Vendredi, j'avais Zermati.
A chaque fois, ça commence de la même façon, sur la même question: "Comment allez-vous ?". Anodin, on est d'accord, sauf que bien évidemment, la réponse a en général un peu à voir avec comment je vais au niveau de la nourriture. Enfin, en vrai, je commence toujours par raconter un peu ma vie rapport que les séances se succédant, on n'est pas hyper loin de quelque chose qui s'apparenterait à une thérapie.
Le truc c'est qu'inévitablement, mes états d'âme, éric, me ramènent assez rapidement sur le tapis de la cuisine.
Et là, plus qu'un autre jour, ça n'a pas loupé.
- ça va plutôt bien, si ce n'est que je suis assez préoccupée par une nouvelle assez stressante. (yeux qui piquent, ravalage de larmes se traduisant par une déglutition bruyante, silence et reprise du propos). Et du coup... j'ai envie de manger.
Bien évidemment, ce bon docteur, loin de me charger de reproches ou de me coacher comme le feraient j'imagine les Cohen et Dukon, sur le mode: "vous êtes plus forte que l'appel du twix", a semblé presque content. Entendons nous bien, il était désolé pour moi et très à l'écoute, mais plutôt satisfait de mon aveu.
"Je commençais à trouver que tout se passait un peu trop bien", m'a-t-il expliqué.
Genre il était en train de se demander si j'avais pas un peu avalé un moine boudhiste ou tellement intériorisé nos discussions que j'en serais devenue plus zermatiste que le zermati, quoi. Qu'il ne s'inquiète pas, donc, la petite voix qui m'assure quotidiennement que tous mes problèmes peuvent se dissoudre dans une tablette Milka est toujours là, prête à sonner le clairon au moindre pet de travers.
- Et que faites vous, alors, s'agissant de cette envie de manger ?
Là, la bonne élève que je ferai toujours en sorte d'être, je crois, a relevé fièrement la tête et fanfaronné:
- Et bien très étonnamment, je crois que je gère bien. Je veux dire, je m'autorise des douceurs, mais j'attends d'avoir vraiment faim pour les manger. Exactement comme vous avez dit.
Je pense que je devais avoir l'air d'un chien dressé sur ses deux pattes, convaincu que son exercice mérite un sucre. Je n'ai pas été déçue, en fait de sucre, j'ai eu un mars.
Mais avant, tout de même, à la mine déconfite de docteur Z, j'ai senti que mon côté lèche-cul n'avait pas fait mouche. Voire qu'en gros, je n'avais rien compris.
- Il faut absolument que vous sachiez AUSSI manger sans faim et sans culpabilité. Oui, par moments, la nourriture EST un réconfort. On mange pour se nourrir, pour répondre à des besoins en nutriments (l'équilibre alimentaire) mais aussi pour se réconforter parce que c'est un plaisir. Et comme on s'occupe parfois plus d'un enfant que d'un autre parce qu'il est malade, on peut aussi privilégier une fonction plus qu'une autre, ponctuellement. Donc si vous sentez que votre stress peut être calmé par un aliment-plaisir, vous avez le droit de passer à l'acte".
- Oui mais j'ai trop peur qu'une chose en entrainant une autre...
- ... il s'agisse de compulsion ?
- Voilà. Je me connais et je sais que je peux rapidement repasser de l'autre côté.
- Sauf qu'on a fait un travail ensemble et que tout n'est pas exactement comme avant. Il faut que vous vous fassiez confiance. Les compulsions vont naitre de cette restriction que vous vous imposez en cette période difficile.
- Oui mais comment je sais que je ne cède pas à une compulsion ? Comment je peux être sûre qu'un carré suffira et me fera du bien ? Comment je suis sûre que je ne vais pas me retrouver à avaler le paquet de gateaux avec toute la culpabilité qui va avec ?
- En écoutant votre envie. En l'analysant. En vous demandant pourquoi vous éprouvez ce besoin de manger, en réfléchissant à une autre solution possible. Parfois, on en trouve une. Parfois... non, il se trouve que le carré de chocolat EST une solution, en tous cas la meilleure à portée de main. Et dans ce cas, vous CHOISISSEZ de déguster ce morceau de chocolat. Or une compulsion s'impose à vous, elle n'est pas décidée. En décidant de prendre cette option, vous n'êtes pas dans la compulsion. Ensuite, vous prenez le temps de le manger, ce carré. Vous vous arrêtez et vous le dégustez. Vous aimez les Mars ?
"Vous aimez les Mars ?" Quelle question ? Est-ce que les chats aiment les souris ? Est-ce que le diabolo peut se passer de menthe ? Est-ce que David veut passer des vacances avec Jonathan ? Est-ce que Peter a besoin de Sloan ? Est-ce que...
La réponse est oui, doc, j'aime les mars.
- Alors vous allez en déguster un maintenant.
Je vous raconte la suite demain si ça vous dit, je sens que j'ai été un peu longue et aussi, j'aime bien faire des épisodes. Je veux dire, au cas où ce soit chiant, au bout d'un moment...
Edit: La photo c'est moi en train de me demander si j'aime mieux les mars ou les twix. Non mais la prise de tête, l'autre...