Parmi mes plus grandes terreurs, après celle de l'avion bien sûr qui est toujours en pôle position même si je travaille beaucoup sur moi même, il y a celle de parler en public.
Dire que ça me terrorise est bien en deça de la réalité.
Tu me diras, on est jamais OBLIGE de parler en public. C'est vrai. Sauf que souviens-toi, je suis aussi celle qui ne sait pas dire non. Alors, lorsque mon chef me demande au pied levé: "Dis, tu me prépares une intervention sur xxxx, c'est pour dans trois jours et ce sera devant une centaine de personnes". Et bien je réponds niaisement: "Bien sûr, pas de problème, c'est comme si c'était fait".
Ensuite je file aux toilettes et après avoir mangé au moins deux ongles - en entier hein -, m'être arraché quelques cheveux et chouiné en me mouchant bruyamment dans du papier toilette, je ressors avec la sensation qu'une enclume vient de m'être directement greffée au niveau de l'estomac.
Je passe sur les soirées à me morfondre en imaginant le pire - et quand je dis le pire tu n'as pas idée de ce qui peut me venir à l'esprit: colique intempestive, vomissement en direct, bégayement soudain, et bien sûr, le trou noir qui tue sa mère - et à torturer psychologiquement l'homme. Ben oui, faut bien que quelqu'un paye.
Le jour même, je manque rarement l'occasion de scratcher mon collant à l'instant où je me dirige derrière mon pupître et j'ai beau avoir recours à toutes les techniques comportementalistes à la con, rien n'y fait, je suis en panique.
De quelles techniques je parle ? Genre d'imaginer tout ton auditoire en train de faire caca, histoire de le désacraliser. Personnellement ça aurait tendance à me faire encore plus peur. Et puis un homme d'affaires revêche, et bien crois-moi, son air sévère il le garde même aux cabinets. Autre "truc", chopper le regard d'une personne dans l'assistance, ne plus le lacher et faire comme si en vrai ton intervention tu ne la faisais que pour elle ou lui. Sauf que la personne en question, au départ elle est flattée que tu la regardes. Et puis au bout de deux minutes, elle est gênée. Ensuite elle a peur. Et elle tourne la tête ou fait semblant de chercher un truc par terre. D'autant que tu es tellement mauvaise qu'il n'y a vraiment aucune fierté à tirer de passer pour ta copine.
Y'a aussi le plan de la respiration abdominale. Mouais. Je dirais pourquoi pas, mais il y a quand même un gros risque de se retrouver en hyperventilation, avec toute la salle qui se met à tourner et ton powerpoint qui danse la salsa.
Bon, moi le meilleur truc que j'ai trouvé c'est de me droguer. Ok, ce n'est pas super correct de faire l'apologie de la drogue. Il n'empêche que depuis que j'ai découvert les bêta-bloquants, je suis un poil plus rassurée à l'idée d'aller faire ma Sharon Stone au micro. Parce que cette came, c'est fou l'effet qu'elle te fait. Même pas t'es dans les vappes. Juste ton coeur, il peut pas battre plus vite que celui d'un serpent en pleine mue. Genre dans ta tête t'es en plein nervous breakdown, ton cerveau il envoie plein de signaux à ton corps pour qu'il se mette en mode "panique" avec mains moites, coeur à 200 à l'heure, gorge serrée, voix de fausset étranglée et jambes flageolantes. Sauf que les signaux, ils sont carrément stoppés par la pilule que t'as pris. Et ton coeur, il continue à la jouer Laure Manaudou. Tranquille. Hyper bizarre comme sensation. A l'intérieur de toi tu es vraiment borderline mais à l'extérieur, tu es trop maître de toi même.
Bon, après en général tu dors le reste de la journée parce que tout de même, ton organisme, il est grave au ralenti. N'empêche que pendant un instant, un instant seulement, tu as fait illusion: même pas peur.
Edit: Il va de soi que ce genre de drogue est prescrite sur ordonnance par un médecin, qu'elle a probablement des contre indications et que c'est très mal d'utiliser des béquilles comme celles-ci. N'empêche que ça m'a récemment sauvé la mise.