Les magazines féminins n'aiment rien tant que de se trouver des "stars" qui entrent dans leurs cases. Au hasard, on a Charlotte Gainsbourg, l'actrice pas si fragile que ça, Vanessa Paradis l'icone secrète à la vie de rêve (vous saviez qu'elle vit avec Johnny Depp ?), Scarlett Johanson la rebelle arty et... et Kate Winslet, la fille qui s'assume.
Qui s'assume quoi, on se le demande un peu, au premier abord. N'ayez crainte on va vous l'expliquer, que ce soit dans le Elle ou le Glamour et à n'en pas douter dans une palanquée d'autres titres étant donné qu'elle est à l'affiche du dernier Polanski (= en promo et donc en couv de tout ce qui est en papier glacé).
Kate assume donc. Pas d'avoir divorcé, d'être anglaise aux Etats-Unis ou de s'afficher sur une pub pour montres très chères. Non, la meuf assume d'être grosse. Bien évidemment, il n'est pas question d'utiliser ce mot là, on est entre gens bien. On parlera donc plutôt de ses formes "généreuses" (non ça n'est pas un compliment, ça fait bien longtemps que la générosité, qu'elle soit au propre ou au figuré est à ranger avec ces "qualités" méprisables, comme la gentillesse ou la modestie), de sa silhouette pulpeuse, de sa poitrine opulente ou encore de ses tenues qu'elle ose porter moulantes (le courage) en faisant fi des canons du star system.
Autant dire qu'elle force l'admiration, surtout avec ses rides. Ah oui parce que je ne vous ai pas dit ? Elle ne se contente pas d'être une truie. Elle milite contre la chirurgie esthétique. Si. Kate Winslet est à Hollywood ce que Aung san su kii est à la Birmanie. Deux minutes de silence s'il vous plait.
Sans même vous rejouer le couplet - déjà suffisamment chanté sur ce blog à maintes reprises - de la dangerosité d'un tel discours sur les filles pas super sûres de leur popotin et qui se regarderont d'un autre oeil quand elles auront fini par intégrer que Kate Winslet est obèse, je suis surtout affligée par le degré zéro de perspicacité de ces articles. Je veux dire, on est d'accord que par rapport à pas mal d'autres, Kate a probablement un IMC à peu près normal et pas de 10 points en deça du seuil d'extrême maigreur. Mais nom d'un chien, quelle pauvreté dans ce traitement !
A croire que les rédactrices de ces canards pour meufs sont dotées d'autant de personnalité qu'un champ de trèfles. Depuis qu'une de leurs congénères a décidé un jour que dans la case "actrice qui dit non aux diktats" (= sympa mais... sympa, quoi) on y collerait Kate Winslet, pas un papier sur elle n'a changé d'angle. Dommage parce que cette comédienne est blindée d'atouts qui n'ont rien à voir avec son tour de hanches. A propos de ce tour de hanches, je trouve personnellement qu'il varie d'ailleurs au gré des photos et des rôles (en gros elle passe régulièrement de très mince à normalement constituée (= énorme pour Lauren Bastide et ses copines)), preuve s'il en est que la demoiselle est probablement soumise bien plus qu'on ne le dit aux impératifs esthétiques du milieu. Attention, je ne juge pas, c'est juste que ça met un peu à mal le discours sur sa croisade anti-conformisme. Et que si ça se trouve, la fille saine et rebelle qu'on nous décrit sans cesse est une nana qui peut à ses heures s'infliger des régimes draconiens ou descendre son placard les soirs d'angoisse. On n'en sait rien. Et peut-être qu'on s'en fout.
Plein d'atouts, disais-je. Pour commencer, c'est une actrice formidable. Qui mène sa carrière de manière plutôt très intelligente, choisissant ses rôles avec flair (j'ai beau chercher, je ne trouve pas un seul vrai navet dans lequel elle ait joué, à part peut-être holidays mais j'avais quand même aimé). Qui semble avoir un peu de jugeotte (mais hélas ça ne joue certainement pas en sa faveur, outre l'adjectif "généreux", il en est un qui veut souvent dire "moche", c'est le terme "intelligente") et qui donne l'impression de mener une vie plutôt à la marge du star system (ce qui ne l'empêche pas d'être de beaucoup de red carpets vêtue de robes de créateurs, donc je veux bien qu'elle roule ses clopes mais Kate n'est pas à proprement parler non plus la Mélanchon de Los Angeles, qu'on ne s'y méprenne pas).
Bref, à condition de bosser un peu le sujet, de refuser de ré-écrire une énième fois le même papier sur le mode "Kate, toutes les femmes l'adorent parce qu'elle a plein de défauts comme nous", il serait à mon avis possible de parler d'elle différemment. Oui mais là ça poserait un problème: on y mettrait qui à la place ? Non parce que Laetitia Casta a vachement maigri, c'est chiant.
Edit: sur la photo, Kate Winslet dans Mildred Pierce, une mini série qui m'a personnellement enchantée cet été. Je ne sais pas s'il est possible de la regarder légalement mais je vous la conseille...