Il y a deux jours, il a été question ici de l'homoparentalité, des différentes façons de faire un enfant quand on est gay, des réserves de certains sur les dons de sperme anonymes, de la difficulté des démarches, etc. Parmi les commentaires, il y a eu celui d'Angeloine qui me semblait vraiment intéressant. Alors je lui ai proposé de développer un peu son propos et de nous raconter l'histoire de sa fille. Elle l'a fait avec une grande honnêteté, sans faux-semblants, sans pathos, sans langue de bois.
Alors voilà, je vous livre ce témoignage ici, et ça tombe bien parce que c'est la gay pride et que je ne pourrai pas y aller, trop enceinte, pour le coup. Ce sera ma petite contribution. Merci, si vous commentez et que vous n'êtes pas d'accord avec tout ce que raconte Angeloine de rester correct(e) et de ne pas oublier que derrière un pseudo, il y a une vraie personne, un vrai couple et un vrai bébé...
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Bon, j’avais dit que je prendrais le temps d’expliquer les raisons qui nous on fait choisir une insémination artificielle avec donneur anonyme, alors voilà, vous allez tout savoir !
Pour moi, il a toujours été clair que j’aurais des enfants un jour, c’est tout ce que j’ai toujours désiré. Chacun ses ambitions : certains rêvent d’être riche ou célèbres, moi mon but dans la vie a toujours été de vivre heureuse avec une personne que j’aimerais et qui m’aimerait en retour, et nos enfants.
Il y a déjà 9 ans, j’ai rencontré la personne de mes rêves, et c’était une femme. Elle aussi voulait des enfants un jour, ça tombait bien.
Au fil des années, le désir de fonder une famille s’est fait de plus en plus présent, surtout pour moi ; ma compagne le souhaitait aussi, mais elle avait peur. Peur du regard des gens, de leur mesquinerie parfois, peur que notre amour ne soit pas suffisant pour en protéger nos enfants.
Bref, au bout de quelques années on a décidé qu’être parents, ce n’était jamais fait de certitudes, et qu’on aurait beau faire de notre mieux, on ne pourrait jamais protéger nos enfants de tout. Donc on a décidé de se lancer.
Bon, certes, on aurait préféré pouvoir fabriquer nos enfants sous la couette, c’est sur que c’est nettement plus fun !
Mais comme de toute évidence ce n’était pas une option, il a bien fallu qu’on cherche un autre moyen !
Au départ, je souhaitais une coparentalité, parce que j’avais peur moi aussi que notre enfant soit malheureux s’il n’avait pas de père. Seulement voilà, il n’y avait personne dans notre entourage avec qui nous aurions pu fonder cette famille atypique.
Qu’a cela ne tienne, j’ai cherché des annonces !
Apres une rencontre désastreuse avec un père potentiel, nous avons beaucoup, beaucoup parlé toutes les deux.
Apres réflexion, chercher un père pour notre enfant par petites annonces, comme si on cherchait une voiture d’occasion, ça nous a semblé plutôt sordide, froid, artificiel…
Pour nous, une coparentalité devait reposer sur une profonde amitié, et il nous semblait que même avec la meilleure volonté de la part de chacun, si on se rencontrait dans le but de faire un enfant, ça faussait tout…
Ceci dit, je sais que pour certains ça marche très bien, mais pour nous c’était inconcevable.
Elever un enfant à deux, ce n’est déjà pas toujours évident, on n’est pas toujours d’accord sur tout, mais on fait des compromis, parce qu’on s’aime. Elever un enfant à 3 ou 4, c’est encore bien plus compliqué, ça multiplie les risques de désaccords, et pour moi, si on ne se connaît pas parfaitement, et si on ne partage pas une vraie amitié, c’est ingérable…
Se rajoutait à cela la question de la place de ma compagne.
Nous souhaitions être toutes deux les parents de cet enfant, or en coparentalité, seuls les parents biologiques auraient été parents, et les compagnons respectifs n’auraient été que des beaux-parents (et même si par miracle la loi Française évoluait et reconnaissait nos familles, dans ce cas de figure ma femme n’aurait jamais la possibilité d’être reconnue comme un parent à part entière), et ce n’était pas du tout ce que nous désirions.
Nous aurions pu alors choisir de faire appel à un donneur connu, et faire des inséminations artisanales. Peut être l’aurions nous fait si nous avions eu un ami prêt à nous faire ce cadeau. Ou peut être pas. De toute façon, la question ne se posait pas.
La encore, nous aurions pu chercher un donneur par petites annonces, mais pour les mêmes raisons, nous ne le voulions pas.
Et puis un donneur connu pourquoi pas, mais connu à quel point ?
Est-ce que notre enfant pourrait le rencontrer ? Si oui, alors il fallait pouvoir lui faire totalement confiance, c’était la même chose que pour une co-parentalité.
Et si au contraire il ne souhaitait pas connaître notre enfant, alors pourquoi aurions-nous, nous le droit de le connaître?
Que dirions nous à notre enfant à son sujet ? On sait qui c’est, mais lui ne veut pas te connaître, donc on ne te dira rien ?
Ca nous semblait tellement injuste !
Et même en laissant cette question de coté, pouvions nous accorder une telle confiance à un inconnu ?
Et si pour une raison ou une autre, il décidait un beau jour que tiens, finalement, il voulait revendiquer son rôle de père ? Demander la garde de notre enfant ?
Restait la possibilité de l’adoption, mais pour moi il s’agit d’une démarche totalement différente. Je n’ai rien contre l’adoption, au contraire (c’est une aventure totalement différente, que j’envisage aussi, mais plus tard, et pas forcement un bébé), quoi qu’il en soit je souhaitais aussi être enceinte. C’était plus qu’une envie, presque un besoin, j’en rêvais depuis de années.
Restait les inséminations artificielles. Nous aurions pu aller aux Pays Bas, où à l’age de 16 ans l’enfant peut s’il le souhaite obtenir des informations sur son donneur.
Nous n’avons pas fait ce choix.
Cela peut sembler égoïste de notre part, mais si nous avons pris cette décision, c’est parce qu’elle nous semblait plus saine, plus équilibrante pour l’enfant.
Je m’explique : pour nous, faire miroiter à notre enfant la possibilité d’avoir un jour des infos, voire peut être l’identité de son donneur, c’était l’encourager à s’inventer un père (et ceci sans même savoir ce que sont précisément ces fameuses informations).
Or avec une insémination artificielle, notre enfant n’aura pas de père ! Un géniteur, oui, évidement, la biologie reste la biologie, mais pas un père.
Et l’encourager à fantasmer à ce sujet, tout en sachant pertinemment que même si un jour il pouvait rencontrer son donneur, il ne pourrait pas attendre de lui la relation qu’un père a avec son enfant, et qu’alors il souffrirait de voir ses fantasmes déçus, ça ne nous paraissait pas très correct vis-à-vis de notre enfant.
Pour la même raison, nous étions parfaitement contentes de ne pas avoir d’informations sur le donneur.
Il a été choisi de façon à s’approcher le plus possible de nos caractéristiques physiques à toutes les deux (couleur des cheveux, des yeux, taille, groupe sanguin), et ça nous convient comme ça.
Et puis franchement, on part forcement du principe que le donneur est un beau gosse intelligent, hein, ça nous refroidirait peut être un peu si on découvrait qu’en vrai c’est un petit gros un peu beauf avec des lunettes à triple foyer et un début de calvitie !
Bien sur, nous sommes curieuses, on aimerait bien savoir de quelle couleur sont ses yeux, ses cheveux, mais au fond, qu’est-ce que ça apporterait de le savoir ?
Pas grand-chose à mon avis, si ce n’est que ces informations nous amèneraient à l’imaginer physiquement, puis à lui inventer une personnalité. Créer de toute pièce un personnage virtuel et finalement lui donner une place dans notre famille.
Or il n’en a pas. C’est un donneur, pas un père ; cet homme nous a fait un merveilleux cadeau, mais on ne le connaît pas et on ne le connaîtra jamais.
Notre famille, c’est nous 3 (et j’espère bien un petit 4eme un de ces jours)
Notre fille a deux parents bien réels, qui l’aiment plus que tout au monde, même si une seule d’entre nous lui a transmis ses gènes.
Voilà, chacun fait ses propres choix, des choix très très réfléchis, les choix qui correspondent à sa conception de la famille, et à mon avis, le seul bon choix c’est celui qu’on assume pleinement et qu’on sera capable d’expliquer à nos enfants.
Pour nous c’était les IAD.