Ce week-end, un pas de plus vers la lepénisation de la droite républicaine a été franchi par celui qui parait-il est notre ministre de l'intérieur. Une petite phrase, qui a suffi à mettre le feu aux poudres de twitter dès samedi soir et qui fit les choux gras de la presse dès le lendemain. Quelle est-elle, cette phrase évidemment sortie du fameux et si pratique contexte ? "Toutes les civilisations ne se valent pas". Bon mot sorti devant une assemblée conquise d'avance, faite de députés de la majorité et d'étudiants de l'UNI, un syndicat pas vraiment réputé pour ses prises de position progressistes.
Le discours de Guéant devait rester à huis-clos mais, c'est ballot, il a "fuité". Une fuite bien aidée je pense, tant ce message à l'intention des électeurs potentiels de Marine Le Pen tombait à point. Dimanche en effet, le JDD (le journal de droite) nous sortait un scoop exclusif. Selon un sondage, si Marine Le Pen, mais également, Nihous, Villepin, Morin et Lepage (tous d'obédience de droite) n'étaient pas présents au premier tour, "la dynamique Hollande serait cassée". Et Sarkozy ferait jeu égal avec le candidat socialiste.
Au deuxième tour ? Ah, ça, par contre, on ne saura pas, le JDD n'ayant pas jugé opportun de poser la question (peut-être n'avaient-ils pas les moyens de payer l'institut de sondage au delà d'une certaine somme, allez savoir).
Personnellement, après une enquête assez poussée, je suis en mesure de vous annoncer que s'il n'y avait pas d'élection, Sarkozy conserverait toutes ses chances.
Vous m'aurez comprise, je ne peux pas m'empêcher de penser que ce message à peine codé de monsieur Guéant n'avait rien de fortuit et visait à rassurer les partisans de Marine Le Pen: "si jamais elle n'était pas là, ne vous inquiétez pas, nous non plus on ne les goûte pas, les "pas pareils"".
Quand aux justifications du lendemain, selon lesquelles Claude Géant voulait juste dire qu'il préférait les peuples démocrates et pacifiques aux barbares qui lapident les femmes et font péter des bombes, pardonnez-moi mais elles ne tiennent pas debout cinq minutes. S'il avait vraiment voulu exprimer ceci, il eut suffi de remplacer "civilisations" par "régimes politiques". On aurait un peu plus vite compris que notre ministre de l'intérieur (et surtout pas de l'extérieur) n'aime tout simplement pas les méchants.
Je ne sais pas pourquoi cela m'a tant mise en colère, d'autant que la semaine dernière, il avait déjà bien commencé en vantant l'intégration des gentils asiatiques, exemple s'il en est d'une immigration qui ne pose pas de problème, pas comme... suivez mon regard. En fait, je sais très bien pourquoi cela m'a tant choquée. Parce que jour après jour, un discours nauséabond est légitimé parce que prononcé par des personnes qui ne sont certes pas de mon bord mais dont je pensais jusque là qu'ils partageaient certains principes inaliénables. Las, désormais, on aura intégré qu'il n'y a absolument rien de mal à penser et à déclarer que "certaines" civilisations (qui par le plus grand des hasards sont installées pour la plupart au "Sud") sont inférieures aux autres. Un fait acquis qui justifie le refus de "les" accueillir chez nous, de leur accorder le respect, de pomper en toute vergogne leurs ressources ou d'aller faire la guerre chez eux, pour leur bien. Des arguments qui n'ont rien à envier à ceux de nos ancêtres les colons.
J'ignore si toutes les civilisations se valent, en revanche je suis convaincue que certains hommes ne valent pas grand chose.Edit : j'ai hésité à enbrayer avec des "j'aime" du lundi, mais je crois que ça n'aurait pas beaucoup de sens. Ce sera pour demain.
Edit2: le titre est un emprunt à un tweet lu ce week-end que j'ai trouvé assez percutant.