Comme je le disais dans les commentaires récemment, j'ai calé sur un bouquin porté aux nues dans toutes les rubriques littéraires de magazines en décembre. "Freedom" de Jonathan Franzen. Sur le papier, il avait tout pour me plaire: une histoire de trio amoureux sur fond de rétrospective de ces 30 dernières années aux Etats-Unis. Je ne vais pas dire que c'est un mauvais livre, je vois très bien ce qui a pu séduire les critiques et les lecteurs conquis. Le style est d'une perfection très universitaire, les personnages sont campés comme seuls je trouve savent le faire les auteurs américains, il y a une atmosphère, une analyse très fine de la société américaine, des renoncements de ceux qu'on nomme aujourd'hui bobos, un regard sans pitié sur leurs compromissions, etc.
Sauf que... sauf que je me suis copieusement emmerdée. Et qu'aux trois quarts j'ai décidé, et cela ne m'arrive que très rarement, de lâcher l'affaire. J'ai évidemment un peu honte, parce qu'à priori, il fait partie des incontournables du moment. Mais en même temps, lire pour moi est un plaisir non coupable qui raccourcit mes nuits. Quand cela devient corvée, le manque de sommeil n'a vraiment aucune justification.
Du coup, j'ai décidé d'embrayer sur un livre friandise, acheté à Noël entre deux cadeaux. Un livre bonbon, qui donc se passe comme il se doit - condition sine qua non du livre bonbon - à New-York. Et traite de la vie et des amours de jeunes femmes travaillant dans une maison d'édition. Sur un mode chorale.
Là où "Rien n'est trop beau", de Rona Jaffe, puisque c'est de cet ouvrage qu'il s'agit, diffère d'un banal et énième opus de chick lit', c'est que c'en est en quelque sorte l'ancêtre. La genèse. Premier du genre, si vous préférez. Ecrit dans les années 50, il raconte le parcours de quatre filles arrivées à New-York comme on monte à Paris, pour faire leur vie. Si le style, un peu désuet, n'a absolument rien de "Franzien" ce bouquin est pourtant un page-turner comme on les aime. On s'attache à Caroline, Barbara, April ou Gregg. Leur naïveté, leur désir d'émancipation, en fait les pionnières d'un féminisme non revendiqué mais bien réel. Dans ces années là, le simple fait de décider de travailler avant de passer par la case mariage était en soi un acte politique.
Sauf que. Sauf que ces héroines, à l'instar de tous les personnages féminins secondaires, n'ont malgré tout qu'une seule idée en tête. Trouver le mari qui les libèrera du joug de leurs patrons et les fera entrer dans le rang des femmes respectables qui n'ont pour seule préoccupation de pondre des enfants et d'assortir les rideaux du salon au canapé. Je ne sais pas dans quelle mesure l'auteur porte un regard critique ou non sur ses personnages. J'ai plutôt lu ça comme un documentaire et de ce que j'ai compris de l'avant-propos, c'était un peu l'enjeu du livre, le premier jamais écrit sur ces abeilles travailleuses, payées au lance-pierre sans réelle perspective d'évolution autre que celle de devenir secrétaire en chef. Ce qui peut rendre assez compréhensible l'aspiration au mariage.
Il y a du Mad Men dans les dialogues et les descriptions, il y a quelque chose des nouvelles d'Edith Wharton aussi. Il y a un embryon de ce qu'on verra des années plus tard dans des séries comme Sex and the city. Complicités féminines, alcool à gogo, coucheries, etc. Mais il y a surtout ce poids du regard de l'homme, cet enfermement des femmes, contraintes souvent de céder aux avances de leurs patrons sous peine d'être virées, gentiment invitées aussi à se faire avorter et en silence s'il vous plait.
C'est amusant, parce que ce qui ne se présente donc que comme un bouquin sans prétention - et qui fut un best seller incroyable à l'époque - est en réalité une peinture romancée mais je pense très réaliste malgré tout de la société new-yorkaise des années 50. Reste à savoir dans quelle mesure tout cela a-t-il vraiment évolué. Je suis de celles qui se revendiquent féministes sans rougir, convaincue que l'indépendance financière est un gage de liberté non négociable. Pourtant, force est de reconnaitre et d'observer que tout le monde ne partage pas cette conception. Peut-être parce que rien n'est fait pour permettre aux femmes, toutes les femmes, pas uniquement les bac +5, de s'épanouir à l'extérieur du foyer. Rien n'est fait pour encourager les mères de famille à conserver une activité, quand grossesse rime avec placard et petite enfance avec galères de crèche.
Plus de 50 ans ont passé et pour beaucoup d'entre nous aujourd'hui, être mère au foyer représente encore souvent un refuge plus rassurant et épanouissant qu'un emploi. Je ne suis pas certaine que ce soit très positif, même si pour avoir bossé près de dix ans dans un environnement très peu propice à la vie de famille, je peux comprendre. J'ai la vague impression d'avoir trouvé une sorte de troisième voie avec ce choix de la vie en free lance. Même si régulièrement, je me roule par terre pour obtenir du churros qu'il prenne une journée enfant malade, étant donné que dans "bosser chez soi", il y a certes "chez soi" mais juste avant, il y a "bosser".
Bref, c'était un billet complètement désorganisé comme je sais si bien les écrire, mais piochez-y ce qu'il vous plaira !
Edit: J'ai cru comprendre que certaines s'étaient inquiété hier en raison de l'absence de billet, don't worry, simplement un emploi du temps un peu trop chargé ces derniers temps. Mais merci.