« Monsieur protéines » promet la minceur éternelle, en réalité il deale de l’obésité. Il n’a jamais étudié la nutrition. Généraliste de son état, il a flairé le filon et n’accueille plus que des femmes qui veulent maigrir. La salle d’attente en est d’ailleurs bondée. Curieux théâtre que cette antichambre de la minceur. Celles qui ont déjà fondu regardent les autres avec la hargne des vainqueurs. Elles éprouvent du dégoût pour cette graisse que leurs voisines n’ont pas encore perdu. De la peur aussi, à l’idée de ressembler à nouveau à ça. Quand aux « nouvelles », elles ne sont que concupiscence et envie devant les corps décharnés de leurs sœurs de régime. Elles reconnaissent dans cette maigreur toute neuve les vestiges d’un embonpoint à jamais renié. Une grosse qui a maigri ne ressemblera jamais à une vraie mince de nature. Le visage est creusé, les yeux cernés, devenus comme trop grands. Sous le menton, un surplus de peau pendouille. Le ventre n’est pas plat. Le contenu a fondu, mais l’enveloppe, flasque, reste. La nouvelle mince n’est en réalité qu’une pauvre carcasse vidée de sa substance.
La consultation chez « monsieur protéines » dure très peu de temps. De toutes façons, tout est expliqué sur le formulaire de commande des sachets que tu te dois d’acheter dans cette marque là et pas une autre. Il ne touche bien évidemment « aucune commission » sur les sachets achetés, mais il te met vivement en garde contre les autres marques, « bien moins sérieuses et souvent moins riches en protéines ». Il n’hésitera pas, quelques mois plus tard, à te recommander la marque qu’il avait dénigrée précédemment. Et son récent séjour dans un hôtel de luxe aux Antilles tous frais payés n’a rien à voir avec ce changement d’attitude… Hormis la prise de sang obligatoire en début de traitement, monsieur protéine n’a que faire de tes antécédents ou de tes états d’âme. S’il te voit au début toutes les semaines, c’est pour te « prescrire » de nouvelles poudres miraculeuses et encaisser au passage une consultation plus que rentable. Un petit tour sur la balance, un formulaire et hop, au suivant. Tous les effets secondaires de ces horribles sachets et des vitamines de substitution, il les ignore et ne veut pas entendre parler. Il se réjouit que tu fondes et ne s’inquiète pas de tes chutes de tension. Et quand un an après la cure, tu reviens, plus grosse que jamais, il n’hésite pas à te conseiller une nouvelle marque de sachets miraculeux. Ne reviens jamais, petite sœur. Ton corps que tu affames se vengera, c’est sûr. Il n’en finira plus d’enfler aux moindres écarts qui suivront les mois de privation. Aucun 38 au monde, aucune culotte tanga, aucune nuisette ne valent les nausées provoquées par cet arrière goût amer que te laissent toutes ces nourritures synthétiques, dont tu apprendras, c’est sûr, dans quelques années, qu’elles étaient dangereuses et nocives. Si on découvre un jour le cancer du sachet protéiné, je tomberai parmi les premières. Sauf si d’ici là, le coca-light m’a tuée.