Parfois l'obscénité se cache derrière une pseudo grandeur d'âme. Pour moi c'est le cas de la dernière lubie en date de notre président de la République, qui à défaut de trouver des solutions aux petits soucis économiques de la France, se prend pour notre chef spirituel ce qui a le don de me rendre assez fumasse. Bref, je n'en dirai pas plus, parce que j'ai déjà exprimé sur Ladies Room tout le mal que je pense de cette grande idée consistant à traumatiser des générations d'enfants pour soit-disant conserver la mémoire des victimes de la Shoah. Si vous êtes intéressés, c'est ici
Sinon, il y a aussi ce texte, écrit il y a deux ans maintenant...
Avant de vous laisser lire, je précise pour qu'il n'y ait aucun malentendu que je suis contre l'oubli, pour que l'histoire soit enseignée aux enfants, pour qu'on se souvienne et qu'on se transmette la mémoire de cette abomination que fut la Shoah. Mais je suis contre la confusion des genres. Il ne faut pas confondre histoire et mémoire. La seconde découle de la première et n'a nul besoin d'artifices tels que ceux proposés par Nicolas Sarkozy...
Devoir de mémoire...
La nuit dernière, ma cocotte a fait un cauchemar. Pas juste un mauvais rêve, non, un de ces cauchemars qui vous laissent en sueur dans vos draps trempés, le coeur battant la chamade et l'angoisse plantée en plein ventre. Un de ceux sur lesquels la magie d'un verre d'eau n'opère pas, pas plus que les calins d'une maman ensommeillée. Un vilain songe vicieux qui revient dès que les paupières se referment.
Après nous être réveillés trois fois, nous l'avons calée entre nous deux - ouh, c'est mal - deux parents épuisés sachant que même les plus odieux rêves d'enfants ne résistent tout de même pas aux gardiens farouches et belliqueux que sont un papa et une maman en manque de sommeil.
Le lendemain, ma fille ayant réussi à retrouver son calme, a réussi à me raconter le fameux cauchemar. "Il y avait ce monsieur très méchant, tu sais maman, qui voulait m'emmener loin d'ici pour me prisonnier et me tuer, avec plein d'autres enfants. Tu sais, "Adof Hiter"".
Adof Hiter... J'ai tout de suite mieux compris sa terreur nocturne. Moi même je n'apprécierais pas trop que le bonhomme vienne me rendre visite en pleine nuit.
Une question tout de même: pourquoi Adof Hiter ? A ma connaissance la seconde guerre mondiale ne fait pas encore partie du programme de troisième année de maternelle. L'explication est en réalité très simple. Il y a deux jours, alors que j'étais à Berlin (!), une cérémonie du souvenir a été organisée dans l'école maternelle, en hommage aux nombreux enfants disparus pendant la rafle du Vel d'Hiv. Après la pose d'une plaque commémorative, les enseignants ont tenté d'expliquer ce qui était arrivé à ces petits. Sans se douter qu'"Adof Hiter" occuperait beaucoup de place dans la tête de leurs jeunes élèves...
J'ai bien tenté d'expliquer à ma fille que le monstre était mort et qu'il ne risquait pas de revenir de sitôt. Se souvenir était bien sûr essentiel, mais il ne fallait plus avoir peur. Terminé ma biche, on n'y pense plus, rideau. Elle m'a regardée perplexe, puis m'a lancé:
"Alors pourquoi ma maitresse nous a dit que si on n'y pense plus ça risque de se reproduire ?"
A ce moment là j'ai compris qu'elle s'efforçait, depuis la pose de la plaque, de garder tous ces enfants morts à l'esprit, de peur que l'histoire ne se répète...
Ecrit le 6 juin 2006...
Edit: ClaireMM a écrit un billet sur le même sujet hier...
Edit2: J'ai choisi d'illustrer ces mots par l'affiche du film de Claude Lanzmann que tout citoyen devrait avoir vu une fois dans sa vie. Parce qu'il n'est de meilleur rempart contre l'oubli qu'une telle oeuvre. C'est un livre d'histoire, un témoignage, un présent pour l'humanité.