J'aurais adoré avoir l'énergie d'écrire un billet d'anthologie sur cette journée pour le moins traumatisante au cours de laquelle j'ai vu mon bébé entrer à la maternelle et mes grands mais néanmoins toujours nés à 34 semaines (donc prématurés) pénétrer dans l'antre de la vie adulte, à savoir le collège.
Mais hélas, je crois que trop d'émotions tuant l'émotion, je suis tout simplement vidée de mon énergie (je n'ai pas non plus hérité d'un capital énorme à la base). Sans rire, je me suis retrouvée hier soir à 18h31 avec cette impression étrange d'avoir pris une cuite la veille et enchainé sur une traversée de la Manche à la nage. Pourtant, franchement, cela s'est passé le mieux possible. A savoir que la seule personne ayant sangloté hier est votre serviteuse. Et bien que cela signe définitivement mon incapacité à gérer mes émotions (en même temps j'ai pleuré à gros bouillons pour la médaille de bronze de Christophe Lemaitre, quelque part ce serait ingrat de rester insensible à la rentrée de Rose à l'école), j'avoue préférer que les larmes versées aient été les miennes plutôt que celles de mes chérubins. Bref, voici, en quelques mots, quelques bribes émergeant de ce 5 septembre 2011...
- On s'est rendu compte dimanche soir que la rentrée des petites sections de la maternelle de Rose s'étalait sur deux jours et que la date d'entrée de l'enfant serait "conforme à ce qui avait été décidé lors de la réunion de pré-rentrée du 21 juin". Réunion volontairement séchée par mes soins au prétexte que ce n'est pas aux vieux singes qu'on apprend le fonctionnement de la cantine (la seule chose qui intéresse les parents ces jours là). Boulette, pour une fois la réunion servait à quelque chose. Par conséquent, gros doute quant au jour exact de rentrée de number three, à qui il a fallu expliquer qu'on se préparait mais qu'on n'était pas sûrs finalement. Ne souhaitant pas dégrader l'image idéale qu'elle a encore de sa mère, j'ai tout collé sur le dos de l'Education nationale, cela va de soi.
- Au final, c'était donc bien hier, ouf. Par contre, Rose qui avait bien intégré la notion de "maitresse" (bourrage de crâne tout l'été sur cet être céleste et merveilleux qu'elle aurait la chance de rencontrer bientôt) a eu la surprise - et moi aussi, première fois en 8 ans - de se retrouver face à un maitre. "C'est pareil, maman, c'est zuzt un garchon", m'a-t-elle rassurée devant mon désarroi.
- Après trente secondes à faire écran entre ma fille et un petit garçon menaçant d'entrer en éruption à force d'hurler, j'ai finalement décidé de m'éclipser, constatant que Rose se foutait éperdument du désespoir de son petit camarade (je crois qu'elle est de droite). Elle m'a gratifiée d'un laconique "à tout à l'heure" et c'était plié. C'est après que je me suis effondrée. Mais j'avais eu le temps de me réfugier au Monoprix.
- J'ai ensuite rejoint mes grands à la maison. La chérie, prête et habillée depuis 7h23 fignolait ses fiches bristol sur lesquelles elle a rapporté scrupuleusement toutes les fournitures demandées, matière par matière. Un modèle de décontraction.
- Le machin, lui - il était 9h45 et nous étions censés partir dans les cinq minutes - se grattait les couilles sur le canapé devant un manga. En pyjama.
- Après que je l'ai gentiment invité à s'habiller ("TU TE FOUS DE NOTRE GUEULE OU BIEN ?"), il est redescendu, vêtu d'un pantalon improbable que je suis aboslument certaine de n'avoir jamais acheté et qui réussissait l'exploit d'être à la fois trop petit et trop grand. Et chaussé de ses sandales de moine, tolérables sur la plage mais moyennement élégantes pour un jour de rentrée.
- Quand je l'ai inspecté de près, j'ai pu avoir la confirmation qu'il n'avait pas jugé utile de se laver la figure. Blasée, j'ai posé la question à cent balles: "tu t'es AU MOINS lavé les dents ?". Question à laquelle il a répondu, confondant de sincérité : "Non, t'inquiète, pas besoin, vu que je viens de réaliser que j'ai oublié de petit-déjeuner". Ah bon, ça va alors.
- Une fois dans la classe des enfants, la professeur principal - de français - a fièrement annoncé que son dada c'était la calligraphie. La tronche du machin. Et la sienne dans une semaine quand elle aura sa copie sous le nez. J'ai été tentée de lui filer ma boite de bêtabloquants.
- Alors que nous avions solennellement convenu avec les enfants que le fait d'être dans la même classe n'impliquait pas nécessairement qu'ils s'asseoient l'un à côté de l'autre (nécessité de respecter l'intimité de l'autre, périmètre obligatoire de sécurité sous peine d'injonction juridique, etc), j'ai eu à peine le temps de dire ouf qu'ils étaient déjà collés l'un à l'autre et en train de s'engueuler. L'année va être longue.
- J'avoue avoir décliné la proposition du proviseur faite aux parents de manger à la cantine avec leurs enfants pour ce premier jour. Je n'en suis pas particulièrement fière, surtout après avoir râlé pendant six ans contre la façon dont les parents étaient exclus de l'enceinte de l'école. Finalement je crois que ça me convient assez d'être exclue de l'enceinte scolaire.
- A 16h04 j'étais devant la maternelle de Rose qui n'ouvrait ses portes qu'à 16h20. Je m'étais fait violence pour ne pas arriver à 14h45.
- Quand je l'ai vue, elle était sagement assise en rond avec les autres enfants, autour du maitre qui chantait une chanson. Elle levait les bras en claquant la langue. J'étais gênée vis à vis des autres parents, tellement il était évident qu'elle claquait bien mieux la langue que les autres. J'ai filé au Monoprix pleurer un bon coup et je suis revenue.
- Alors que je la serrais dans mes bras, le maitre, un poil emmerdé, m'a avoué qu'ils l'avaient perdue durant un laps de temps dont il ne m'a pas précisé la durée. Ils l'ont finalement retrouvée dans une autre classe, après avoir légèrement paniqué (perdre dès le premier jour une enfant précoce c'est moche).
- Fidèle à mon habitude consistant à sourire bêtement à tout ce que me disent les enseignants - je veux qu'ils m'aiment - j'ai niaisement rigolé. Une fois sortie de l'école je te l'ai bien pourri en pensée tout de même. Je veux dire, comment est-ce possible que mon joyau ait pu échapper à sa vigilance ne serait-ce qu'une seconde ?
- J'ai ensuite tenté de reconstituer le drame avec Rose. ça a donné à peu près ça:
Moi: "Alors ma chérie, il parait que tu t'es perdue aujourd'hui ? Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi tu es sortie de la classe ? (Tu cherchais la bibliothèque ?)".
Rose: "Je veux un bonbon".
Son frère et sa soeur ont eu un peu plus de chance et en mettant bout à bout ses bribes d'explications, il semblerait qu'elle n'ait pas suivi ses camarades à la fin de la récréation et qu'elle se soit retrouvée seule dans la cour. Elle se serait alors fait engueuler par une "dame", à qui elle aurait dit "pardon, pas fait essprès". Et qu'elle se soit ensuite retrouvée dans une classe qui n'était pas la sienne.
Je suis à deux doigts d'intenter une action en justice. En même temps je suis de gauche.
- Pour finir, mes grands sont revenus à la fois enchantés (ils n'ont pas cours le vendredi après-midi) et désemparés (la récréation ne dure que dix minutes).
Le mot de la fin au machin à qui son père lui demandait ses impressions: "j'ai trouvé ça super bien, la cour est trop stylée".
Attends de faire de la calligraphie, mon vieux. Tu vas moins rigoler.