J'ai envie de rebondir sur un commentaire d'hier. Pas parce qu'il m'a blessée, il était formulé assez gentiment. Même si d'expérience je me méfie de toute phrase commençant par "ne le prends pas mal", "ce n'est pas pour être méchante", "ne m'en veux pas de ce que je vais te dire" (Et par extension, "je ne suis pas raciste mais bon...", "c'est pas que je n'aime pas les pédés mais...").
J'ai envie de rebondir, disais-je, sur ce commentaire qui disait en substance que les blousons en cuir passé 40 ans, bof. Plus exactement, "ça fait pupute".
Je ne le prends pas mal, donc.
Vraiment pas, en plus, je dirais même que faire pupute n'est pas le pire que je puisse imaginer, je crois que je préfèrerai toujours faire pupute que bobonne.
Mais ça n'est pas sur cet aspect péripatéticien que je voulais réagir. Plutôt sur la première partie de la phrase, cette idée selon laquelle passé un âge quelconque, 20, 30, 40, 50, 60 etc, il y aurait des choses qui ne se font plus. Mettre du cuir, donc, se teindre en blonde, en rouge ou en bleu, laisser pousser ses cheveux, porter des shorts ou des mini-jupes, montrer son décolleté ou kiffer les paillettes et le rose. Sans parler de se prendre une cuite, draguer un mec, jouir en levrette, tailler une pipe, ricaner avec ses copines, regarder des comédies romantiques ou encore exhiber ses seins sur la plage.
C'est curieux comme on peut à la fois vivre dans une société où ce qui est jeune est nécessairement beau et merveilleux (ce qui est rare est cher, en même temps, ça se comprend) et s'auto-censurer à ce point dès qu'on a dépassé la soit-disant limite d'âge.
Comme je répondais hier, j'ai passé ces trente dernières années à me prendre le citron tous les matins sous prétexte que telle ou telle tenue me grossissait. Comme si là aussi, il y existait un décret interdisant aux plus de tant de kilos de montrer leur croupe ou leurs jambes.
En prenant de l'âge justement, et probablement en perdant du poids (mais ça avait commencé avant et je ne suis de toutes façons pas sylphide), je suis presque parvenue à me débarrasser de ça. Parfois, je porte des tenues qui ne me flattent pas forcément mais parce que j'en aime le message qu'elles délivrent, ou tout simplement le style. Et en général, je récolte des compliments parce qu'une "pièce forte" comme disent les intellectuels de la moderie fait oublier le reste, d'une certaine manière. Moi même quand une amie "ose", je remarque plus ce qu'elle porte que la façon dont ça lui sied.
Bref, j'ai quasiment réglé ce souci de l'adéquation "poids/style", alors laissez-moi vous dire que je refuse catégoriquement d'embrayer sur ce nouveau problème que devrait me poser mon entrée dans la quarantaine. Premièrement, de nombreuses études faites par des gens très sérieux (Elle, Grazia, Be, Cosmo...) l'ont dit et redit: 40, c'est le nouveau 30. Ha ! 40 ans n'existe pas, la question est réglée, CQFD.
Mais parce que je suis une femme de réflexion, j'ai quand même un deuxièmement. Le deuxièmement c'est que j'ai une mère qui n'a jamais changé sa façon de s'habiller, voire même qui est plus libérée elle aussi de l'outfit aujourd'hui qu'il y a vingt ans, et que je ne me suis jamais dit qu'elle pourrait quand même être un peu plus convenable. Que "faire jeune" n'est vraiment pas une préoccupation pour moi (je ne dirai peut-être pas toujours ça mais en tous cas aujourd'hui ça n'en est pas une), mais me faire plaisir en portant des choses que j'aime comme un blouson en cuir, des chaussures compensées ou des bagues tête de panthère ou de mort*, alors ça, oui. J'aime trop les vieilles dames indignes pour me ranger à 41 ans. J'espère bien porter un perfecto à 80 balais si je vais jusque là et si je n'en porte plus, ce sera pour une raison tout autre que celle de l'âge (genre que je vivrai au soleil et que la seule chose que je supporterai sera un paréo).
Je crois que ce qui m'a finalement le plus interpellée hier, c'est que ce commentaire ait été formulé à priori par une quadra. Je pense que je l'aurais mieux compris de la part d'une jeunette, parce que c'est le jeu à 20 ans de penser qu'on ne vieillira jamais et de railler ses ancêtres. Mais merde, une camarade de la promo 71, non ! Encore une fois, cessons de nous soumettre volontairement à ce diktat qui veut aujourd'hui que passé 35 ans on soit des seniors indésirables ou priées de la mettre en sourdine. Alors même qu'il nous reste bien 30 balais à bosser pour espérer toucher une hypothétique retraite et que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger.
Parfois, les barrières les pires sont celles que nous nous imposons à nous même. Je ne prétends pas que lutter contre les préjugés et le racisme anti-tout ce qui n'est pas mince/jeune/blond/blanc/hétéro est aisé et dépend uniquement de notre bon vouloir. Mais au moins, bon sang, agissons sur ce qui est en notre pouvoir. Jusqu'à nouvel ordre, se saper comme bon nous semble est encore un droit sur lequel aucun législateur n'a eu l'idée de se pencher. Dont acte.
* ces petites choses très charmantes m'ont été offertes par Mia Reva. Mes deux fois vingt ans et moi même, on valide à mort.