Aujourd'hui, donc, une page s'est tournée. Difficile d'en parler, je ne sais plus qui a dit ici que les grands moments n'étaient pas toujours les plus faciles à vivre. Je confirme, j'étais dans un état second, que je comparerais assez facilement à celui dans lequel je m'étais sentie le jour de mon mariage. Frustration de ne pas arriver à parler à tout le monde, impression de ne pas savoir dire à ceux que j'ai tant appréciés à quel point ils me manqueront, tremblements de voix et j'en passe.
Mon boss, celui qui, il y a huit ans de cela, me donna ma chance, m'a fait un discours aux petits oignons. "Zone d'effort, zone de confort". C'était le titre. "Tiens tiens, m'a signalé mon neurone encore disponible, il est donc enfin tombé sur ton blog..."
Une prise de conscience qui a immédiatement déclenché un passage en revue mental des derniers posts. A-t-il lu certains échanges sous la ceinture avec le churros ? Est-il allé jusqu'à celui où j'évoque avec élégance et subtilité l'odeur de mes pieds ?
Rare moment de solitude.
"Je serai bref", a-t-il embrayé. Pour égrener dans la foulée quelques phrases de mon cru à pas piquer des hannetons - gêne - et m'envoyant quelques fleurs me faisant fait rougir en plus de mouiller les yeux.
Puis re-moment de solitude lorsqu'il s'est interrogé devant une assemblée un poil gênée, si la Caroline qu'il connaissait était la même ayant signé récemment un jeu de cartes coquines pour la saint valentin, 24 gages et bons à tirer pour une soirée réussie à deux.
Hum.
Une homonyme, sans doute ?
Quand le discours, alerte et parfaitement interprêté - on est pas un ancien de la radio pour rien - s'est achevé, mon neurone, le con, s'est rappelé à moi, me suggérant avec fermeté qu'il était de bon ton que la personne sur le départ prononce quelques mots à son tour.
"Merci, et heu... merci. Et puis... merci. A tous."
Brillante. J'ai été BRILLANTE.
Je ne doute pas qu'à ce moment là, tous mes collègues si heureux pour moi, confiants dans ma carrière d'écrivain à venir ont légèrement revu leurs ambitions pour moi à la baisse. Je veux dire, écrire un livre avec deux mots de vocabulaire, ça risque d'être ardu. Leur mine contrite était éloquente.
Voilà, j'ai été ultra gâtée, une robe rouge de chez Comptoir des cotonniers, dont je jurerais que ma complice marie-caroline l'a choisie. Que dis-je. C'est une robe "Marie-Caroline", ni plus ni moins. L'intégrale des bouquins d'Harry Potter, là je sens l'influence de ma chère et déjà regrettée Sarah. Outre le fait que cette dernière est tombée dans la saga depuis trois mois, allant jusqu'à refuser de venir déjeuner, je me demande si quelque part, il n'y aurait pas un message caché, du genre "et si tu devenais la JK Rowling française ?" (modestie).
Enfin ça c'était avant mon speech mono-nominal.
Et aussi du champagne, du MUMM Rosé et du Ruinart (désolée Agnès, ils ne connaissent pas le Corbon) et d'adorables mini calissons achetés chez "La mère de famille", pays de cocagne s'il en est.
Voilà, depuis je repasse ce petit film dans ma tête, me détestant de n'avoir pas su vaincre l'angoisse. En plus j'avais toutes ces phrases, sur les remords, les regrets, les rêves à vivre plutôt que la vie à rêver. J'aurais fait un tabac, c'est certain.
Remarque, "merci", au moins c'est poli.
Et puis j'ai bien sûr là tout de suite maintenant un sentiment un peu terrifiant. Et si je m'étais trompée ? Et si je n'y arrivais pas ? Et si mon équilibre c'était celui-là ? Et si ce 3 février avait été mon chant du cygne ?
Demain sera un autre jour, le premier du reste de ma vie. Demain, m'a écrit une amie, une petite Zélie, que je ne connais pas, aura un an et elle même fêtera son 38e anniversaire (happy birthday Cécile). Demain, des Egyptiens mourront peut-être dans la rue au nom de la liberté. Demain, à 10h45, il faudra ondoyer pour le chéri de Mammouth, qui laisse de si beaux commentaires, souvent. Demain, mon amie Mimi dira au revoir à ses enfants et son chéri avant d'aller livrer un combat bien plus difficile que le mien. Demain, vous, moi et d'autres, nous mettrons un pied devant l'autre, parce que c'est depuis toujours la meilleure façon de marcher. Et on recommencera. Gauche. Droite. Gauche. Droite.
"Dans la troupe, y'a pas d'jambe de bois. y'a des nouilles, mais ça n'se voit pas..."