Il y a quelques jours, alors que je me rendais avec mon copain Jeff à un rendez-vous extrêmement important pour lequel il me fallait impérativement une pièce d'identité, j'arrive devant l'entrée et j'ouvre mon sac pour y piocher, au milieu de tout un tas de déchets - dont certains périssables - mon passeport.
Pas de passeport.
La tête de Jeff.
Lequel n'est pas mon époux, mais forts de nos vingt ans d'amitié, nous avons atteint un certain degré d'intimité. Ce type d'intimité qui peut t'exonérer de la retenue qu'une vague connaissance aurait eue. "Putain, Caro." il a dit, en secouant la tête, accablé.
C'est à dire que ce jour là, j'avais une chose à ne pas oublier, mon passeport. Je me suis vue repartir en courant - oh, wait, je ne peux pas courir, j'ai le cul confit - pour retrouver cette fucking pièce d'identité, puis revenir - en retard - et foirer LE truc que je ne pouvais décemment pas foirer ce jour là (sur lequel je ne m'étendrai pas, rien de drôle ni de cool, ne cherchez pas).
En désespoir de cause, j'ai déniché dans ma poubelle en bandoulière mon pass navigo, ma carte vitale, ma carte de presse et aussi ma carte de fidélité Sephora. Ainsi qu'une ordonnance pour une mammographie, mais là j'avoue je n'avais pas grand espoir.
A ce moment là, je pense que Jeff n'était plus mon ami.
Par un miracle comme parfois il en survient, finalement on ne nous a pas demandé de pièce d'identité pour entrer.
Fin de l'histoire ?
Pas vraiment.
Parce qu'hier, subitement, après avoir passé l'après-midi à recenser toutes mes fiches de paie de l'année 2012 afin de demander le renouvellement de ma carte de presse (tâche accomplie au terme de deux semaines de préparation psychologique), je me suis rappelé que c'était bien gentil tout ça mais où était donc ce passeport ?
Et bien, pas comme je me l'étais imaginé, dans l'une de mes autres poubelles en bandoulière.
A ce moment là, j'ai commencé à percevoir comme un pincement au creux de l'estomac. Celui qui t'avertit que... que tu es à deux doigts de t'embarquer à nouveau dans une période de bon vieux stress de merde, rapport que tu as perdu ton passeport à trois semaines... de prendre l'avion.
ONE MORE TIME.
Soudain, éclair de génie, je me souviens, je l'ai glissé lors de mon périple à Venise dans ma mallette d'ordinateur. Ouf, je n'étais pas passé loin du psychodrame, d'autant que le churros, fort de nos 16 ans d'amour, n'a pas non plus la retenue d'une vague connaissance (ni même celle, finalement, de Jeff).
Sauf que.
Sauf que NE ME DEMANDEZ PAS COMMENT C'EST POSSIBLE MAIS LA MALLETTE A DISPARU. Je l'ai cherchée comme une possédée tout le week-end. Jusqu'au fond du sac à linge sale PARCE QU'ON NE SAIT JAMAIS. J'ai, vous l'imaginez bien, tenté de rejeter la faute sur mon cher et tendre, ainsi que sur mes enfants et même sur mon frère, à qui j'ai envoyé ce texto probablement un poil étrange à 1h du matin un samedi : "rends moi ma mallette".
Las, après avoir retourné tout mon appartement - et retrouvé des clés, un carnet de notes, trois fiches de paie et une barre de céréales fossilisée dont la date limite de consommation était antérieure au passage à l'euro - j'ai dû me rendre à l'évidence: ma mallette d'ordi est probablement quelque part en train de bien se foutre de ma gueule, en compagnie d'une trentaine de chaussettes dépareillées, de cinq ou six couvercles de tuperware et de mes petites cuillers.
Tout ça en se servant de mon passeport pour y poser leurs cocktails.
'culés.
Donc, un an jour pour jour après que la préfecture du 13è m'ait délivré l'ancien, à peine huit mois après que celle du 14è ait manqué de me rendre folle pour celui de Rose, me voici repartie pour un tour. Cette fois-ci, afin d'élargir mes horizons, j'ai pris rendez-vous pour mardi dans la seule antenne qui disposait sur internet d'un créneau antérieur à ma date de départ. Je prie mon éventuelle bonne étoile (sans beaucoup d'illusions, il est fort probable qu'elle aussi se dore la pilule et rie sous cape) pour que tout ça soit réglé avant le 9 mars, donc. Quoi qu'il arrive, j'ai décidé de prendre le bon côté des choses: pourquoi ne pas écrire un guide des préfectures de police parisiennes ? Si ça se trouve, y'a un public pour ça.
Par ailleurs, dans le cas où je parviendrais à obtenir ce passeport, il n'est pas exclu que je parte seule. Il se peut en effet que certaines paroles définitives aient été prononcées hier dans le feu de l'action. Il se peut.
Si j'étais psy, je parierais sur un coup de mon inconscient qui ne peut décidément pas me laisser voyager sereine. Mais comme je suis du genre cartésienne, je penche plutôt pour un cambriolage hyper ciblé, un coup de la mafia russe ou chinoise.
(la photo, c'était avant. quand on n'était qu'harmonie) (l'un de nous deux seulement porte un bonnet par contre) (devineras-tu lequel ?)