d'une traite. J'ai eu peur pendant 56 pages. Une lecture en apnée qui laisse une trace indélébile. On ressent une telle détresse à la lecture des pensées du héros que j'avais les larmes aux yeux. Ce jeune homme attend juste que son père le reconnaisse comme son fils malgré sa différence, son orientation, ce qui fait qu'il est lui ! Il a raison quand il dit que « le monde cogne, le monde heurte, c'est celui dont on avait peur la nuit quand on était petits. Quand ma mère me disait que les monstres n'existaient pas, que fallait pas avoir peu, c'était pas vrai Sarah. Ces montres-là, ils existent, moi j'en ai rencontré. On s'y fait et c'est le pire, on s'habitue à tout. ». Dans ce roman, Antoine Dole aborde des thèmes difficiles et délicats avec force et talent. Prenez votre souffle avant car ce roman secoue !
24 heures d’éternité – H.Ben Kemoun – 111 p.
Editions Thierry Magnier – 2006 – 7.70 €
PRISON/FAMILLE/ARGENT/FUGUE
Valentin, lycéen, est enfin en vacances. De longues semaines de repos bien méritées s’annoncent … Malheureusement, ses parents ont décidé de partir seuls en Italie. Il devra camper avec son oncle, Jacky, sa tante Monique et ses cousins Kenny et Priscillia au Pays basque. Valentin vit un enfer quotidien. Priscillia le poursuit d’un long et pressant désir. Kenny, son compagnon d’enfance, le délaisse afin de parfaire sa connaissance de l’Europe avec une jeune bruxelloise, Selma. Jacky et Priscilla sont passionnés par la pétanque, le pastis et les soirées à thème du camping. Valentin compte chaque jour et chaque heure qui le sépare de Nantes et surtout de Caroline, sa petite amie. Après ces deux semaines de calvaire familial, le chemin du retour est une libération pour lui. Assis dans le monospace, Valentin découvre que son oncle et sa tante ont décidé de prolonger les vacances de quelques jours dans le Puy-de-Dôme. Une semaine supplémentaire ! C’en est trop, Valentin profite d’une halte à la station service pour s’enfuir de cette promiscuité qui l’étouffe, de ses jours de vacances gâchées. Il prend son sac et il part en stop rejoindre Caroline. Si Valentin a attendu quinze jours pour être libéré du joug familial, Zacharie a attendu cinq ans, un mois et douze jours pour être libéré de prison. Arrêté pour vol, il pense avoir payé sa dette. Il rêve de voyage et de plages ensoleillées. Il doit juste récupérer son magot caché près de Nantes avant de prendre l’avion et de disparaître à jamais. Il sait qu’il doit être vigilant car ses anciens acolytes doivent le chercher pour connaître l’emplacement du butin, un million et demi d’euros en coupures neuves. Zacharie et Valentin vont se croiser et ils n’oublieront jamais leur rencontre … J’ai lu ce roman d’une traite sans prendre ma respiration. Le rythme est soutenu. La tension monte tout au long du récit. Hubert Ben Kemoun m’a une fois de plus kidnappée par son écriture précise et son style acéré. Les personnages sont fascinants. La situation finale est intense et laisse le lecteur essoufflé. Un très bon roman que je conseille à tous les jeunes gens dès 14 ans.
Pieds nus dans la nuit – M.Jarry – 161 p.
Thierry Magnier – 2012 – 8.55 €
ADOLESCENCE/ANOREXIE/AMOUR/AMITIE/ART PLASTIQUE/DEPRESSION
L'auteur Marjolaine Jarry m'a envoyé son roman il y a quelques semaines. J'ai été touchée qu'elle me témoigne sa confiance et son intérêt par cet envoi.
En le lisant, j'ai pensé à la citation de Romain Rolland « On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres, soit pour se découvrir, soit pour se contrôler ». J'y ajouterai « soit pour se souvenir ». En lisant ce roman, j'ai été emmenée à revivre ma propre adolescence. Les amitiés extraordinaires qui s'étiolent, les relations amoureuses complexes, les liens familiaux qui se délitent et surtout l'horrible sensation d'être ce que je ne voulais pas ou d'échouer à devenir celle que j'aurais voulu être. Louise, jeune lycéenne, vit entourée de ses meilleurs amis : Baptiste, Claire et Tom. Ce quatuor s'organise en deux couples inséparables depuis leur entrée au collège. Ils imaginent leurs vies futures pleines de promesses, de talents et de réussite communes. Malheureusement au fil des mois, Claire maigrit, maigrit tellement qu'elle est hospitalisée dans une clinique spécialisée dans les soins pour les jeunes souffrant d'anorexie. Louise ne comprend pas pourquoi Claire est malade. Elle se demande si elle ne lui aurait pas caché des traumatismes de l'enfance. Elle ne comprend pas que Claire ne lui ait pas demandé à l'aide. Elles sont les meilleures amies du monde, rien ne peut les séparer. Malheureusement la maladie de Claire va l'entraîner dans des contrées si lointaines que même les mains tendues de Louise ne pourront l'en extirper. Les mois filent. Tom et Baptiste semblent faire face à l'absence de la belle Claire mais Louise, plonge, elle dans un désarroi qui la coupe de toute relation. Elle va au bout de sa tristesse et de sa colère. Louise se ferme aux autres. Elle tourne le dos à la vie qui l'attend. Elle ne veut pas, elle ne peut pas se projeter vers cet avenir si incertain … Elle comprend que grandir exige des sacrifices. Sur l'autel de la vie adulte, il faut parfois se délester de ses idéaux Dans l'obscurité de sa tristesse, Louise apercevra aussi quelques lueurs de soutien, des liens tenaces qui lui permettront de s'apaiser et d'envisager son avenir. Ce roman est une plongée en adolescence. Ce territoire sans carte et sans balise est parfois difficile à traverser. On apprend à s'armer et à « se chausser » pour se protéger. Le récit délicat et juste permet d'aborder des thèmes difficiles sans s'apitoyer. La fin du récit est particulièrement réussie toute en demi-teinte et en espoir. Louise est un personnage dont je me souviendrai longtemps. J'ai réellement ressenti de l'empathie pour cette jeune fille qui deviendra une femme lumineuse, j'en suis certaine. Dès 15 ans.
Mauvaise
graine – O.Charpentier – 144 p.
Gallimard jeunesse –
2010 – 7.50 €
ADOLESCENCE/FILIATION/MALADIE/FAMILLE/AMITIE
Jeremy est un jeune garçon sans histoire. Il vit à la campagne entouré par une famille aimante. Sa mère est couturière et son père est ouvrier. Sa grande soeur Elisabeth est une jeune étudiante brillante qui prépare les plus hauts concours administratifs à Paris. Depuis quelques mois, Jeremy se rend compte qu'il ne sait pas ce qu'il attend de la vie et que celle-ci le lui rend bien … Il n'a aucun talent particulier, il n'est pas bon élève, il est petit, il n'est pas beau, il n'est pas curieux, il n'est pas enthousiaste. En un mot, Jérémy traverse une phase difficile de l'adolescence. Depuis tout petit, il est jaloux de sa soeur si douée et si studieuse. Il a honte de sa mère qui a un léger accent quand elle parle. Cette femme issue de l'immigration s'est pourtant parfaitement adaptée et intégrée dans leur petit village. Il ne supporte plus les manières de son père qu'il juge grossières. Son père parle fort, mange beaucoup et se permet quelque fois des blagues un peu rustres. Jérémy les déteste et se déteste. Il ne veut plus de cette petite vie qu’il juge minable. Heureusement il peut compter sur ses amis d'enfance Raphaël, Léopoldine et Sarah, pour dépasser son dégoût, de la vie qu'il a eu, de la vie qu'il mène et de cet avenir qui l'attend ! Complètement égocentré, Jérémy se rend quand même compte que quelque chose cloche lors du repas de Noël. Sa soeur n'arrête pas de parler tout en grattant des plaques d'eczéma dissimulées sous ses cheveux, sa mère est muette mais ses yeux sont remplis de larmes et son père mange avec tellement d'appétit et de voracité que Jérémy se demande si ce n'est pas son dernier repas. Il ne croit pas si bien dire ! A quelques jours de la nouvelle année, Jérémy va devoir trouver la force d'affronter de terribles réalités. En grandissant, Jérémy réalisera qu'il est le seul capable d'impulser un sens à sa vie. Il quitte le monde de l'enfance pour devenir quelqu'un de bien malgré toute la mésestime qu'il a de lui. Ce héros, en demi-teinte, permet de s'identifier à un adolescent banal mais néanmoins épatant. Il n'a pas de supers-pouvoirs, il n'est pas destiné à réussir une quête pourtant on sait qu'il va devenir un homme bien et épanoui comme son père. Le personnage du père m'a noué la gorge. Il représente tant de dignité et de force qu'il est impossible de ne pas batailler avec lui. J'ai vraiment apprécié les liens parfois silencieux qui unissent cette famille. Contre vents et marées, chacun reste digne et droit tout en épaulant les autres membres du clan. Les personnages secondaires sont aussi très aboutis comme Mme Branchu que je me représente très bien grâce à des descriptions qui touchent. Les dialogues sont subtils. L'écriture est fine et délicate. Les métaphores sont inventives. Un rythme est installé grâce à de belles phrases suggestives qui nous permettent de suivre la maturation de Jérémy. Des jeux de mots, des clins d’œil ingénieux jalonnent ce beau roman (le thème du noyer particulièrement). Ce livre est à insérer dans toutes les PAL (piles à lire) des jeunes. L'adolescence est au coeur de l'histoire. Toutes les embûches de ce territoire inconnu sont abordées : le manque d'estime de soi, les difficultés de communication, la délicate filiation, les cours, les aléas de la vie amoureuse et des premières fois. Dès 14 ans.
Ouvrages « PourlesGrandes » et pour les Enfants sages !
Le Viandier de Polpette : l’ail des ours – O.Milhaud/J.Neel – 144 p.
Gallimard jeunesse – 2011 – 17.35 €
Dans un passé pas si lointain et un peu imaginaire, Polpette range ses casseroles et ses fouets car la guerre est finie ! Effectivement Polpette est cuisinier des armées. Fini les campagnes et les cuisines itinérantes, Polpette doit se fixer et commencer sa vie. Malheureusement ses diverses tentatives professionnelles échouent. Il ne sera ni aubergiste, ni herboriste, ni traiteur. Le hasard le conduit à l’auberge du Coq vert. Cette auberge, nichée au pied d’une falaise, loin de la ville, est une pension de famille où se croisent des individus hauts en couleur. Le Coq Vert ressemble à une « auberge espagnole »! Réhabilité par le Comte Fausto de Scaramanda, cet hôtel vraiment particulier abrite des personnalités tantôt mystérieuses tantôt familières. De tous âge, de toutes origines, nous ne connaissons pas leur passé mais il semble qu’ils aient trouvé en ce lieu la paix et l’harmonie. Avec l’accord du Comte Fausto, complètement farfelu, un peu Peter Pan, très adulescent, Polpette est devenu le cuisinier en chef de ce clan. Malheureusement même au cœur de la forêt, la guerre gronde et le Comte Eulpêtre de la Scaramanda se souvient de son fils Fausto. Le refuge du Coq Vert va être emporté dans la tourmente avec ses habitants. Les personnages sont truculents. Polpette est un homme auquel on s’attache en quelques pages et quelques dialogues. Ces derniers sont d’ailleurs très réussis. Les illustrations de Julien Neel sont reconnaissables (La série Lou). Sa construction des vignettes, ses effets visuels de zoom, ses découpages rythment cette bande dessinée. Innovant, cet album offre aussi des recettes de cuisine présentées au cœur même du récit visuel. Glissé derrière l’épaule de Polpette, le lecteur est invité à entrer au cœur de cette auberge dont j’aimerais bien connaître l’adresse exacte !
Soie
– A.Baricco / R.Dautremer – 216 p.
Tishina – 2012 –
25.65 €
Vous connaissez mon attachement à cette talentueuse illustratrice, Rebecca Dautremer. Régulièrement, je visite son site internet pour découvrir en avant-première ses croquis et ses publications. Il y a quelques mois, elle présentait son nouveau projet pour l'automne 2012, une adaptation graphique du célèbre roman d’Alessandro Baricco, Soie. Le Père Noël, dans son omniscience, me l'a apporté au pied du sapin. Quel bonheur ! J'ai dégusté ce roman en quelques heures, doucement. Chaque chapitre est un délice, ce court roman transporte le lecteur aux portes du rêve. En 1861, Hervé Joncour a 32 ans. Il vit avec sa femme Hélène, à Lavilledieu, petite bourgade du Sud de la France. Monsieur Joncour avait un métier original pour l'époque. Il achetait et vendait des vers à soie. Chaque année, la vie monotone et sans surprise du couple Joncour est bousculée par le départ pour quelques semaines d'Hervé de l'autre côté de la Méditerranée, en Syrie ou en Egypte. Malgré les milliers de kilomètres de voyage, il revenait pour la grande Messe de Pâques. Hervé et sa femme vivaient selon un rythme immuable. Ils se laissaient porter par la langueur d'une douce vie provinciale sans heurts et sans surprise. A cette époque, tous les sériciculteurs sont touchés par la pébrine. Cette maladie entraîne de gros dégâts dans les élevages. Tout le village de Lavilledieu s'inquiète. La faillite frappe aux portes des habitants. Sur les conseils de son ami Baldabiou, homme aussi mystérieux qu'excentrique, Hervé Joncour décide de rejoindre le Japon afin d'acheter des vers sains. Les habitants s'inquiètent car au Japon, la vente des vers à soie est interdite. Seul, Hervé Joncour traverse la France, la Bavière, l'Autriche et toute l'Europe jusqu'à Kiev. Délaissant le train, il parcourt à cheval 2000 kilomètres de steppe russe puis embarque pour 40 jours sur un bateau pour rejoindre la côte ouest du Japon. A pied, en empruntant des chemins de traverse, il arrivera enfin à destination dans un village reculé ou le Seigneur Hara Keï lui fera l'honneur de le recevoir, de l'écouter et surtout de lui vendre des cocons sains. Lors de leur entretien dans le palais du Seigneur, Hervé Joncour rencontrera la maîtresse d'Hara Keï. En un regard, cette jeune femme va envoûter le négociant. Il sera happé par son regard intense. En quelques minutes mais pour toute sa vie, Hervé Joncour sera obsédé par cette femme occidentale appartenant au plus grand contrebandier japonais. Cette fascination l'entraînera là ou sa propre vie ne l'avait jamais mené. Devenu un amant fougueux et un homme courageux, il s’appuiera sur cette relation fantasmée pour donner un sens à sa vie. Ce court roman contemporain ressemble à un conte. La frontière entre le réel et le fantasme est trouble. Il faut se laisser porter par l'évocation des images et des sentiments. Les répétitions en début du périple d'Hervé Joncour ponctue et ritualise l'histoire dans la foi d'un éternel recommencement. L'exotisme de ce Japon du XIXème siècle est très dépaysant. Les moeurs orientales sont détaillées avec précision tout comme la vie bourgeoise française de cette deuxième partie du XIXème. Soie est un roman original qui incite au voyage et à la réflexion sur la notion de destin. Vous vous doutez que je ne suis pas restée insensible aux splendides illustrations de Rebecca Dautremer. Ce roman illustré révèle tout son talent et toute l’expertise de son art. Aquarelle, montage photographique, collage, esquisse, les techniques sont nombreuses et permettent au lecteur de voyager au creux du livre. Ce voyage dans le temps, dans l'espace et au sein de la psychologie humaine permet d'arrêter le temps quelques heures et de savourer chaque instant de désir d'Hervé Joncour. Le lecteur retrouvera le trait japonisant de l'illustratrice, tout comme son génie à associer les roses, les rouges, les violets et les pourpres des robes de princesses ou de prostituées. Des innovations graphiques sont à découvrir comme des récits sous format bande dessinée ou une Sainte Agnès armée. Rébecca Dautremer a parfois choisi de « coller » au roman alors que parfois elle s'en affranchit en libérant son inspiration et nous révélant des dessins drôles, oniriques ou érotiques. Ce livre est à lire puis à regarder, ou bien à regarder puis à lire ou bien si vous êtes très fortes à lire et à regarder ensemble dans un mariage réussi d'art et de littérature. Je n'ai pas pu filmer ma rencontre avec Rébecca Dautremer le 12 décembre 2012 mais cette vidéo montre bien qu'elle est une artiste accomplie et une femme à rencontrer. Dès 16 ans.
Rosalie
Blum, tome 1 : Une impression de déjà-vu – C.Jourdy –
128 p.
Actes Sud – 2007 – 17.50 €
Cette bande dessinée est le premier tome d'une trilogie. Elle fait partie de mon nécessaire de survie lorsque j'arrive dans un établissement. Elle est un repère dans les sélections pour mes élèves et mes collègues. Vincent a 30 ans. Il mène une vie simple et monotone. Son appartement est situé sous celui de sa mère, veuve qui l'appelle plusieurs fois par jour. Elle est envahissante et un brin tyrannique avec son fils unique. Il a hérité du salon de coiffure de son père qui est à quelques mètres de son appartement. Depuis le départ en stage à Paris de sa petite amie Marianne, Vincent se sent seul et la dictature maternelle lui pèse. A la recherche d'une épicerie ouverte le dimanche, il sort de ses repères habituels pour faire les emplettes demandées par sa mère. A la superette, Vincent est surpris car il se rend compte qu'il connait l'épicière. Malheureusement à part cette impression de déjà-vu, Vincent ne remet pas du tout cette femme. Il ne se souvient même pas de son prénom … Elle va obséder ses pensées, ses rêves. Le hasard lui permet de la croiser le samedi suivant lors d'une balade en ville. Sans réfléchir, instinctivement, Vincent va la suivre. Il ne s'explique pas cette soudaine attirance vers elle. Sa filature lui permet de raccompagner discrètement la mystérieuse épicière qui habite à l'extérieur de la ville. Rosalie Blum est le nom inscrit sur la boîte aux lettres. Ce nom tourne sans fin dans la tête de Vincent. Il sait qu'il a déjà entendu ce nom, vu son visage mais aucun souvenir ne revient à la surface. Intrigué, Vincent prend l'habitude de suivre cette femme quotidiennement. Il récupère ses poubelles afin de découvrir qui elle est … Vous vous doutez qu'ils vont finir par se rencontrer mais vous ne vous doutez certainement pas de la tournure que va prendre cette histoire ...Cette bande dessinée est un régal. De nombreuses émotions nous traversent pendant la lecture de cette trilogie. Tout d'abord, le rire qui est surtout porté par les personnages secondaires. La mère de Vincent, Simone et son cousin, Laurent, sont truculents et complètement déjantés, Koloc, le pêcheur de crocodile est aussi un secondaire à découvrir absolument. La mélancolie et la tristesse sont aussi des sentiments présents dans cet album. Le héros, Vincent est émouvant La monotonie de sa vie lui pèse mais son incapacité à changer le cours de son destin invite le lecteur à ressentir de l'empathie pour lui et peut-être même à poser un regard critique sur sa propre vie ...Les scènes de vie quotidienne et les chassés-croisés sont très réussis. Le lecteur est entraîné dans ce maëlstrom des rencontres improbables, des rendez-vous loupés, des hasards heureux ou non. Les dessins tout en finesse s'organisent parfois comme une bande dessinée tout en s'inspirant du roman graphique. Parfois pleine page, parfois encadrés, les illustrations racontent leur propre histoire grâce aux nombreux détails. Dès 15 ans.