Vendredi, en traversant Paris pour aller chez le coiffeur, je me faisais la réflexion qu'il fallait être un peu secouée pour se taper une heure de métro pour se faire couper les cheveux.
Et puis me sont immédiatement revenues en mémoire toutes les coupes loupées qui ont jalonné mon existence. Soudain, cette petite expédition a pris alors tout son sens.
Non parce qu'avec Michel, c'est la première fois que je ne ressors plus les bras ankylosés à force de m'être accrochée aux accoudoirs comme si à un moment où à un autre le siège allait décoller.
C'est aussi la première fois de mon parcours capillaire que les choses ne se passent pas de la façon suivante: tu arrives, tu dis à ton coiffeur que tu ne veux que rafraichir les pointes et que surtout, surtout, pas de brushing, un séchage naturel. Et une heure plus tard, que fait le gars, après t'avoir naturellement coupé dix bons centimètres ? Un brushing.
Là, Michel, déjà, il écoute ce que tu veux. Bon, il ne sait pas trop cacher qu'il n'est pas d'accord et il peut lui arriver de tourner son nez en cas de demande saugrenue. Il n'empêche que si je dis : "aujourd'hui on ne touche qu'à la frange", même s'il trouve que je ressemble à Michelle Torr, il ronge son frein et il ne me fait QUE la frange en souriant. Important, ça, ce truc de ne pas prendre pendant toute la coupe l'air pincé et vexé de celui qu'on n'a pas écouté.
En revanche, si je lui confie mon envie de changer un peu, il propose et suggère. Et il FAIT EXACTEMENT CE QU'IL AVAIT DIT QU'IL FERAIT. Là, en l'occurence, un dégradé mi-long, mais "qui ne fait pas des escaliers" (j'ai une façon tout à moi de formuler mes désirs).
Idem pour le non-brushing. Ça ne fait pas un an que je viens et je ne suis pas une très bonne cliente étant donné mon peu d'assiduité (tous les 4 mois environ). Et bien Michel SAIT que j'ai le brushing en horreur. Et il passe un temps fou à me sécher les cheveux en les froissant, pour me donner, le temps d'un jour ou deux, cette texture merveilleuse, ce faux ondulé de sortie de mer, incarné à merveille par Chiara Mastroiani dans les Bien aimés (oui, j'avoue, je note mentalement toutes les coiffures qui se rapprochent le plus de mon idéal, même en plein film dramatique) (j'ai un toc du cheveu, ça ne s'explique pas) (ou alors si, c'est parce que c'est le seul truc chez moi qui ne grossit pas, du coup j'ai l'impression que je lui dois quelque chose) (à mon cheveu).
Pourtant, là encore, Michel il prend sur lui. Parce que je le sais bien qu'il kiffe le fer à lisser et le tif brusché. Je rappelle qu'il n'a toujours pas pardonné à Kate Middleton son total laisser-aller le jour de son mariage. Une princesse sans chignon, c'est comme un poney sans crinière. Sans compter qu'elle a flingué la profession.
Mais même s'il préfèrerait que je m'en aille de son salon sans avoir l'air d'avoir mis les doigts dans la prise, il froisse donc consciencieusement mes cheveux, jusqu'à ce que j'ai vraiment la tête d'une fille qui sort de son plumard. Et rien que pour ça, Michel, je le vénère.
Il m'est d'ailleurs arrivé un truc fou, vendredi - mis à part le fait d'avoir été assise en face d'Axel Bauer - : quand il est arrivé à cet instant fatidique du coupage de la frange, moment où la plus parfaite des coupes peut se transformer en ratage international, j'ai fermé les yeux et l'ai laissé faire, dans un état de sérénité absolue.
J'ai conscience de la dimension un peu ridicule des propos qui vont suivre mais je joue franc-jeu avec vous: je crois avoir alors compris l'essence même de l'expression "lacher prise". Je veux dire, c'était tantrique, à ce niveau là. Comme si j'acceptais d'être entre les mains d'un autre sans éprouver la moindre peur, le plus petit vertige. Pour une fille qui aurait voulu observer chaque étape de sa césarienne, voire même tenir les écarteurs et qui ne peut subir une prise de sang sans suivre au millimètre près la progression de l'aiguille, c'était quasiment comme entrer en lévitation.
Je me demande si je ne suis pas en train de tomber amoureuse.
C'est bien ma veine.
Edit: Juste un mot aussi de Karine, qui sait me rendre blonde comme j'aime. "On n'est jamais assez blonde", m'a-t-elle rassurée quand je m'inquiétais d'avoir peut-être un peu forcé sur la décolo cette fois-ci. Vous savez quoi ? Je crois qu'en ce qui me concerne, elle a totalement raison. Au propre comme au figuré.
Edit: Michel travaille au salon de coiffure Chez Privé. Et bien que préférant que vous ne vous précipitiez pas non plus toutes sur lui (je ne partage pas volontiers en amour ni en cheveux), je consens à vous donner ses coordonnées (cliquez sur le lien). Et j'en profite pour remercier Nadia et Violette sans qui rien n'aurait été possible.
(trois jours après et les cheveux sales, ça tient bien non le froissé - décoiffé) ?
Fin du billet à haute teneur narcissique.