La dernière fois, je devais aller à une conférence très sérieuse - je précise parce que ça a son importance, pas pour me la jouer, surtout que moi je ne suis là que pour prendre des notes et répéter ce que les gens très intelligents racontent. Bref, j'allais à une conférence et me suis donc un peu pris la tête pour m'habiller en circonstance.
En vrai je me prends la tête tous les matins, malgré mes craquages réguliers à monoprix j'ai finalement un choix assez restreint de tenues de travail.
Mais ce jour là, je dois avouer que je n'étais pas mécontente du résultat.
(Je suis en pleine reconquête de moi même.)
Je vous rassure, pas d'overdressing non plus, j'avais appliqué la règle selon laquelle less est toujours more. Un slim brut tout neuf (donc pas déchiré en bas), des chaussures neuves aussi - c'est la rentrée - à hauts, très hauts talons (6,5 cm, mon max, je sais c'est l'équivalent des tongs pour les modeuses mais pour moi ce sont des échasses), un t-shirt blanc sans AUCUNE tache et une petite veste noire qui va bien.
Un sans faute, très basique mais tellement évident que Cristina Cordula en aurait chialé. Un truc à te retrouver dans la fashion police de Grazia avec un 18/20 de Fred Farrugia. Sans me vanter.
Je suis arrivée pile poil à l'heure - alors que 9h pour moi c'est un peu l'aube, je rappelle que je suis journaliste - avec cette délicieuse sensation d'être complètement à ma place. Je veux dire, à ma place à cet endroit mais plus globalement dans ma vie, voire sur cette terre.
(reconquête de moi même.)
En haut de l'escalier monumental de l'endroit de la conférence, je suis accueillie par la directrice, tirée à quatre épingles, tailleur à la Roselyne Bachelot, pas forcément ma tasse de thé, mais pimpante et impeccable, quoi. Elle me salue et me lance un regard que je sens très approbateur, genre elle m'est reconnaissante de m'être mise en frais.
Complicité.
J'ai envie de lui dire que je sais, qu'on s'est comprises, que c'est normal, tout ce qu'il y a de plus normal de faire un minimum d'effort, on n'est pas des sauvages non plus. Mais je ne dis rien et en même temps ce n'est pas nécessaire, il y a des moments où les regards suffisent. D'autant que le langage des vêtements c'est pas des conneries et là tout de suite nos vestes sont en pleine conversation parce qu'elles se sont tout simplement reconnues.
On est à deux doigts de se déclarer notre attirance mutuelle quand arrive un autre officiel, cravaté comme il se doit. Bien lèche-cul, il complimente notre hôtesse sur son chic - mais à haute voix, lui, il n'est pas en bluetooth comme nous -, glissant au passage qu'elle est d'ailleurs toujours d'une grande élégance. Minaudant un peu, la directrice fait mine d'être un peu gênée, et modeste, répond que c'est normal, d'ailleurs lui aussi, vraiment, et puis que c'est ainsi, il faut respecter les usages, que lui est habillé en conseiller truc machin, qu'elle-même est en directrice et que Caroline - moi, donc - est venue en...
... en journaliste.
En prononçant ce dernier mot, elle a comme une petite moue de dégoût, qui ressemble un peu à celle qu'on fait quand on se demande si on vient pas de manger une crotte de nez.
D'un coup d'un seul, mes talons m'ont semblé diminuer de moitié, mon jean s'élimer et ma veste se couvrir de pellicules.
La reconquête de moi même s'était barrée quant à elle du côté de Canberra.
Comme quoi, c'est vrai que souvent on se voit moins bien qu'on est. Mais finalement on fait mieux. Parce que les rares fois ou tu décides de poser un regard bienveillant sur ta petite personne, il se trouve toujours quelqu'un pour te remettre d'équerre. Et te signifier que négligée tu as toujours paru, négligée tu paraitras toujours, quoi.
Je crois que je sais désormais ce qu'a ressenti toutes ces années la pauvre Fergie avec cette pute d'Elizabeth d'Angleterre.
Edit: La photo, c'est un peu tiré par les cheveux j'en conviens mais on va dire que c'est parce que la prochaine fois j'irai en sarrouel. En vrai c'est parce que je n'ai aucune photo de moi en veste et talons.
Edit2: Non non, pas la peine d'essayer de me dire que si ça se trouve c'était un compliment, il faut savoir que les journalistes se trainent une réputation de traine misère au niveau de la fringue, limite certaines personnes sont persuadées qu'on ne se lave pas tous les jours, quoi. Je ne parle évidemment pas de la caste très particulière des rédactrices de féminins, elles c'est pas pareil, elles ont la réputation d'être corrompues et méchantes. Ce qui est totalement faux d'ailleurs, ça va sans dire.
Edit3: La vérité c'est que ça ne m'a pas vraiment vexée, hein, juste je me suis dit qu'on est toujours la souillon de quelqu'un, même quand on est persuadée d'être au top.