Quand j'avais 15 ans, je suis allée voir mon premier nutritionniste. Je ne reviendrai pas sur le peu de considération que j'ai pour cette profession, on pourrait finir par croire que je m'acharne. Non, je ne te dirai pas un mot sur l'humiliation de la pesée, les prévisons alarmistes d'obésité à 30 ans qui te donnent direct envie de t'enfiler une tablette de chocolat ou le fameux carnet alimentaire, my first one, premier d'une longue série de mensonges couchés sur le papier et qui ne servirent qu'à me culpabiliser un peu plus: non seulement je bouffais mais en plus je mentais comme une arracheuse de dents.
Non, ce que je veux te raconter aujourd'hui, c'est que lors de ce premier rendez-vous, ce nutritionniste, ami de la famille et à la réputation intouchable, me prescrit un coupe-faim. Isoméride qu'il s'appelait.
Autant te le dire, à ce moment là, l'Isoméride, c'était le Viagra des gros. La pilule miracle. Tu en prenais le matin et de la journée, la vérité, tu n'avais même pas l'idée de manger quoi que ce soit de sucré. Un truc de malade. Genre la part de flan, elle te filait la nausée rien qu'à la regarder. Je ne te cache pas que pour une faignasse comme moi, dispensée de sport depuis la sixième au prétexte de règles douloureuses et hebdomadaires - toujours ce léger problème d'honnêteté - doublée d'une gourmande dépourvue de volonté, l'idée de fondre grace à un pauvre médoc de rien du tout, ça m'a rendue béate de bonheur.
A mon grand désespoir, ça n'a pas marché. D'abord j'ai manifestement développé assez rapidement des anticorps contre ce coupe faim. Ce qui fait qu'après quelques jours à me vanter d'être écoeurée de tout ce qui ressemblait à du chocolat, j'ai petit à petit repris le goût du sucré. Du jamais vu d'après le nutritionniste. Surtout, j'ai mal supporté la molécule. Entends par là que tous les effets secondaires marqués sur la notice, je me les suis payés. Vertiges, vomissements, état dépressif et j'en passe. Un vrai cadeau la fille. Bon en même temps, vu qu'un comprimé de paracétamol suffit à me faire roupiller et que si tu me donnes un quart de lexomil je ressemble à Amy Whinehouse, on aurait pu s'en douter. Hyperréactibilité aux médicaments que ça s'appelle. Résultat, j'ai jeté le reste de la boîte et me suis enfilé un pot de Nutella pour oublier.
Sur le coup, je peux te dire que j'en ai sacrément voulu à mon métabolisme. Un vrai boulet celui là. Non seulement il n'était pas fichu de brûler correctement mes graisses mais en plus il était carrément réfractaire à ce qui était censé me transformer en Kelly Capwell - ouais ça va hein, te moque pas, en 1986, Sex and the city ça n'existait pas.
20 ans après, mon métabolisme est toujours aussi mou du genou. Mais tu vois, je le remercie, le bougre. Limite je l'épouserais si je n'étais pas déjà mariée. Parce que depuis, l'Isoméride a été retiré de la vente. Beh oui, le labo, il n'avait pas prévu que sa pilule miracle causerait des dommages irréversibles sur certains patients. Pas une bête allergie hein. Non, juste la destruction des poumons et du coeur. 40 morts en France. 150 000 victimes plus ou moins gravement touchées dans le monde. La boulette, quoi.
Pourquoi je raconte tout ça ?
Parce que vendredi, j'ai lu une dépêche AFP qui avertissait que des scientifiques dénoncent les effets dangeureux des trois médicaments actuellement mis sur le marché pour maigrir. A priori ils déclencheraient chez certains de graves dépressions nerveuses assorties de pulsions suicidaires. Cerise sur le verre d'eau qui déborde: aucun ne permettrait de perdre plus de 4 ou cinq kilos. Moi je dis, merci. Non seulement tu ne maigris pas mais en plus t'as envie de te flinguer. Tout ça en plus sans être remboursée, en général. Et en te chiant dessus parce que sur ces trois là, un au moins a pour effet de te donner envie de faire popo (copyright Sonia) toutes les trois secondes.
Bon ben voilà, je crois que c'est tout, si tu as encore envie de te foutre en l'air tout en engraissant des labos qui pendant ce temps là n'essaient surtout pas de trouver un vaccin au paludisme parce que forcément, les gros ça rapporte plus que les noirs, c'est ton problème. Moi j'aurai essayé.
Edit: Si vous avez envie de commenter, mettez des astérisques aux noms des médocs parce que mon copain l'antispam, sinon, il va péter une durite.
Edit2: J'avais écrit une nouvelle sur ce thème là. C'était assez "noir c'est noir", mais si ça vous intéresse, je vous la mettrai en ligne.
Edit3: Je sais, la photo n'a pas grand chose à voir si ce n'est que ça évoque la médecine. Mais si t'as une meilleure idée tu me dis hein !
Edit4: Merci pour tous vos gentils mots de ces derniers jours.