Depuis que j'ai ce petit problème vertébral (j'ai décidé que cela faisait plus chic de de parler de mon cul en vrac), je prends conscience de la complexité du processus d'écriture.
Vous avez été quelques unes, dont ma mère qui est une des personnes que je connais qui tape le plus vite au monde, à me proposer gentiment de prendre mes articles en dictée. D'autres m'ont indiqué des applis de reconnaissance vocale.
J'ai étudié la possibilité de recourir à ces aides. Seulement voilà, moi qui ai toujours clamé que je n'étais pas manuelle, je m'aperçois que je me suis lourdement trompée. Sportive, ça non, je ne le suis pas, et il y a peu de chances que cela change dans les mois à venir. En revanche, écrire est une activité manuelle, contrairement à ce que je pensais. Probable que si je perdais l'usage définitif de mes mains, je finirais par trouver une autre voie pour faire vivre mes mots. Mais pour l'instant, il semble clair que pour que mes phrases trouvent leur sens, elles doivent passer par le bout de mes doigts. Comme si mon cerveau ne pouvait se passer de ce pianotement (tage ?) (?) régulier, comme si mes mains traduisaient ma pensée et que mes yeux, ensuite, en relisant, venaient me confirmer ou non que j'avais trouvé la bonne façon de m'exprimer.
J'admire d'autant plus ces personnes malvoyantes ou souffrant d'un handicap et qui écrivent envers et contre tout. J'imagine, encore une fois, que l'on s'adapte. Mais comme quoi à toute chose malheur est bon, j'ai pris conscience ces derniers jours que mon corps est un acteur de premier plan dans mon activité que j'ai toujours qualifiée d'intellectuelle, pas au sens que je serais une intellectuelle (quelle intellectuelle parlerait sur l'internet mondial des laxatifs qu'elle ingère pour cause de sphincters traumatisés ?) mais au sens que seule la tête jouerait un rôle.
Tout ça pour dire que du coup, ces derniers jours, comme je ne peux pas adopter ma position favorite pour écrire (en tailleur), les mots butent, regimbent et refusent de s'aligner. Je fais des fautes de frappe, de style et d'accords. Je peine à trouver le rythme et à retranscrire ce qui sonnait pourtant si bien en pensée.
Donc non seulement j'ai besoin de mes mains mais peut-être aussi de mon cul. Et ça, c'est une autre découverte. Comme s'interrogeait une amie journaliste elle aussi et qui s'est cassé le coccyx lors de son accouchement, "est-ce qu'en fait on a vraiment la tête dans le cul ? Je veux dire, tout le temps ?".
Je crois pouvoir répondre par l'affirmative...
Voilà, à part ça, en parlant d'écriture, et même si ça n'est pas du Chateaubriand, ces deux petits abécédaires sont enfin sortis. Un grand merci encore à Astrid M pour avoir su illustrer mes textes qui sont bien moins drôles quand ils ne sont pas accompagnés de ses oeuvres tellement chouettes et fines. J'espère qu'ils vous plairont si vous veniez à les acheter. Je les ai écrits en Corse, aux heures les plus chaudes, quand la plage n'est pas une option et que les enfants, même les grands, s'assoupissent. Parfois, le churros était à mes côtés et s'endormait alors que je tapais mes textes. Je me souviens m'être dit parfois que j'étais exactement là où j'avais envie d'être. Et que certes je n'étais pas encore dans la rédaction de cette fiction que j'espère, mais malgré tout, j'écris des livres. Peut-être me fallait-il tomber un peu de mon piedestal et me tasser le séant pour me rappeler à quel point je suis vernie...
Bonne journée