Une fois tous les dix ans, je vais à la piscine. Je vous arrête tout de suite au cas où vous voudriez m'en féliciter, l'initiative ne vient jamais de moi.
C'est toujours le même scénario. Une copine, de préférence sublime - sinon ce ne serait pas drôle - semble décidée à me prendre en main et me propose, d'un ton ferme et sans appel, d'aller nager avec elle. Qu'est-ce qui motive ces amies touchées par la foi ? J'avoue qu'encore aujourd'hui je l'ignore. Tout ce que je sais c'est qu'en général la proposition n'est jamais réitérée. Il suffit d'une fois pour comprendre que la piscine et moi, ce n'est pas ça.
Donc, une fois que j'ai dit oui - au risque de me répéter, une fois tous les dix ans - et que j'ai fait part avec une vraie sincérité de mon enthousiasme à l'idée d'une telle expédition - enthousiasme dû au fait que les années passant j'OUBLIE, un peu comme on décide de refaire un enfant parce que le corps, cet imbécile, n'a pas de mémoire - une fois disais-je que j'ai dit oui, je commence à ressentir les premiers assauts de l'angoisse.
Je veux parler de l'angoisse de la piscine.
L'angoisse de la piscine, c'est, comment dire ? C'est l'angoisse du premier jour de plage en pire. A cause d'un truc qui parait peut-être vraiment anodin, un détail pour vous mais qui pour moi veut dire beaucoup: le bonnet de bain.
Celui qui a inventé le bonnet de bain est encore plus vicieux que celui qui a créé les Dim-Up. Comme chacun a pu le comprendre, la seule partie de mon anatomie avec laquelle je ne sois pas fachée, c'est ma chevelure. Elle n'a jamais failli, ne m'a jamais lachée, n'a jamais pris de cellulite, ne s'est pas ramollie au fil des ans et ne s'affaisse pas comme deux lacheurs de premier ordre que je ne nommerai pas mais qui se reconnaitront sûrement. Quand je suis boudinée dans mon maillot, mes cheveux me soutiennent, ils cachent mon visage gêné, ils flottent et j'en suis sûre détournent l'attention des regards cruels qui m'assaillent.
Mais le bonnet de bain gâche tout.
Déjà, personnellement, après avoir enfilé cet énorme préservatif même pas lubrifié, il me faut quelques minutes pour calmer ma crise de larmes. Et bien oui, c'est comme ça, moi quand on s'y prend à quinze pour me tirer les cheveux et tout spécialement les tous petits, les bébés qui poussent au creux de la nuque ou derrière les oreilles, je pleure. Parfois, même, je crie.
Une fois calmée, il faut affronter l'immense glace posée là uniquement pour remuer le couteau. Là tu te trouves face à une race de chien dont le nom m'échappe mais assurément de la famille des bouledogues, reconnaissable aux plis qui s'accumulent au-dessus des yeux. Un effet bizarre, qui te donne l'air à la fois très en colère et en même temps morte de rire, sans qu'un son ne sorte évidemment de ta gorge. En gros tu fais peur. Même à toi tu fais peur. Ne parlons pas des enfants qui pressent le pas quand ils te croisent. Bref tu te retrouves défigurée par un rictus horrible sans qu'il soit possible de changer ton expression. Même si tu le pouvais d'ailleurs tu ne le ferais pas parce que dès que tu essaies de soulever tes paupières, ça t'arrache les cheveux qui te restent.
Le bonnet est également à l'origine d'un effet d'optique curieux mais incontestable: il réduit le volume de ta tête. Est-ce nécessaire de préciser que du coup le reste parait plus gros?
Enfin, une fois que l'objet de torture a été retiré et avec lui les trois quarts de ce qui te restait de ta tignasse, il te laisse en souvenir une très esthétique marque rouge juste au dessus des yeux qui reste incrustée sur ton visage le reste de la journée. Un peu comme si ton front hurlait à qui veut l'entendre: "je suis allée à la pisciiiiiiiiine, moaaaaaaaaa".
Demain je vous raconterai ma séance de piscine...