Et ça y'allait sur ces enfoirés de patrons, sur les golden parachutes de mon cul - ah ben oui, nous on est du genre café vulgaire aussi - sur les copains du président, sur les 25 000 milliards de dollars qui ont fait pshiiiiiiit, sur l'argent de la bourse qu'on pourrait croire que c'est des billets du monopoly. Et que moi aussi, je vais avoir un incident à 600 patates puisque c'est ça, et mon banquier, je peux te dire que là, il fait moins son malin, non parce qu'avec mon découvert de 500 euros, on avait l'impression la dernière fois au téléphone que je mettais en danger la balance du commerce. Franchement, je t'en foutrais moi de la prise de risque mal calculée, et voilà, nos trois sous d'économie, pan, dans ta face qu'on les a, et tu vas voir que ça va rejaillir sur l'économie réelle ces conneries, pour l'instant on nous fait croire qu'il suffit d'injecter des milliards dans les banques pour que la confiance elle revienne comme par enchantement, ben moi figures-toi que je suis bien sceptique, en même temps on n'a que ce qu'on mérite, et je te fiche mon billet - que je n'ai plus - que ces crétins ils voteront pareil en 2012, parce que qu'est-ce que tu veux, on est dans un pays de veaux, en même temps à gauche, tu les entends toi ? Non, tu peux pas dire ça, t'exagère, ok elle était ridicule dans sa blouse qui lui arrivait aux genoux, mais c'est super sexiste de parler de sa coupe de cheveux, tu ferais pareil pour un homme toi ? De toutes façons, j'ai toujours eu un doute, allez, vas-y, crache le, t'as voté sarko, hein, c'est ça ? T'es vraiment qu'un con. Mais toi aussi, arrête de la ramener avec tes grands mots, qu'est-ce que c'est hein, "l'économie réelle", tu sais même pas, tu fais genre, tu t'inquiètes pour rien, moi je te dis que ça va aller, tout ça c'est que du virtuel, alors calme toi un peu, hein.
Bref, la vie de famille.
Et puis à un moment, je demande à mon frère qui était plutôt resté silencieux dans ce grand n'importe quoi dominical.
- "Et toi ça va ? Ton nouveau boulot ?"
-"Ah ben non, ça ne va pas du tout", me répond-il avec un sourire crispé. "ça ne va tellement pas d'ailleurs que je suis licencié économique. C'est tombé hier, voilà, la boîte était trop jeune, les commandes ont toutes été annulées ces dernières semaines et le patron n'a plus d'argent pour nous payer. Il s'est mis en faillite. Terminé".
D'un coup d'un seul, le concept de l'économie réelle, on avait tous compris.