Lors de cet après-midi enchanté que je vous relatais hier, je regardais amusée la fille d'une de mes amies, pré-adolescente ravissante d'une dizaine d'années boulotter des crocodiles acidulés avec avidité.
Au douzième sa mère finit par sévir, expliquant qu'elle était obligée de surveiller, sa grande petite étant un vrai bec sucré.
Pourtant, lui faisais-je remarquer, la donzelle n'était que déliés sans les pleins, longues jambes et bras fins, ventre bétonné sans un gramme de gras.
Conversation anodine, quoi. Qui pourtant m'a renvoyée directement à ma dure condition d'adolescente ingrate, bouche sucrée aussi mais affichant pour ma part à 14 ans un bon 70 kilos au compteur.
Ouais. La vie est une chienne, avons-nous re-soupiré en coeur, en louchant sur le paquet haribo confisqué.
Et puis...
Et puis je me suis rappelée que la nature en question avait permis à ce corps détesté toutes ces années d'engendrer deux trésors de beauté. Que mes hanches avaient supporté le poids de ces deux bébés sans faillir, que mes seins avaient su les nourrir. Et que cerise sur le gâteau, ce même corps pourtant déjà vieillissant avait remis le couvert, en râlant un peu, en grinçant aux entournures mais quand même.
Je me suis rappelée aussi mon amie N., belle plante sans kilos en trop, de celles qui mangent sans compter, foudroyée à 35 ans, emportée sans sommation en six mois de souffrance.
La nature est une sale bête, en effet. Mais en me programmant en mode "garde-manger" capable de tenir un siège de plusieurs mois, elle n'a été que farceuse avec moi.
Du moins pour l'instant.
Sur ces pensées ni bonnes ni mauvaises, j'ai piqué un crocodile à la gazelle.
Et je me suis dit qu'il était plus que temps de faire la paix avec ma carcasse.