Hier soir, mon dentiste m'a appelée à 20h15 et m'a aboyé au téléphone: "Dites vous ne m'auriez pas oublié des fois ?".
- Ouh là, si, complètement. Je peux encore venir ? (dis que non putain, dis que non, je veux mourir si je dois ressortir me faire charcuter au lieu de mater Private Practice)"
- Y'a intérêt que vous veniez, vous rigolez ou quoi ? Sinon c'est dans trois semaines et je ne donne pas cher de votre dent. Ou plutôt de ce qu'il en reste.
Mon dentiste m'aime énormément. Il le cache par pudeur et déontologie, voilà tout.
Vu que j'avais eu l'idiotie de décrocher mon téléphone et que je n'avais pas eu le temps de préparer un gros bobard ("j'ai mes règles ce qui provoque chez moi un phénomène très étrange, ma machoire se bloque), j'ai détalé comme un lapin chez mon bourreau.
Et c'est une fois harnachée sur le fauteuil avec le tube à salive coincé sous ma langue que ça m'a frappée de plein fouet. Une partie de moi était presque contente d'être là.
Pas un seul "maman", pas un "tu sais pas ce qu'elle m'a dit Nabala ?", pas de "là il faut que tu le payes ton frottis, l'enveloppe est bleue et y'a marqué "RECOUVREMENT" en énorme, à mon avis tu vas finir en taule", pas de mails en souffrance, pas de coup de fil de douze heures de belle-maman, rien. Pendant une demi-heure, j'allais être hors service, INJOIGNABLE.
La dernière fois que j'avais éprouvé ça c'était chez l'esthéticienne lors d'une séance particulièrement douloureuse d'épilation du maillot (aux alentours de juin 2009 environ, je rappelle à tout hasard que depuis j'ai rencontré Vénus et que j'ai qui plus est un peu lâché l'affaire au niveau du triangle) (euphémisme).
Seigneur. J'étais SEREINE chez le dentiste.
Sachant que ce dernier est aussi sympatique qu'un horodateur. Et que quelques secondes avant cette prise de conscience il avait planté sa seringue anesthésiante dans un nerf qui à vue de nez partait de mon tympan gauche, pour aller mourir dans mon tibia. Tout ça en s'auto-congratulant d'être tombé pile poil au bon endroit ce qui allait lui faire gagner un temps considérable. Tu m'étonnes, john, je suis paraplégique, tu peux y aller sans souci, je ne sens plus mes orteils et je ne contrôle pas mes sphincters, donc tu peux forer dans ma molaire pourrie, ça m'en touche une sans faire bouger l'autre. Tu pratiquerais une épisiotomie je ne suis pas sûre que je m'en apercevrais.
J'ajoute qu'hier il avait manifestement envie d'innover et que pour protéger ma langue de la fraise (quand je vous dis qu'il se soucie de moi), il m'a collé sur la bouche un truc qui ressemblait à s'y méprendre à un préservatif féminin, par le trou duquel il passait ses engins de torture.
Je dis ça, je dois avouer que je n'ai jamais vu de gaine vaginale. Mais vu que sur sa radio qui fait dégueuler il y a une capote, je ne serais pas étonnée.
Bref, quand on connait mon passif avec la gent (SANS "E") des dentistes, (des dizaines de gars de la profession un peu partout en France ont mis un contrat sur ma tête pour cause d'impayés et de lapins en série) et ma propension à laisser la situation dégénérer jusqu'à la chique plutôt que de prendre rendez-vous, le fait qu'à cet instant précis j'ai pu éprouver une sensation de bien être est sacrément inquiétant.
Je pense qu'il faut que je me penche cinq minutes sur le but de ma vie.