La première fois que je suis allée à Bordeaux, j'avais 25 ans et je venais de rencontrer le churros. J'étais une fille de l'Est mais mon mec à moi ne jurait que par l'Ouest et l'Aquitaine, en bon Rochelais qu'il est. Ce jour là, à peine sortie de la Gare Saint-Jean, j'ai découvert que dans certaines contrées les pains au chocolat s'appelaient des chocolatines et qu'on demandait des poches au supermarché pour y mettre ses courses. Là bas, aussi, on fait de l'essence et quand on quitte le boulot le soir, on débauche.
J'ai surtout vu cette lumière si particulière qui n'existe que vers l'Atlantique, humé l'odeur des pins qu'on devine si proches et admiré les facades des immeubles donnant sur les quais, cette perspective qui fait la fierté des Bordelais même si à l'époque les murs étaient noirs de suie, donnant à l'ensemble un aspect bien plus dramatique qu'il n'a aujourd'hui.
Bordeaux fut surtout pour moi cette année là la ville d'une rencontre, celle des amis de mon nouvel amoureux d'alors et plus particulièrement de Nath, sa soeur d'adoption, qui nous accueillit dans son petit appartement pourri du quartier Saint Michel qui n'était pas encore un repère de bobos kiffant le bio. Nath et ses cheveux noirs qui tombaient jusque ses reins, ses saris flamboyants et surtout son rire qu'on entendait des Quinconces à Nansouty. Plusieurs années durant nous avons passé des week-ends enfumés avec elle et la bande, partant l'été à Montalivet, louant tous ensemble des bicoques à pas cher et promenant, c'était selon, nos séants à poil chez les naturistes ou nos deux-pièces du côté des textiles.