Hier, j'étais dans la cuisine en train de préparer le repas pendant qu'Helmut et le machin jouaient dans le salon (= faisaient les cons). J'entendais les rires mélangés des deux, de plus en plus forts, annonciateurs de larmes certaines (quand on est mère, c'est un truc qu'on SAIT, trop de rigolade, tue la rigolade). D'habitude, j'arrive à sentir le moment fatidique et crie un "ça suffit, on se calme" qui peut - ou pas - prévenir la catastrophe. Mais là, alors que je m'apprêtais à beugler, un bruit énorme a fait trembler les murs.
Ce genre de bruit dont tu SAIS (là aussi, truc de mère) qu'il va être instantanément suivi de vagissements stridents. D'ailleurs tu l'espères presque, le hurlement, parce qu'un bruit pareil suivi de silence, c'est peut-être encore plus terrifiant (= l'enfant est mort, inanimé, dans le coma).
Là, en l'occurrence, niveau cri, j'ai été servie. Lara Fabian les doigts dans la prise.
En un dixième de seconde je me suis ruée vers le lieu du crime, le coeur à 100 mille, tout en étant tentée de me carapater loin, très loin, pour ne pas affronter les probables traumatisme crânien/éventration/fracture multiples que j'allais à coup sûr trouver dans la pièce d'à côté.
Le résultat des courses était à la hauteur de mes craintes: un oeuf de pigeon bleu était en train de pousser sur le front d'Helmut. Quand je dis oeuf de pigeon, je n'exagère pas, on n'était pas loin de la transformation en licorne. Bien sûr, mon premier réflexe de mère aimante a été de pourrir proprement le machin, forcément responsable à en juger par son air contrit et coupable.
A l'heure où j'écris ces lignes, je ne sais toujours pas exactement ce qui s'est passé si ce n'est que Rose a fait une sorte de vol plané complètement imprévu et que son front a croisé le chemin d'une porte malencontreusement ouverte. Tout ça sans aucune intervention humaine. Par contre, bien qu'il n'ait "rien fait", il l'assure, le machin ne l'a "pas fait exprès", ça il le jure.
Bref, après observation attentive de la bête pendant 24h, on a, à priori, échappé à toute complication du type hémorragie cérébrale ou rupture d'anévrisme (ah oui, au niveau de la névrose maternelle, on n'y va pas à moitié). Je dois aussi avouer que je ne suis pas peu fière d'avoir résisté à la tentation du samu ou des urgences (je rappelle qu'il m'est arrivé de composer le 15 suite à une crotte bicolore, faut pas trop me pousser). L'effet petite troisième, j'imagine.
Il n'empêche que pendant quelques minutes, entre l'énorme déflagration et l'apparition de l'oeuf de cigogne, j'ai à nouveau ressenti cette impression atroce. La vie qui s'arrête, le ventre explosé par la peur. Je sais que ça ne cesse jamais, que cette montée d'adrénaline, je la connaitrai désormais à chaque coup de téléphone nocturne les nuits où l'un des trois sera de sortie, à chaque chute de toboggan, à chaque dérapage incontrôlé sur une piste de ski, à chaque fois où l'espace d'une seconde j'aurai la certitude d'avoir perdu l'un d'entre eux au milieu de la foule ou au Franprix du coin.
Je sais aussi que je ne m'y ferai jamais.